Donner plus de place, dans les médias, aux musulmans dénonçant le terrorisme

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La religion et la politique, le rôle de la religion dans la société sécularisée et les relations entre l'islam et l'Occident. Voilà les trois cercles de thèmes développés lors de la 8ème édition du cycle de rencontres s'inscrivant dans le dialogue inte-religieux qui a eu lieu, la semaine écoulée, à Prague et organisée par les fondations Forum 2000 et Vision 2004. Le patronage de l'ex-président Vaclav Havel a donné du poids à la manifestation qui a réuni quelques personnalités intéressantes, représentant différentes religions. Une occasion pour moi de m'entretenir avec l'intellectuel musulman, Tariq Ramadan.

Quel est, aujourd'hui, le rôle d'un intellectuel musulman, rôle qui est le vôtre ?

« Il s'agit d'être enraciné dans sa propre tradition, c'est ce que j'ai d'ailleurs toujours essayé de faire... J'ai fait une formation en sciences islamiques, j'ai travaillé donc à l'intérieur. Pour être entendu de l'intérieur, il y a ce travail de formation personnelle ; au niveau académique, il faut écrire et produire une pensée qui apporte des réponses nouvelles à de nouveaux défis. Mais ce n'est pas tout. Je pense que les vrais intellectuels sont les intellectuels engagés. Il faut promouvoir au sein de la communauté musulmane une nouvelle éducation, un esprit critique. Les musulmans croient que leur message est un grand message, mais tous les musulmans ne sont pas grands, parfois ils trahissent. L'important est de ne pas avoir une intelligence superficielle, il faut promouvoir la créativité avec des femmes et avec des hommes, pour développer une meilleure compréhension, un meilleur partenariat, une citoyenneté active, une présence confiante, à l'écoute d'autrui ».

Vous représentez l'une des voix, l'une des tendances de l'islam. Sait-on assez cette diversité ?

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« Non, je dis souvent aux gens que je ne représente pas tous les musulmans, même si, aujourd'hui, au niveau de la base, le mouvement réformateur est majoritaire. On a en général une vision simpliste, simplificatrice de l'islam, une vision monolithique... Le monde musulman est complexe. Ce n'est pas facile à comprendre. Il y a plusieurs tendances, plusieurs lectures. Les voix les plus médiatiques ne sont pas les voix majoritaires. Les voix silencieuses ne sont pas les voix les plus absentes. »

Tariq Ramadan dénonce ce qu'il appelle la « hiérarchisation » du racisme. Il s'explique :

« Je dis et je répète aux nouveaux citoyens européens qu'ils doivent comprendre la particularité européenne, avec la souffrance et l'extermination des Juifs, une marque très très profonde dans l'Histoire européenne... Dans le même temps, comprenant cette souffrance et comprenant qu'il faut lutter contre l'antisémitisme, il faut qu'on dise que tous les racismes sont de la même façon inacceptables : les racismes contre les tziganes, contre les Noirs, contre les Arabes, contres les musulmans... Il ne faut accepter aucun racisme ».

La voix des musulmans qui condamnent le terrorisme et la violence se fait-elle assez entendre ?

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« Non, pas assez. Il faut que les voix se fassent effectivement plus entendre. Il faut que les médias fassent l'écho de ces condamnations. En ce qui me concerne, nous devons être clairs : ma condamnation est claire, je l'ai dit, je l'ai écrit, je le répète. J'ai écrit une vingtaine de livres et dans trois quarts d'entre eux je dénonce la violence. Pourtant on ne cesse de me le redemander...Les médias doivent donner la parole aux musulmans qui dénoncent le terrorisme et la violence ».