En première ligne, les maisons de retraite tchèques se considèrent comme les oubliés de la crise du coronavirus
Plusieurs maisons de retraite et autres centres d’accueil des personnes âgées en République tchèque ont été touchées, ces derniers jours, par le Covid-19. Le gouvernement a réagi en instaurant des mesures sanitaires strictes, qui ont suscité l’indignation des directeurs des établissements concernés. Ceux-ci se plaignent de la pénurie de matériel de protection et du manque de moyens pour gérer la crise.
Le nouveau coronavirus s’est également infiltré dans le service des soins de suite et de réadaptation de l’hôpital Thomayer à Prague qui comptait, en fin de semaine dernière, une vingtaine de patients et six infirmières contaminés. Plusieurs décès de personnes âgées séjournant dans ces établissements, liés à coronavirus, sont à déplorer dans le pays.
Vendredi dernier, le ministère de la Santé a ordonné aux directeurs des maisons de retraite de continuer à prendre en charge les résidents potentiellement contaminés, placés en quarantaine ou présentant des symptômes légers du coronavirus. Cette directive a provoqué de vives réactions des professionnels du secteur : directrice d’une maison de retraite dans la région de Hradec Králové (Bohême de l’Est), Daniela Lusková a ainsi adressé une lettre ouverte aux ministres de la Santé et du Travail.
Dans ce message rempli d’émotion, relayé par les médias et les réseaux sociaux, la directrice constate que les maisons de retraite, confrontées à une pénurie alarmante de matériel de protection et de personnel, font partie des oubliés de cette crise. Mardi, Daniela Lusková a ouvertement exprimé son ras-le-bol sur les ondes de la Radio tchèque :« Nous avons reçu, du gouvernement, une liste de mesures obligatoires comme la prise de température, l’interdiction d’organiser des activités collectives, des instructions hygiéniques… Cela m’a indignée. »
« Comme toutes les maisons de retraite du pays, nous avions mis par précaution tout cela en place il y a quinze jours, au tout début de l’épidémie ! En ce qui concerne notre établissement, Domov U Biřičky, nous avons commencé à nous approvisionner en masques, par nos propres moyens, dès le mois de janvier. Les personnels qui travaillent en cuisine et à la buanderie ne se rencontrent pas, tout le monde porte des tenues qui sont régulièrement désinfectées. »
« Tout ce que nous pouvions faire de notre côté, nous l’avons fait. Je comprends les nouvelles mesures sanitaires réclamées par le gouvernement, et je les respecte, mais si l’Etat nous demande de tester les résidents et de soigner les malades, il faut qu’il nous aide ! »
Lundi et mardi, les maisons de retraite ont reçu les premières livraisons de matériel de protection qui devraient couvrir leurs besoins pour une dizaine de jours, selon les estimations des professionnels.
Une aide au compte-gouttes
A la tête du bureau de la Charité catholique à Ostrov nad Ohří, (dans le nord-ouest de la République tchèque), Tomáš Fexa dresse, lui aussi, au micro de Radio Prague Int., un état des lieux alarmant dans les deux maisons de retraite qu’il dirige :« La situation n’a pas évolué depuis la mi-mars, quand les mesures de confinement ont été instaurées dans le pays. Nous manquons toujours de matériel de protection. Si nous n’avions pas lancé au début de l’épidémie un appel à la solidarité de nos concitoyens qui ont cousu des masques pour nous, nous n’aurions rien aujourd’hui. »
« Pour replacer les choses dans leur contexte : nous comptons 19 résidents dans une maison de retraite et 37 dans l’autre pour un total de 70 employés. Or, je viens de recevoir 25 masques de protection respiratoire de type FFP2, quatre combinaisons de protection, quatre paires de lunettes, quelques litres d’eau de javel et de désinfectant pour les mains… C’est ridicule ! La région de Karlovy Vary nous distribue ces équipements au compte-gouttes, je crois que les services sociaux sont les derniers à être servis. Là encore, on se débrouille comme on peut, par nos propres moyens. Par exemple, nous devons nous procurer nous-mêmes des visières de protection. Si quelqu’un venait à tomber malade chez nous, je ne sais pas comment nous gérerions la situation. »
Un cas de figure auquel se préparent toutes les maisons de retraite : celles qui le peuvent, libèrent des chambres de confinement, d’autres font appel à des volontaires prêts à venir les épauler. C’est le cas de la maison de retraite située dans la petite commune de Břevnice, près de Havlíčkův Brod, où 20 des 22 pensionnaires ont été positifs au coronavirus. Une éventuelle intervention de l’armée dans l’établissement ayant été refusée par l’Etat, ce sont les sapeurs-pompiers de la région de Vysočina qui assistent les soignants 24 heures sur 24 et essaient de freiner la propagation du virus.