De retour de Venise, "Marguerite" sort sur les écrans tchèques

Фото: ArtCam

Présenté en compétition à la Mostra de Venise, le film « Marguerite » de Xavier Giannoli, avec Catherine Frot dans le rôle-titre, sort jeudi 24 septembre sur les écrans tchèques. Ce long-métrage, qui suit le destin d’une diva amatrice de peu de talent dans la France aristocratique des années 1920, est une coproduction entre la France, la Belgique et la République tchèque, où il a été entièrement tourné. Artemio Benki, le directeur de la société Sirena Film, le coproducteur tchèque, a présenté cette œuvre pour Radio Prague.

Artemio Benki,  photo: Marie Frajtová / Artcam
« Marguerite est une comédie dramatique de Xavier Giannoli. C’est un film sur une femme très riche qui a une passion : la musique, l’opéra. Elle chante depuis des dizaines d’années devant un public d’amis, de proches, elle fait de petits concerts dans son château. Tout le monde l’applaudit mais personne ne lui dit la vérité parce qu’elle est très riche : elle chante complètement faux. C’est une véritable Castafiore. Elle vit dans ce monde de mensonges. A la suite d’un papier dans lequel un journaliste la met en avant, elle se décide à louer un opéra et à joueur devant un vrai public. C’est là que les problèmes commencent parce qu’évidemment, le vrai public ne va pas pouvoir lui mentir. C’est un film, comme souvent dans les films de Xavier Giannoli, où il y a beaucoup d’ambivalence, où il y a à la fois du beau et du moche. Chaque personne est bon et mauvais à la fois, fou et sage. C’est un film sur la passion, inspiré d’une histoire vraie aux Etats-Unis. C’est seulement inspiré, ce n’est pas un biopic. »

Avec votre société de production, Sirena Film, vous avez coproduit ce film. Comment vous-êtes-vous joint au projet ?

'Marguerite'
« Cela est né étrangement il y a très longtemps. Xavier, qui est quelqu’un que je connais depuis quinze ans, tournait ici il y a bien dix ans. On tournait ensemble. On marchait dans les rues de Prague et il disait : « J’ai une idée. J’aimerais faire un film sur ce sujet, sur cette Castafiore et je voudrais le tourner ici ». On marche dans les rues, on va au restaurant, on va boire un verre et on en parle. Beaucoup plus tard il me dit : « Voilà j’ai écrit le scénario. Cela m’a pris du temps. J’ai fait d’autres films, « A l’origine », « Quand j’étais chanteur ». Maintenant j’ai envie de faire celui-ci, « Marguerite », et je veux qu’on le tourne ensemble ». Le film n’avait pratiquement pas d’argent à ce moment-là. Il avait juste l’accord de Catherine Frot, qui voulait tourner avec lui parce que c’est un grand réalisateur. Il m’a demandé d’être le coproducteur tchèque. Je lui ai répondu que c’était parfait, car grâce au nouveau système de la République tchèque et du ministère de la Culture, nous étions capables de venir avec une partie du financement du film. En fin de compte, très tôt, même avant qu’il ait le coproducteur français, j’étais main dans la main avec le réalisateur. Après il y a eu un producteur français qui est plus important que le producteur tchèque parce qu’il y a plus de financement venant de France, mais c’est un peu l’histoire du projet. »

Le film a été tourné à l’automne dernier à Prague. En tant que producteur tchèque, vous avez eu un rôle à jouer. Comment cela s’est passé ?

'Marguerite',  photo: Larry Horricks / Artcam
« Tout le tournage a été fait ici. Au moment où nous avons eu la première version du scénario, on a commencé à réfléchir, que ce soit moi ou mes équipes, le location manager, l’assistant réalisateur, le chef déco, qui est tchèque, à ce que l’on pouvait proposer à Xavier comme lieu de tournage. Au début, il disait qu’il y avait de beaux opéras à Prague. Mais il n’y a pas que l’opéra qui joue, il y a aussi un château, il y a aussi un hôpital qui est assez spécial. On lui a proposé tous ces lieux, certains qu’il a choisis, d’autres qu’il n’a pas choisis. On a eu aussi à un moment la question de savoir quelle serait l’équipe tchèque et quelle serait l’équipe française. L’équipe tchèque est beaucoup plus importante que sur un film venant classiquement se tourner en République tchèque. Il y a des postes qui ont été faits par les Tchèques, des postes qui d’habitude ne le sont pas, par exemple le chef déco, l’un de postes les plus importants, d’autant plus sur un film d’époque. Ensuite, il y a eu tout un rôle sur comment produire la coproduction en termes de financement, en termes de sources de coproduction, un rôle qu’on a fait de concert avec le producteur français. Là encore, ce n’était pas une production où juste on vient tourner à Prague parce que c’est pas cher et qu’il y a de beaux décors. C’était aussi le cas, mais l’implication était beaucoup plus forte. J’ai passé beaucoup plus de nuits blanches en réfléchissant au film que sur d’autres ! »

Vous avez un petit rôle de figurant il me semble. On vous voit monter à l’opéra…

'Marguerite',  photo: Larry Horricks / Artcam
« Oui, j’avais un rôle de figurant ! En fait, j’avais un rôle plus important mais Xavier m’a coupé au montage ! Mais bon, c’est pour le bien du film. J’avais le rôle d’un poète dadaïste. Il trouvait que j’avais une tête marrante donc il m’a mis dans un costume en carton de poète dadaïste qui normalement déclamait un poème dans une langue dadaïste, une langue qui n’existe pas. Ensuite on devait me revoir en montant à l’opéra. Il a coupé la scène de mon poème. Peut-être que j’étais très mauvais ou peut-être que cela ne marchait pas dramatiquement. Ce qui était juste très embêtant, c’est que j’ai passé trois-quatre jours dans ce costume et qu’à la fin j’étais complètement crevé. »

Catherine Frot a aussi un rôle très exigeant dans ce film. Comment a-t-elle vécu le tournage ?

'Marguerite',  photo: Artcam
« Sur le tournage, nous étions deux fumeurs invétérés donc nous fumions ensemble en dehors du plateau. Pour ce film, elle a refusé plusieurs rôles. Le film s’est reporté plusieurs fois comme cela arrive souvent au cinéma. Depuis deux ans à peu près, elle n’a pas tourné ou très peu au cinéma bien que cela soit une actrice excessivement populaire. Donc c’est un peu retour. Elle n’a pas tourné, non pas parce qu’on ne lui a pas demandé de tourner, Catherine Frot est l’une des actrices les plus populaires en France et elle a reçu beaucoup de propositions, mais elle a refusé de tourner pour le film de Xavier. Donc elle s’est longtemps préparée. Elle a pris des cours de chant, elle a repris des cours de chant, elle connaissait tous les textes par cœur. Xavier est un réalisateur très exigeant avec les acteurs et elle était à la hauteur de cette exigence. Ils ont beaucoup répété auparavant. Ils ont ensemble incarné Marguerite, et non pas de la manière dont d’habitude elle incarne ses personnages, mais d’une autre manière. Ils ont réinventé une Marguerite et c’est pour cela que son jeu est exceptionnel. On ne l’a jamais vu comme cela. Elle joue une grande bourgeoise un peu folle. Habituellement elle joue plutôt une femme populaire très sympathique et un peu idiote. Là c’est une grande bourgeoise qui est un peu folle et qui est complètement passionnée par la musique. »

Parlons un peu de la République tchèque. Vous avez parlé de ce nouveau système qui vise à attirer des tournages étrangers. Quel est ce système ?

'Marguerite',  photo: Artcam
« Le système s’appelle « pobídky » et est l’équivalent d’un crédit d’impôt. Il part du principe que lorsque vous dépensez cent, on va vous rendre vingt à la production. C’est basé sur une réalité tout simplement économique, qui est de dire que quand une équipe de tournage va dépenser cent, cela va rapporter trente à l’Etat. D’un point de vue pratique cela réduit les coûts, cela amène de l’argent sur les films. C’est quelque chose qui fonctionne en cascade. Cela permet à la République tchèque d’être réellement coproductrice. Du coup, devenant un film franco-tchèque dans notre cas, on peut aussi demander de l’argent à l’Europe parce que c’est un film européen. Les gens viennent tourner aussi en République tchèque parce que les décors sont beaux, qu’ils ne sont pas très loin, que les équipes techniques sont bonnes, même très bonnes, et que c’est moins cher que dans d’autres pays. Mais c’est un outil supplémentaire qui permet à la République tchèque d’exister aussi sur des films internationaux, en tant que pays coproducteur, de manière active. »