Disparition de Terry Haass, artiste tchèque vivant en France, à l’âge de 93 ans

Terry Haass, 'Jenůfa', 2003, photo: Musée d'art d'Olomouc

Le 1er mars dernier est décédée à Paris l’artiste d’origine tchèque Terry Haass, à l’âge de 93 ans. Ses funérailles ont eu lieu le 12 mars au cimetière du Père Lachaise. Peu connue dans son pays d’origine qu’elle a quitté définitivement en 1939, elle était toutefois une artiste reconnue à l'étranger et ses œuvres sont représentées dans de grandes collections à travers le monde, comme le Musée d'art moderne ou le Musée Guggenheim de New York, le Kunstmuseum à Bâle, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, le Victoria and Albert Museum de Londres. Roman Kameš est un artiste tchèque vivant en France et responsable de la Revue K. Il se souvient de sa découverte de l’existence de Terry Haass et de son travail :

Terry Haass,  photo: ČT
« J’ai connu Terry Haass relativement tard. Avec Jiří Kolář, nous avons lancé une revue consacrée aux artistes d’origine tchèque expatriés de par le monde. J’étais à la recherche d’artistes. Terry Haass, je ne l’ai découverte qu’en 1988 quand le sculpteur tchèque Vladimír Škoda l’a rencontrée quelque part. Il m’a dit qu’il fallait que j’en parle dans la Revue K. Je me suis présenté chez elle à Montmartre. Terry Haass m’a questionné sur la revue. En fait, elle ne nous connaissait pas, pas même Jiří Kolář qui était pourtant une sacrée personnalité, parce que ses relations avec sa patrie étaient vraiment très limitées. Donc nous avons publié quelques extraits de son travail dans le numéro 34 de la revue. J’ai continué ensuite à la fréquenter. »

Quand on lit sa biographie, on voit que Terry Haass a vécu beaucoup de vies en une vie. Elle symbolise d’une certaine façon le destin des pays tchèques ballottés par l’histoire. Pouvez-vous nous rappeler son parcours ?

Terry Haass,  photo: ČT
« Terry Haass est née 1923 dans une famille juive. En 1938-1939, sa mère a bien compris que la situation était très mauvaise. Elle a pris Terry et son petit frère et est partie via Paris à Lisbonne, puis aux Etats-Unis. C’est cela qui les a sauvés car le père de Terry Haass a péri en camp de concentration. Terry Haass a toujours été intéressée par l’art, et je dois dire que quand je vois ses dessins et estampes réalisés entre 16 et 19 ans, je pâlis de jalousie. Vraiment, quelle maturité, quel humanisme ! C’était un travail de premier ordre. Aux Etats-Unis, elle a étudié le graphisme et la gravure à l’atelier de Stanley Hayter. Elle a vécu à New York où elle a fréquenté des artistes. Mais l’élément nouveau et pas des plus agréables a été l’arrivée du maccarthysme. »

Et c’est cela qui l’a ramenée à Paris…

« C’est cela qui l’a fait retourner à Paris. Je pense qu’elle a obtenu une petite bourse. Et elle a étudié l’archéologie classique, mésopotamienne. Pour le compte du Musée Cernuschi, elle a participé plus tard, en 1959-1960, à des fouilles en Palestine, au Pakistan, en Irak, en Iran, en Afghanistan, en Israël et en Jordanie. »

Terry Haass,  'Jenůfa',  2003,  photo: Musée d'art d'Olomouc
J’ai cru comprendre que cette période où elle s’intéresse à l’archéologie est une période où elle ne crée pas. Que cherchait-elle dans ce travail archéologique ?

« Terry Haass s’intéressait de manière très vaste à l’histoire de l’art. Pour elle, c’était une recherche personnelle. Par contre, elle disait qu’elle travaillait le jour et fais ait du dessin et de la peinture la nuit. Pour elle, l’archéologie était aussi une source d’inspiration car elle nous a ramené des estampes très originales de ces fouilles. »

Le travail de Terry Haass est reconnu et représenté dans de nombreux musées et institutions dans le monde. Comment expliquez-vous qu’elle soit aussi peu connue dans son pays d’origine, mis à part une notable rétrospective en 2006 au Musée d’art d’Olomouc ?

La rétrospective en 2006 au Musée d'art d'Olomouc,  photo: Lumír Čuřík / Musée d'art d'Olomouc
« C’est très simple finalement. A partir de 1939, Terry Haaas n’a plus vécu dans son pays. Elle y est retournée dans les années 1980 je crois. Mais elle a très peu exposé. Vers l’an 2000, je lui ai fait rencontrer le directeur de la collection graphique de la Galerie nationale, Jiří Machalický. Il était impressionné par son travail qu’il ne connaissait pas. Il lui a promis une rétrospective et Terry a promis de faire un don de ses estampes à la Galerie nationale. On a même obtenu une date approximative pour l’exposition. Mais c’est une époque où les gens changeaient souvent de postes et d’affectation : Jiří Machalický a quitté la Galerie nationale et l’exposition est tombée à l’eau. »

Radio Prague avait pu s’entretenir avec Terry Haass en 2006, à l’occasion de sa rétrospective à Olomouc (http://radio.cz/fr/rubrique/faits/terry-haass-une-artiste-dorigine-tcheque-vivant-a-paris-expose-en-tchequie).