Elections européennes : pour les Tchèques, la grande décision a déjà été prise

Photo: Commission européenne

Un peu plus d'un mois après l'entrée de leur pays dans l'Union européenne, les Tchèques se rendent aux urnes, ces vendredi et samedi, pour élire les 24 députés qui les représenteront à Strasbourg et à Bruxelles, sièges du Parlement européen. Mais bien qu'ils y prennent part pour la première fois de leur histoire, les électeurs tchèques ne semblent manifester qu'un faible intérêt pour ces élections. Chercheuse à l'Institut des études internationales de la faculté des sciences sociales de l'Université Charles à Prague, Eliska Tomalova explique pourquoi :

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« Je crois que ce désintérêt n'est pas propre aux élections européennes. Il se manifeste également lors des élections législatives, même s'il est vrai que le taux de participation devrait être encore plus faible lors de ces élections européennes. D'après Eurobaromètre, il ne devrait s'élever qu'à 20%, ce qui est le taux le plus bas des 25 pays membres de l'UE. Pour les Tchèques, l'Union européenne est quelque chose de très éloigné. La grande décision a déjà été prise : nous sommes membres de l'UE. Mais en ce qui concerne la politique quotidienne de l'UE, nous n'en savons pas grand-chose. Il y a très peu d'informations et les Tchèques se plaignent de ne pas savoir ce qui se passe exactement à Bruxelles. »

-Peut-on parler d'un certain manque de sens civique des Tchèques ?

« Il est vrai que, si on compare avec les autres Etats européens, les Tchèques, en général, ne participent pas beaucoup à la vie politique. Mais je ne parlerais pas d'un manque de sens civique, plutôt d'un désintérêt sensible depuis le milieu des années 1990. »

-Selon vous, quels sont les enjeux de ces élections européennes pour la République tchèque ?

« Si vous suivez bien la campagne, on dirait plutôt qu'il s'agit d'enjeux domestiques, parce que les grands sujets de la campagne touchent vraiment à la politique intérieure. Sinon, l'un des principaux enjeux est que la République tchèque, pour la première fois, sera visible à l'échelle de l'Union européenne et participera au travail quotidien du Parlement européen. C'est déjà très important pour nous. Ensuite, dans l'immédiat, je considère comme importants, par exemple, la Constitution européenne et les débats qui vont concerner notre entrée dans la zone euro. »

-Les Tchèques n'ont-ils pas le sentiment que leurs 24 représentants seront noyés dans la masse des 732 eurodéputés ?

« Ce sentiment existe, mais les Belges et les Hongrois ont également 24 députés, et je n'ai pas l'impression de ne pas entendre la voix de la Belgique, par exemple, dans l'Union européenne. »

-De nombreux observateurs ont jugé la campagne électorale ennuyeuse, ne donnant pas assez d'informations aux électeurs. Qu'en pensez-vous ?

Photo: Commission européenne
« C'est vrai. Les médias en disent peu sur les programmes mêmes. De même, quand vous regardez le long de autoroutes, vous pouvez apercevoir des affiches avec les visages des leaders politiques, mais il y a très peu d'informations concrètes. »

-Quels sont les thèmes qui auraient dû être abordés et qui auraient pu intéresser les gens, les pousser à se rendre aux urnes ?

« C'est toujours difficile en politique de ne pas avoir recours aux grands mots et aux clichés, mais je crois que la principale erreur a été d'éloigner la campagne des gens, c'est à dire de ne pas parler de leurs problèmes quotidiens. Les Tchèques, il faut l'avouer, étaient, en particulier, intéressés par les avantages et les inconvénients économiques. Après l'entrée dans l'UE, on n'a pas vraiment parlé de cela. »

-Les Tchèques ont-ils conscience de l'importance, du poids du Parlement européen, puisque la moitié des lois leur seront désormais dictées depuis celui-ci et non plus de Prague ?

« Les Tchèques sont très peu informés sur le rôle du Parlement européen. C'est dommage, paradoxal aussi, car ça se produit alors que les responsabilités du Parlement européen augmentent. Après l'adoption de la Constitution européenne, ce sera encore plus vrai. »