Délocalisations en République tchèque : une médaille à plusieurs faces
A l'heure de la construction européenne, le débat social fait rage dans l'UE en général et en France en particulier. Le thème des délocalisations y occupe une bonne place. En passe de devenir un pays très recherché par les entreprises occidentales souhaitant délocaliser, la République tchèque est pleinement concernée. Si la situation est bénéfique pour les Tchèques, elle profite aussi à certains jeunes citoyens des pays d'origine, candidats à l'expatriation.
Danone, Skype, Lu, Volkswagen avec les usines Skoda, Accenture ou encore Exxon Mobil, ce ne sont quelques exemples de grandes entreprises américaines, françaises ou allemandes qui ont choisi, non sans succès, de délocaliser une partie de leurs services en République tchèque.
Cela se confirme chaque année, Prague devient une destination privilégiée pour les migrations de sites économiques. A la stabilité politique du pays s'ajoute l'existence d'infrastructures fiables et d'une main-d'oeuvre qualifiée. Sans compter la proximité géographique et culturelle avec l'Europe de l'ouest.
Bien sûr, les faibles coûts de main d'oeuvre (comparés à l'ouest) et une disposition légale favorables achèvent d'emporter l'adhésion des multinationales occidentales. La visite de délégués syndicaux français de Lu (rappelons que les célèbres Pépito sont fabriqués en République tchèque) dans les usines tchèques et polonaises a révélé le fossé des salaires (environ 300 contre 1 600 euros) et des avantages sociaux. En cause se trouve le processus d'harmonisation sociale et fiscale dans l'UE, dont certains déplorent qu'il ne se réalisera pas avant plusieurs générations.
Dans les faits, la délocalisation peut aboutir à des relations ubuesques entre employés. Zoom, à Prague, sur les services délocalisés d'une multinationale allemande, dont nous tairons le nom. Avant le lancement de leur activité, les employés de Prague ont bénéficié d'une formation au cours de laquelle ils ont fait connaissance avec leurs collègues allemands, français ou italiens, selon leur département d'affectation.
Une fois de retour dans les bureaux pragois, des tensions inattendues voient le jour. La migration de chaque service à Prague entraîne un transfert de compétences. Face à une situation de sureffectif, les équipes de Paris, Londres ou Milan tentent de protéger leurs employés en sous-évaluant leurs nombres auprès du siège. Ce qui peut jouer de mauvais tours à leurs collègues pragois ! Bref, les relations entre collègues d'une même entreprise font parfois plus penser à celle de concurrents, les employés français, allemands ou anglais ressentant la migration de services à Prague comme une menace pour leurs emplois.
Bien sûr, la délocalisation bénéficie indéniablement à la République tchèque en particulier et aux nouveaux membres de l'UE en général. Selon certains experts, l'externalisation en Europe centrale et orientale de services d'entreprises occidentales devrait générer 130 000 postes dans les pays de cette région d'ici 2008.
Mais ce ne sont pas seulement les Tchèques travaillant dans les grandes firmes étrangères qui en profitent. Ne parlant généralement pas le tchèque, les étrangers vivant à Prague s'orientent le plus souvent vers les grands groupes internationaux pour trouver un emploi. Indirectement, les nouveaux pays membres de l'UE, même s'ils ne constituent pas encore une destination privilégiée par les candidats français à l'exil, contribuent à résoudre le problème chronique du chomâge en France.
Quelques chiffres : 2 millions de Français vivent actuellement à l'étranger, ce qui constitue un record dans l'histoire du pays. Le nombre des départs a augmenté de 30 % en 10 ans. Important : 97 % des émigrés du travail aboutissent dans leur recherche professionnelle. Notons qu'ils sont le plus souvent diplômés, ce qui ne représente pas une assurance de trouver du travail en France.
Les jeunes Français ayant integré une grande entreprise à Prague n'auraient pas pu y accéder depuis leur pays d'origine. Beaucoup retourneront en France et se serviront de leur expérience acquise. Le passage par un grand groupe est toujours un très bon passeport sur un CV.
A Prague ont fleuri, depuis la moitié des années 90, des agences d'emploi privées s'adressant autant aux Tchèques qu'aux étrangers vivant à Prague. Certaines, comme l'agence irlandaise Grafton Recruitment, propose des postes dans les grandes companies américaines ou européennes. Le site internet expats.cz, créé en 2001, propose quant à lui des offres d'emploi pour les non-tchécophones, dans toutes sortes de domaines, programmation, Internet, tourisme ou cours de langue.
Si la Chine, l'Irlande, la Malaisie et les Philippines restent pour l'instant les pays préférés pour les délocalisations à l'étranger, les pays d'Europe centrale, République tchèque en tête, ont été les destinations favorites des entreprises d'Europe de l'Ouest entre 2004 et 2006.