La bande dessinée tchèque à l’honneur du festival SoBD à Paris
Du 2 au 4 décembre, les Parisiens amateurs de bande dessinée auront l’occasion de découvrir et de rencontrer des auteurs, éditeurs et spécialistes de la BD tchèque dans le cadre du salon SoBD. Un premier rendez-vous est par ailleurs fixé dès le 28 novembre, au Centre tchèque de Paris. Pour évoquer ce focus sur la BD tchèque, Radio Prague Int. a interrogé l’organisateur du festival, Renaud Chavanne.
« SoBD est un festival qui se consacre à la bande-dessinée créé il y a 12 ans en plein cœur de Paris. C’est un salon plutôt orienté sur une littérature indépendante et destinée aux adultes, avec une programmation culturelle autour de l’exposition des livres. »
Cette année, So BD met à l’honneur la BD tchèque, sans doute moins connue en France, même s’il faut rappeler que plusieurs titres ont été publiés en France ces dernières années. Quelle est, selon vous, la marque de fabrique de la BD tchèque ?
« L’une des ambitions de So BD est de faire découvrir à un public parisien quand même très orienté sur la BD franco-belge, qui connaît la BD nord-américaine depuis longtemps, qui a découvert le manga dans les années 1990. Ce sont nos aires géographiques les plus connues. Quasiment partout dans le monde entier, on a de la BD depuis le début du XXe siècle, si ce n’est pas depuis le début du XIXe siècle. Et c’est le cas aussi pour les pays tchèques.
Une de nos vocations est de faire découvrir à un public qui n’est pas nécessairement ouvert sur le monde entier, des littératures de nombreux pays. Des artistes tchèques ont été effectivement publiés en France, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une identification de la BD tchèque en tant que telle. Les artistes sont souvent connus de manière indépendante.
En ce qui concerne l’identification de la bande dessinée tchèque, je pense qu’elle est assez diversifiée. So BD a un comité de pilotage d’une douzaine de personnalités issues du monde de la bande dessinée, des éditeurs, des libraires, des chercheurs, des journalistes. Quand nous évoquions la BD tchèque, c’étaient plutôt des stéréotypes qui sortaient. »
Quels types de stéréotypes ?
« Une connexion sur l’univers des mythologies, des choses comme cela. Ce ne sont pas forcément des choses inexactes, mais cela reste des stéréotypes. Personnellement, je ne suis pas un spécialiste de la BD tchèque, je l’ai découverte en montant ce salon, mais on s’aperçoit qu’il y a des artistes très diversifiés avec des approches très variées. Certaines personnes vont en effet produire des choses orientées sur le folklore, mais aussi d’autres qui vont produire des œuvres centrées sur la vie contemporaine, le roman policier, l’aventure, ou des problématiques avec plus de profondeur psychologique. Donc je ne crois pas qu’aujourd’hui, au XXIe siècle, on puisse dire qu’il y a une BD qui se caractérise par une sorte d’approche spécifique. C’était le cas dans la deuxième moitié du XXe siècle où l’on pouvait avoir des genres populaires, d’aventures, qui étaient très pratiqués. Aujourd’hui, c’est plus diversifié – et c’est le cas en République tchèque, comme ailleurs. »
Parlons des auteurs tchèques actuels : retrouvez-vous dans leurs inspirations visuelles des références aux grandes traditions de la BD, belge ou française, ou alors est-ce une création singulière ?
« Je pense que ça dépend des générations. Les artistes un peu plus âgés, invités du festival, comme Pavel Čech et František Skála, ont, eux, une inspiration provenant des BD qu’ils ont lues quand ils étaient plus jeunes et qui avaient probablement davantage des racines tchèques. Le marché littéraire à l’est était relativement fermé, d’autant plus que la BD n’a jamais été très bien considérée sous les régimes communistes. Les productions n’étaient pas très nombreuses et relativement peu ouvertes sur l’Occident. Le témoignage qu’on entend souvent, c’est que les publications qui passaient le rideau de fer étaient Pif et Vaillant, deux émanations du Parti communiste français, deux publications de très grande qualité mais très orientées idéologiquement. Cela a eu une petite influence, mais pas plus que cela. Par contre, quand on regarde dans la jeune génération, c’est sûr que quelqu’un comme Kateřina Čupová a une partie de son inspiration qui vient de la sphère asiatique et du manga. Ce n’est pas étonnant : dans le monde entier on a des auteurs de toutes nationalités qui font du manga car c’est la littérature populaire de nos jours, c’est ce que lisent les jeunes, ce n’est pas cher et c’est ce qui est connu. Même quand ils sont autodidactes, comme Pavel Čech, ce sont des gens de culture, ils ont une culture de la discipline artistique qu’ils pratiquent et sont capables de reconnaître les courants, les artistes et qui vont se mettre dans une ligne ou dans une autre, mais qui peuvent aussi sans problème aller dans une autre voie. »
Vous invitez à Paris à la fois des auteurs, des éditeurs et des spécialistes de la BD tchèque. A quels rendez-vous conviez-vous les festivaliers ?
« On a une programmation en plusieurs temps, qui s’étend sur quasiment toute la semaine. Cela commence le mardi mais se termine le dimanche. Mardi 29 novembre, on commence au Centre tchèque de Paris par une rencontre avec nos cinq artistes invités : František Skála, Lucie Lomová, Pavel Čech, Kateřina Čupová et Vojtěch Mašek. Nous aurons ainsi cinq moments d’un quart d’heure environ de présentation de ces cinq auteurs pour faire connaissance avec eux. Il y aura un échange avec le public. C’est gratuit, ouvert à tout le monde. Sur le salon lui-même, à compter du vendredi 2 décembre à 15h, on a plusieurs poins de rendez-vous : une exposition d’une centaine de pièces originales des cinq artistes invités. Ensuite, il y a aura un stand avec nos trois éditeurs invités qui présenteront les livres qu’ils publient et une partie des traductions françaises de certaines de ces œuvres. Il y aura à la fois des BD et des livres sur la BD, notamment une très belle Histoire de la bande dessinée tchèque que l’on doit à deux de nos invités, Tomáš Prokůpek et Pavel Kořínek. Enfin, nous avons quatre tables rondes dimanche après-midi, autour de la BD tchèque où interviendront tous nos invités sur des thématiques concernant l’histoire de la BD tchèque, les grands auteurs, les œuvres notoires, la problématique de la relation avec la télévision, puisque la Tchéquie est célèbre aussi pour son animation. Le dessin animé est une discipline distincte de la bande dessinée mais souvent les gens travaillent dans l’un et dans l’autre : Lucie Lomová, par exemple, a vu ses œuvres adaptées à plusieurs reprises pour la Télévision tchèque. Kateřina Čupová est à la fois animatrice et dessinatrice de BD. Vojtěch Mašek est scénariste pour le cinéma. Il y a donc des connexions. Et les éditeurs nous parleront de la scène contemporaine de la BD tchèque, les problématiques de diffusion, la production des livres etc. »