Revue de presse : le coronavirus, une crise sanitaire et politique
Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur le contexte politique de l’épidémie de coronavirus qui, de l’avis de certains, connaîtrait en Tchéquie sa « quatrième vague ». Elle s’intéresse aussi à ses conséquences sur les disparités sociales. L’émergence, à l’approche des élections législatives, de nouvelles formations politiques est un autre sujet traité. Rappel enfin de plusieurs événements liés à la date du 25 février.
« On se trouve dans une file d’attente devant la porte de l’enfer », « Ce n’est pas nous, mais c’est l’épidémie qui nous dirige », « Un chaos approche, ne cherchons pas les coupables, mais une issue de la crise », « L’unique pays qui affronte la ‘quatrième’ vague », « Est-ce possible que le gouvernement ait déjà capitulé ? », « Un confinement total ou un pays de morts ». Tels sont quelques-uns des titres percutants d’articles qui ont été consacrés cette semaine à la propagation et à la gestion de l’épidémie de coronavirus en Tchéquie. L’hebdomadaire Respekt n’a pas omis l’aspect politique de la situation, tout comme d’ailleurs la plupart d’autres textes publiés à ce propos dans les journaux ou en ligne. On peut y lire :
« Une pandémie est pour toute société exigeante en soi. Mais en plus, depuis le mois d’août, nous vivons deux grandes crises, sanitaire et politique. Les deux s’entremêlent, menaçant la santé, la cohésion de la société, l’Etat de droit et le système politique. Le gouvernement a si souvent modifié ses démarches qu’il est presque impossible de s’y orienter. D’abord on était ‘best in covid’, puis on a connu une période de craintes suivie de celle de la contestation, pour en arriver à une situation où le système sanitaire risque de s’écrouler. Et à chaque fois lorsque la situation était très mauvaise, un membre du gouvernement a proposé un assouplissement des mesures, tantôt pour ouvrir les stations de ski, tantôt pour ouvrir les magasins. Tout ceci est dépourvu de logique et peu crédible. »
Le commentateur rejette pour autant l’argument qui prétend que l’Etat tchèque est déstructuré, car « il ne saisit pas précisément la situation ». II explique :
« Il est vrai que le gouvernement commet beacoup de fautes. Mais à part ça, nous sommes témoins d’exploits extraordinaires des institutions d’Etat, qu’il s’agisse de travailleurs sanitaires, de l’armée ou d’enseignants. C’est un élément à tenir en compte car au milieu de tout ce chaos il faut chercher aussi des moments positifs. »
Un des récents numéros du quotidien DeníkN s’est penché sur la responsabilité de l’opposition politique à la situation actuelle :
« Une opposition a pour tâche de critiquer les mauvaises décisions du gouvernement et de proposer des solutions. Au cas où elle capitule dans ce rôle pour ne pas fâcher ses électeurs, elle en devient co-responsable. Le populisme de l’opposition est aussi inacceptable que celui du gouvernement. On a pu le voir il y a quelques jours lorsque les politiciens, toutes orientations confondues, s’étaient exprimés en faveur de l’assouplissement des mesures. Mais si l’on veut éviter le pire et permettre une ouverture sûre, continue et durable du pays, il faut d’abord le fermer. »
L’auteur d’un commentaire publié sur le site echo24.cz estime pour sa part que même si un confinement dur est de nouveau envisagé dès la semaine prochaine, les gens ne voudront pas le respecter. « L’incapacité d’imposer des règles est l’un des traits marquants d’un Etat en déliquescence », souligne-t-il.
Les disparités sociales à l’approche des élections législatives
Au cours de la pandémie de coronavirus, les disparités au sein de la société tchèque se sont considérablement approfondies. Un commentaire mis en ligne sur le site aktualne.cz s’interroge sur les prochaines élections législatives qui auront lieu les 8 et 9 octobre. « Les citoyens frustrés ont décidé des résultats de celles de l’an 2017 », rappelle-t-il estimant que la même chose peut se reproduire cette année. Il explique :
« En 2020, l’ensemble des Etats européens se sont employés à lancer des programmes de sauvetage de l’économie. Mais, à la différence de la plupart d’entre eux, la Tchéquie n’a voué que peu d’attention à leurs retombées sociales. Elle est, par exemple, l’un des rares pays européens à ne pas disposer de règles pour le ‘Kurzarbeit’. La crise une fois terminée, elle risquera d’avoir un taux de chômage très élevé. L’incapacité d’aider efficacement et rapidement tous ceux que le covid a mis dans la précarité peut déboucher sur une frustration qui se manifestera aux élections. »
« Déjouant les idées préconçues, la pandémie de covid a montré qu’une crise sociale pouvait être causée par des conditions objectives », écrit le commentateur du site aktualne.cz avant de conclure :
« En ce début de l’an 2021, il s’avère que la catégorie de gens mécontents pourra s’agrandir à nouveaux groupes : les étudiants qui ne vont pas à l’école et qui ont perdu leurs jobs, les mères célibataires, les retraités actifs. Les représentants politiques sont dès lors appelés à proposer des programmes positifs en vue d’amoindrir les inégalités dans la société. Sinon, l’éventualité de voir les groupes frustrés opter pour des votes de protestation ou pour des votes extrémistes est grande ».
L’émergence de nouveaux partis et l’absence d’une "gauche authentique"
A dix mois à peine des prochaines élections législatives, le quotidien économique Hospodářské noviny porte un autre regard sur l’échiquier politique tchèque. Un commentaire publié dans son édition de ce mercredi s’est penché sur l’émergence et les chances de certaines nouvelles formations politiques, la Tchéquie en possédant à ce jour 230. Il a à ce propos indiqué :
« La volonté de fonder un nouveau parti est en ce moment en Tchéquie très élevée. Rien que durant le mois de janvier, trois nouvelles formations, à Prague et à Brno, ont annoncé leur entrée sur la scène politique qui s’annonce plus fractionnée que jamais. La question est désormais de savoir quel pourra être leur intérêt et leur attrait pour les électeurs. Et aussi, s’il y a sur le marché politique une lacune qui mérite d’être comblée ».
Le commentateur estime que les spectres politiques au centre et à droite, tout comme celui qui est réservé à l’extrême droite, sont desservis par plusieurs partis établis. L’unique espace libre est selon lui celui qui s’apprête à être occupé par la gauche :
« En Tchéquie, il n’y a pas de grand parti démocratique de gauche. Il va de soi que les communistes n’en représentent pas un. Leur parti regroupe des membres opportunistes qui, depuis trente ans, tirent parti de la nostalgie de la guerre froide. Les sociaux-démocrates quant à eux ne le sont qu’à moitié, car ils semblent peu préoccupés par les problèmes d’ordre social. L’absence d’une gauche authentique est d’ailleurs l’une des raisons du succès de l’actuel chef du gouvernement Andrej Babiš et de son mouvement ANO. »
De l’avis du commentateur de Hospodářské noviny, la Tchéquie a besoin d’un parti de gauche moderne. « Toute démocratie qui fonctionne bien doit posséder tant la droite que la gauche, pour maintenir l’équilibre, pour empêcher la croissance du mécontentement d’une partie de la population qui se sent négligée », explique-t-il.
Le 25 février, une date pas comme les autres
Le port de respirateurs dans certains espaces publics clos est obligatoire en Tchéquie depuis ce jeudi. Le fait que l’entrée en vigueur de cette nouvelle mesure « qui embête tout en apportant plus de sécurité » incombe au 25 février a conduit l’auteur d’une note publiée dans le journal Lidové noviny à rappeler quelques événements, pour la plupart tristement célèbres, qui se rapportent également à cette date :
« D’abord, il y a lieu d’évoquer le coup de Prague qui a culminé le 25 février 1948 et lors duquel le parti communiste a pris le pouvoir dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Outre cet événement notoirement connu des Tchèques, il en existe d’autres qui le sont moins mais qui méritent également d’être cités. C’est à la date du 25 février 1956 que remonte, par exemple, le célèbre discours dans lequel l’ancien leader soviétique Nikita Khrouchtchev dénonçait le culte de Staline avant de faire écraser brutalement, quelques mois plus tard, l’Insurrection de Budapest. Le 25 février est aussi le jour de l’assassinat, en 1634, dans la ville de Cheb, du grand homme de guerre de la noblesse tchèque, Albrecht de Walenstein. Une mort dont les motivations n’ont jamais été entièrement élucidées. »
Et le chroniqueur de Lidové noviny d’en déduire qu’ « effectivement, le 25 février n’est pas une date heureuse ».