Didier Pasamonik : « ‘Maus’ d’Art Spiegelman est probablement le meilleur livre écrit sur la Shoah »
La 13e foire du livre de Prague, Svět Knihy (Le monde du livre) s’est achevée dimanche au Parc des Expositions à Prague. La Roumanie et la littérature de la région de la Mer Noire étaient à l’honneur cette année, de même que la bande-dessinée. Parmi les invités, le critique belge Didier Pasamonik, également éditeur, directeur de collection, commissaire d’exposition. Spécialiste de la représentation de la Shoah et de la judéité dans la bande-dessinée, il a expliqué à Radio Prague, comment il s’était intéressé au sujet :
Comme Art Spiegelman dans Maus…
« Exactement. Art Spiegelman s’en souvenu pour Maus. C’est comme si on avait besoin du filtre de l’animalité pour représenter la réalité humaine. C’est ce type de questions qui m’a interpellé et m’a amené à aller voir comment c’était interprété. »
Elargissons un peu le sujet. Vous êtes à la foire du livre de Prague pour participer à une table-ronde sur la bande-dessinée historique et biographique. A l’heure actuelle, de nombreuses BD de ce type sortent en France, en Belgique. Je pense par exemple à « La guerre d’Alan » d’Emmanuel Guibert ou « Svoboda ! » de Kris et Jean-Denis Pendanx. Au vu de leur succès, qu’est-ce qui a changé dans le regard du public sur la BD ?
« Ce qui a changé, c’est la nature de la consommation de la BD elle-même. Spiegelman est un peu responsable de cela. Ces sujets, qui sont de grande gravité mais aussi d’intérêt général, vont au-delà de la simple BD de distraction ou d’aventure. ‘Maus’ de Spiegelman est probablement le meilleur livre sur la Shoah qui a pu être écrit, au même titre que ‘Si c’est un homme’ de Primo Levi. Ce statut nouveau pour la BD a ouvert la voie à la présence de la BD dans la librairie générale, et cette présence-là à permis de coloniser toute une série de thèmes. En fait, beaucoup d’auteurs, y compris des historiens de renom, estiment que la BD est un bon vecteur pour raconter l’Histoire, parce qu’elle a deux avantages sur les essais historiques : le premier, c’est qu’elle cristallise et symbolise mieux les faits importants de l’Histoire, ce qui fait qu’on retient mieux et on l’assimile mieux qu’un essai de 444 pages. L’autre avantage, c’est qu’on reprend plus souvent en main une bande-dessinée. »Cet engouement du public et des auteurs pour la BD historique n’est-il pas dû également au fait que l’histoire du XXe siècle est traumatisante à bien des égards et qu’on a besoin de la comprendre, et autrement…
« C’est vrai que comme le dit l’adage, ceux qui oublient l’histoire sont condamnés à la revivre. Mais c’est vrai aussi que les grands chocs qu’on a pu avoir au XXe siècle, et ceux qui nous attendent dans le futur, qui sont énormes, font que la réflexion est beaucoup plus profonde. De la même façon qu’avec la psychanalyse, on va reconstituer l’histoire de l’individu pour mieux asseoir son propre développement, cette demande d’histoire est de plus en plus importante aujourd’hui. Et l’avantage avec la bande-dessinée, c’est qu’on n’est pas uniquement dans l’histoire littéraire, conceptuelle. On est également dans une histoire de l’image. »
Retrouvez l'intégralité de cet entretien, samedi, dans Culture sans frontières.