Elections européennes : le traité transatlantique s’invite dans le débat tchèque

Photo: Commission européenne

A l’approche des élections au Parlement européen prévues en République tchèque pour les 23 et 24 mai prochains, quelques sujets à caractère « européen » ont déjà fait l’irruption dans le débat public tchèque. Parmi eux se trouvent les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP), un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Suite aux critiques de ce projet émises par le leader de la liste sociale-démocrate, le sociologue Jan Keller, la grande majorité des réactions dans la presse tchèque sont unanimes à soutenir la création d’un grand marché transatlantique.

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Radio Prague s’en est déjà fait l’écho (ici et ici), le TTIP est un projet ambitieux à la fois par la taille des marchés qu’il vise à unifier et par le nombre de domaines qu’il entend englober. Dans le cadre de cet accord, il s’agirait non seulement de supprimer des barrières tarifaires mais aussi la plupart des barrières non tarifaires, ce qui impliquerait une harmonisation des normes sanitaires, techniques ou écologiques. Malgré les promesses de croissance et de créations d’emplois, les critiques du projet n’y croient pas et estiment qu’il profitera avant tout aux grandes multinationales déjà implantées des deux côtés de l’Atlantique.

C’est sur ce point que Jan Keller, sociologue et tête de liste sociale-démocrate aux élections européennes, a engagé le débat samedi dernier à l’occasion du lancement de la campagne électorale. Selon les déclarations de Jan Keller, « ce traité est dangereux car les négociations se déroulent en secret et il y a plusieurs points problématiques. D’abord, si le traité entrait en vigueur, les aliments en provenance des Etats-Unis, interdits en Europe pour des raisons sanitaires, pourraient pénétrer sans entrave sur le marché européen. Ensuite, les Américains souhaiteraient en finir avec les marchés fermiers en Europe car il s’agit d’une concurrence pour leurs grandes chaînes de distribution. Mais ce qui est le plus inquiétant, c’est la clause investisseur-Etat qui permettrait à une entreprise de poursuivre en justice un Etat par lequel elle se sentirait lésée. Il existe déjà des exemples de ces procédures. Depuis que l’Australie a limité la vente des cigarettes, ce pays a été condamné à payer des dommages et intérêts à un groupe de tabac. »

Les propos de Jan Keller ont soulevé plusieurs réactions surtout dans la presse libérale mais pas seulement. A titre d’exemple, citons celle de Jan Macháček, éditorialiste pour l’hebdomadaire Respekt. Jan Macháček défend dans son article le caractère secret des négociations lequel permet aux négociateurs de modifier leurs positions et de faire des compromis pour obtenir le meilleur « deal ». Néanmoins, l’analyste de Respekt omet le fait que le traité transatlantique diffère des autres accords commerciaux par son ampleur et par son impact potentiel sur les choix de société qu’ont faits les Etats européens.

Selon Jan Macháček, « le poids du contrôle bureaucratique de la qualité des aliments aux Etats-Unis est comparable à celui en Europe. Le consommateur américain est bien plus traité comme un enfant avec des avertissements omniprésents qui préviennent d’enlever l’emballage avant la consommation ou de ne pas mettre son chat dans les micro-ondes. » Cependant, il semble que les deux Jan, Keller et Macháček, parlent de deux choses différentes. La critique des standards hygiéniques américains ne s’appuie pas autant sur la procédure bureaucratique que sur la logique même d’autorisation ou pas de certains produits. Si en Europe, le producteur doit démontrer que son produit ne nuit pas à la santé pour pouvoir le vendre, aux Etats-Unis, tant que les effets néfastes d’un produit n’ont pas été prouvés, il peut être distribué aux consommateurs.

Ceux qui déplorent le fait que les campagnes électorales au Parlement européen sont basées purement sur des sujets nationaux peuvent se réjouir car le TTIP et par extension le sujet de la protection du consommateur au niveau européen ont fait leur apparition dans le débat en République tchèque.