Coup de Prague : 65 ans après, souvenirs
Chaque année depuis 1989, le 20 février est un jour de célébration au refrain de « plus jamais ça ! » Citoyens, anciens dissidents et responsables politiques commémorent l’évènement qui a fait basculer la fière démocratie Tchécoslovaque de l’après-guerre dans la dictature communiste. 2013 ne déroge pas à la règle, l’occasion pour nous de revenir sur cet évènement qui a bouleversé l’Europe toute entière.
En 1947 les communistes tchécoslovaques remportent 38% des suffrages lors d’élections libres et démocratiques, mais neufs ministères dont celui de l’Intérieur et celui de la Défense, ainsi que le poste de Premier ministre ne leurs suffisent pas. Les sociaux-démocrates qui participent à la coalition gouvernementale prennent conscience du danger lorsque le gouvernement rejette le Plan Marshall sur l’injonction de Staline, mais il est trop tard : Edvard Beneš, affaibli par une attaque cérébrale, abandonne au dernier moment les ministres non-communistes démissionnaires qui tentaient de provoquer de nouvelles élections et les remplace selon les conseils de Klement Gottwald, Premier ministre et artisan du Coup de Prague. La répression des manifestants et opposants politiques commence. Marie Hrabik-Samal est la fille de Martin Hrabík, l’un des principaux responsables du parti agrarien dans l’entre-deux guerre et émigré politique. Elle se souvient très bien de ce mois de février 1948.
« Pour mon père, c’était très dangereux car il avait lutté contre les Nazis. Il a passé cinq ans dans les camps de concentration et quand il est revenu le parti agraire a été aboli. Il a appris avant le coup d’Etat de 1948 qu’ils allaient être arrêtés et emprisonnés. Il était très ami avec le Secrétaire général du parti socialiste, ils avaient été emprisonnés ensemble. Ce monsieur savait qu’on était préparé à venir le chercher et le mettre en prison, alors mon père a quitté la Tchécoslovaquie le jour du coup d’Etat. »Jan Masaryk, fils de l’ancien président Tomáš Garrigue Masaryk, qui avait accepté de soutenir les sociaux-démocrates, est lui aussi sur la liste noire des communistes. Il est retrouvé défenestré au pied du ministère des Affaires étrangères le 10 mars. Les communistes affirment qu’il s’agit d’un suicide mais l’enquête est réouverte en 2004 et la police conclut au meurtre.
Les responsables politiques non-communistes n’ont pas été les seuls à subir rapidement le changement de régime : le 25 février la police et les milices communistes répriment brutalement une manifestation d’étudiants qui se dirigeaient vers le château de Prague en vue d’exprimer leur soutien à Edvard Beneš, encore président de la République tchécoslovaque, et l’encourager à ne pas abdiquer devant les communistes. La police, dirigée par le ministre de l’Intérieur secrètement communiste Ludvík Svoboda, les attend rue Nerudova. Les participants de cette manifestation continuent à se réunir chaque année autour de la plaque commémorative de l’évènement rue Nerudova, et se souviennent de cette époque et des persécutions qui ont suivi. L’année dernière Michal Melichárek, vice-président de la Chambre des étudiants du Conseil des universités, était présent pour exprimer l’importance de cet évènement encore aujourd’hui.
« Les étudiants ne sont pas indifférents à ce qui se passe dans la société, au contraire, si cela est nécessaire ils sont prêts à aller dans la rue et à se battre pour la liberté et la démocratie dans le cas où un régime les leur enlèverait. »Le souvenir du coup de Prague a abouti à la création de nombreuses associations et initiatives qui travaillent non seulement à commémorer l’évènement mais aussi à lutter contre l’oubli. Le festival international contre le totalitarisme et la violence Mene Tekel s’ouvre traditionnellement chaque année à Prague par la cérémonie de commémoration de la répression étudiante du 25 février.