Coupe Davis : les Tchèques peuvent rêver d’une nouvelle finale

Photo: CTK

Même si elle passe peut-être quelque peu inaperçue compte tenu de l’aura de l’adversaire battu, la performance est néanmoins de taille : pour la quatrième fois en cinq ans, l’équipe de République tchèque de tennis s’est qualifiée pour les demi-finales de la Coupe Davis. Malgré l’absence de leurs deux meilleurs joueurs Tomáš Berdych et Radek Štěpánek dans les matchs de simple, les Tchèques sont venus à bout du Kazakhstan (3-1) ce week-end à Astana en quart de finale. Et pour une éventuelle place en finale, la deuxième consécutive, les protégés du capitaine Jaroslav Navrátil accueilleront l’Argentine. Loin d’un périlleux déplacement en France, qui aurait reçu la République tchèque en cas de victoire en Amérique du Sud, et plus forts d’un Lukáš Rosol qui n’entend plus seulement jouer les seconds violons.

Photo: CTK
Certes, on pourra toujours dire que ce n’était « que » le Kazakhstan, dont le meilleur joueur actuel, Mikhail Kukushkin, figure à la 156e place mondiale. Certes, on pourra toujours penser que face à un adversaire d’un autre calibre, ils ne seraient peut-être, même sans doute pas passés. Certes, certes… Mais ce ne seraient là que des considérations de comptoir de bistrot. Comme souvent en sport, on pourrait toujours refaire le match, échafauder tous les scénarios imaginables. Mais les faits sont là, implacables : en battant le Kazakhstan (3-1), la République tchèque, tenante du titre, s’est qualifiée pour sa quatrième demi-finale de Coupe Davis en cinq ans.

Refaire le match ou minimiser leur performance, ce serait aussi oublier que les Tchèques se sont imposés sur la terre battue d’Astana, où le Kazakhstan, devant son public, n’avait encore jamais perdu une rencontre de Coupe Davis. Surtout, pour la première fois depuis un quart de finale au Chili en 2010, les Tchèques se sont qualifiés sans que Tomáš Berdych et Radek Štěpánek, leurs deux leaders habituels, ne disputent le moindre match de simple. Tandis que le 6e joueur mondial était absent du voyage en raison d’une épaule douloureuse, le second nommé, héros de la finale victorieuse contre l’Espagne l’automne dernier mais déjà absent contre la Suisse au premier tour, était, lui, insuffisamment remis d’une récente opération d’un disque cervical.

Jan Hájek et Radek Štěpánek,  photo: CTK
Encore à court de forme, Radek Štěpánek n’a donc participé qu’au double de samedi aux côtés de Jan Hájek, un match d’ailleurs perdu en trois sets (6-7, 4-6, 3-6) contre la paire composée d’Andrey Golubev et Yuri Schukin. Après les victoires en simple de Jan Hájek et de Lukáš Rosol, qui avaient permis à la République tchèque de mener deux points à zéro à l’issue de la première journée vendredi, cette première défaite en double depuis la finale en Espagne en 2009 a remis les Kazakhs en selle avant les deux derniers simples. Mais en dominant Evgeny Korolev en quatre sets (7-6, 6-7, 7-6, 6-2) dès le premier match dimanche, Lukáš Rosol a offert le troisième point décisif au camp tchèque et ainsi coupé court à tout éventuel renversement de situation. Vainqueur de ses deux matchs de simple, Lukáš Rosol a donc été le grand artisan de la victoire tchèque au Kazakhstan, comme s’en félicitait son capitaine Jaroslav Navrátil :

« Lukáš attendait sa chance depuis un petit moment. J’avais parlé avec lui après la finale l’année dernière pour lui expliquer que son tour allait arriver, qu’il fallait être patient, que Tomáš Berdych et Radek Štěpánek ne sont pas des robots. Il avait déjà participé au premier tour en Suisse en début d’année. Cette fois, c’était lui le leader de l’équipe et il a parfaitement rempli son rôle. Il a gagné ses deux matchs, son jeu s’est amélioré et je pense qu’il n’a pas encore dit son dernier mot. »

Désormais 46e mondial après ses deux victoires du week-end qui lui ont permis de faire un bond de dix-sept places au classement ATP, Lukáš Rosol pourrait effectivement être appelé à jouer un rôle de plus en plus important dans un proche avenir. Même s’il demeure l’incontestable deuxième meilleur joueur de l’équipe tchèque derrière Berdych lorsque son état de santé le permet, Radek Štěpánek, à 34 ans, n’arrête pas lui non plus le temps qui passe. Et Lukáš Rosol a lui aussi bien senti à Astana que son moment était enfin venu :

Lukáš Rosol,  photo: CTK
« Je savais que j’avais le devoir de gagner. Radek n’était pas prêt pour ce match, c’était donc sur mes épaules que reposaient les responsabilités. Les autres joueurs n’étaient pas forcément dans les meilleures dispositions pour disputer un éventuel cinquième match décisif. Heureusement, cela n’a pas été nécessaire, je m’en suis sorti. Je suis à la fois très heureux et soulagé. Cette victoire, je la devais à toute l’équipe. Tout le monde autour de nous s’efforce de faire son travail du mieux possible pour nous mettre dans les meilleures conditions. C’est aussi leur victoire car ils font leur maximum pour que nous joueurs jouions notre meilleur tennis. »

Qu’il le veuille ou non, depuis sa retentissante victoire contre l’Espagnol à Wimbledon l’été dernier, Lukáš Rosol, aux yeux du grand public, reste celui qui a battu, plus ou moins par accident, Rafael Nadal. Mais depuis, le Tchèque, plus constant, a néanmoins progressé. Et à 27 ans, il se sent enfin prêt et il le dit :

« Oui, je suis prêt à jouer, mais ça ne dépend pas que de moi, encore faut-il que le capitaine et les autres personnes autour de l’équipe le pensent aussi. Ce sont eux qui décident qui doit jouer. L’important est qu’ils ne se disent pas que nous n’avons aucune chance quand Berdych et Štěpánek ne sont pas là. Je veux qu’ils sachent qu’ils peuvent compter sur moi, comme avec les autres joueurs. Jan Hájek a aussi gagné son match de simple ici. Nous ne voulons pas être la cinquième roue du carrosse. C’est un sentiment fantastique de pouvoir jouer et surtout de gagner pour son pays. C’est vraiment complètement différent que lorsque l’on joue pour soi-même dans les tournois. »

Le rôle des habituels remplaçants de Berdych et Štěpánek, c’est aussi précisément ce qu’a tenu à mettre en avant le capitaine Jaroslav Navrátil :

Jaroslav Navrátil,  photo: Jan Cakl,  ČRo
« Je pense que le plus important est le travail de toute l’équipe et son état d’esprit. Après le forfait de Tomáš Berdych, nous sommes restés dans l’incertitude vraiment jusqu’au dernier moment quant à l’état de forme et à la participation ou non de Radek Štěpánek. Finalement, nous avons décidé de faire confiance à Lukáš Rosol et Jan Hájek. C’était une situation très compliquée pour les deux, mais ils ont parfaitement saisi leur chance. Ce n’était pas si évident, nous l’avons bien vu après notre défaite en double samedi, où l’ambiance dans l’équipe n’était pas idéale. Mais tous nos joueurs ont donné le maximum. Nous avions mis aussi tous les moyens de notre côté en emmenant notre propre cuisinier et en prenant nos repas à l’ambassade tchèque. Les Suisses et les Autrichiens, qui avaient perdu ici avant nous, avaient eu des problèmes digestifs. C’est la somme de tous ces petits détails qui fait que nous avons pu l’emporter. Il faut vraiment remercier tout le monde et c’est important de le dire. »

Pour les Tchèques, ce déplacement à Astana était d’autant plus délicat que depuis une élimination surprise à Ostrava dès le premier tour de la compétition en 2011, le Kazakhstan évoque pour eux un bien mauvais souvenir. Forts de leur désormais riche expérience en Coupe Davis, c’est la raison pour laquelle Jaroslav Navrátil et ses troupes ont abordé ce quart de finale particulièrement méfiants et avec tout le respect qui se doit pour leur adversaire kazakh. Et pour le capitaine, outre les performances de Lukáš Rosol et Jan Hájek, cette approche de l’événement a constitué l’autre clef du succès tchèque :

Jan Hájek,  photo: CTK
« C’était vraiment une rencontre de Coupe Davis très difficile. Pour beaucoup de gens, le Kazakhstan n’est pas une grande nation du tennis. Mais en Coupe Davis, le classement et la réputation des joueurs importent peu. C’est une compétition spéciale qui transcende certains et en crispe d’autres. Le Kazakhstan en est la meilleure démonstration. C’est une équipe très dangereuse spécialement quand elle joue à domicile, où elle n’avait encore jamais perdu. Je suis d’autant plus heureux d’avoir gagné sans Tomáš et Radek et de pouvoir de nouveau participer aux demi-finales. »

De nouveau présente donc dans le dernier carré, la République tchèque, qui s’est emparée ce lundi de la première place du classement des nations établi par la Fédération internationale de tennis, retrouvera l’Argentine, tombeuse de la France de son côté, du 13 au 15 septembre prochain pour ce qui constituera un remake de la demi-finale de l’année dernière. Et comme en 2012 à Buenos Aires, les Tchèques, qui auront cette fois l’avantage de recevoir, entendent bien ne pas s’arrêter là. Surtout que Berdych et Štěpánek, qui auraient très certainement eu la tâche beaucoup plus difficile s’ils avaient dû se déplacer en France, ont d’ores et déjà promis de faire leur maximum pour être cette fois bien présents au rendez-vous. Si tel est le cas, Lukáš Rosol, malgré son statut de héros du week-end kazakh, devra alors probablement une fois de plus ronger son frein et troquer son nouvel habit de lumière pour retrouver celui d’homme de l’ombre.