De Barrandov à Hollywood - le parcours hors du commun de Norbert Auerbach (suite)

Norbert Auerbach

Suite de notre entretien réalisé avec Norbert Auerbach. Parti de Prague en 1939 avec sa famille pour échapper à la terreur nazie, Norbert Auerbach y est revenu en 1945 alors qu'il servait dans l'armée américaine. Démobilisé à la fin de la guerre, il entame alors une carrière qui le mènera au sommet de la production cinématographique internationale.

Vous avez été libéré plus tôt que prévu de l'armée grâce aux médailles que vous avez obtenues pendant la guerre et rentrez aux Etats-Unis. Votre rêve jusque-là avait toujours été de travailler dans les plantations d'orangers que votre père avait achetés en Palestine, mais en rentrant vous changez d'avis...

« J'ai décidé de ne pas aller travailler dans les plantations d'orangers avant de sortir de l'armée, parce que j'en avais assez de cette vie primitive et que je savais bien que la vie là-bas était encore assez difficile. J'ai d'abord terminé mes études et j'étais, comme beaucoup d'anciens soldats revenus à la liberté, dans une phase un peu difficile. Je ne crois pas avoir été le seul à en souffrir. Même les études, je les faisais comme ça, pour m'occuper. Quand je les ai terminées, il se trouvait que mon père finançait quelques films et il m'a proposé de commencer par ça avant de voir ce que je voulais faire après. C'est comme ça au fond que j'ai commencé dans la production. »

Dans votre biographie qui vient de sortir en République tchèque*, vous dîtes que pour devenir ce que vous êtes devenu par la suite - entre autres président de United Artists -, il fallait avoir un papa riche et de la chance... J'imagine qu'il faut aussi beaucoup travailler en plus ?

« Tout ça ce sont des éléments divers. Avoir un papa riche ne nuit pas... Mais dans mon cas, comme mon père connaissait beaucoup de mes patrons dans les grandes sociétés, c'était plus difficile parce qu'on attendait beaucoup plus de ma personne. Ce que ça me donnait c'est vraiment une sécurité : je n'avais jamais peur d'être mis à la porte - 'Si ça vous plaît pas, vous me mettez à la porte et papa s'occupera de moi'.

Mais il y a d'autres éléments pour le succès : il faut travailler, avoir beaucoup d'informations et une chose très importante à laquelle beaucoup de gens ne pensent pas assez : avoir à côté de soi un assistant ou quelqu'un qui connaît votre travail et a la possibilité de prendre votre place. Parce que si une place se libère plus haut dans la hiérarchie, se pose toujours la question 'Qui va vous remplacer si vous êtes promu ?'. Dès que vous pouvez dire 'J'ai François ou Robert qui peut faire ça à ma place', le mouvement et la réorganistaion deviennent plus faciles. »

A la tête de sociétés prestigieuses comme United Artists ou Columbia, Norbert Auerbach participera à la production de plusieurs des plus grands succès cinématographiques du XXè siècle, comme West side story, les premiers James Bond, ou l'Homme de Rio. Dans notre émission de demain, il reviendra sur sa rencontre avec Brigitte Bardot lors du tournage de Et Dieu créa la femme...

*Z Barrandova do Hollywoodu, Mlada Fronta, 2006