En Tchéquie, découverte d’un tumulus néolithique, « probablement » le plus long d’Europe
C’est une découverte majeure réalisée par une équipe d’archéologues tchèques dans la région de Hradec Králové en Bohême de l’Est : à la faveur de fouilles préventives sur le tracé de la future autoroute D35, les scientifiques ont mis au jour ce qui semble être le plus long tumulus préhistorique jamais découvert en Europe.
Les vues prises en hauteur grâce à un drone sont impressionnantes et ne laissent guère de doute : elles montrent en effet une longue structure dont les vestiges n’ont laissé au sol que les traces de la tranchée entourant le monticule. Pour l’heure, nulle trace des trous où étaient fichés des pieux formant des palissades, selon les archéologues.
Le tumulus présente une orientation nord-est-sud-ouest et il ne reste rien de l’enveloppe de la butte, les talus ayant été labourés pendant les siècles qui ont suivi son abandon. Mais c’est surtout la taille de la structure qui a surpris les archéologues tchèques, comme le note Petr Krištuf, de l’Université de Hradec Králové :
« Le tumulus fait 190 mètres de long. On appelle ces structures ‘tumulus allongés’ donc oui, comme l’indique leur nom, ce type-là est souvent très long. Mais dans le cas présent, nous sommes face à quelque chose qui est probablement l’un des plus longs tumulus jamais retrouvés en Europe. »
Jusqu’à présent, ce type de « tumulus allongé » n’avait été mis au jour que dans le nord-ouest de la Bohême. C’est la première fois que les archéologues ont pu en documenter un de manière fiable et avérée dans l’est de la région.
Les fouilles archéologiques ont débuté à l’automne 2023 sur un tronçon de la future autoroute D35 d’une longueur d’environ sept kilomètres. Elles sont le fruit d’une collaboration entre des archéologues de l’université de Hradec Králové, du musée de Bohême orientale, du centre archéologique d’Olomouc, de l’institut Archaia basé à Brno et d’archéologues slovènes.
Le tumulus mis au jour a été daté du IVe millénaire avant notre ère et correspond à la culture des vases à entonnoirs, une culture de l’Europe du Néolithique qui marque l’apparition de tombes mégalithiques et dont les représentants inhumaient leurs morts. Ces peuples pratiquaient déjà l’agriculture et l’élevage, et leur production matérielle se caractérisait par des coupes et vases typiques qui ont donné leur nom à cette culture archéologique. D’après l’équipe de chercheurs, le long monticule servait de base à une nécropole qui n’a cessé de croître autour par la suite :
« Nous avons pu déterminer qu’il y avait eu jusqu’à une trentaine d’inhumations tout autour du tumulus, sous une grande surface recouverte. Cela signifie que le tumulus a servi de base à une grande nécropole pour la communauté de gens qui vivaient là. Et il est probable qu’elle ait joué ce rôle pendant plusieurs siècles. »
Au moins quatre tombes ont été découvertes dans la zone même du tumulus, alors que, selon les scientifiques, ce genre de tumulus mis au jour en Europe centrale ne contient généralement que deux tombes au maximum. A charge maintenant aux scientifiques de déterminer comment les tombes sont reliées entre elles et si elles correspondent à des sépultures d’individus apparentés.
Outre les classiques dépôts d’objets accompagnant les défunts, consistant en des récipients en céramique et des objets en pierre, les chercheurs ont prélevé des dizaines d’échantillons sur les dépouilles pour tenter d’en apprendre le plus possible sur les liens de parenté, les origines ou le régime alimentaire des personnes inhumées.
Enfin, hormis ce « tumulus allongé », les vestiges d’un village néolithique ont également été mis au jour à quelques centaines de mètres seulement de cette structure funéraire unique en son genre. Les fouilles qui se poursuivront jusqu’en septembre seront donc fondamentales pour pouvoir étudier les interactions entre la nécropole et la communauté qui l’utilisait pour ses activités funéraires et rituelles.
Des fouilles qui révèlent aussi d’autres strates historiques
Fait particulièrement intéressant, les fouilles archéologiques effectuées sur le site ont également permis la mise au jour d’autres artefacts et dépouilles humaines de périodes bien plus récentes, rappelant que le sol sous nos pieds est un mille-feuille comprenant différentes strates de l’histoire conservées dans la terre.
Tout au long du tracé de la future autoroute, les archéologues ont également fait d’autres découvertes extraordinaires comme des vestiges d’un établissement humain datant de la culture de La Tène, soit des populations celtes ayant vécu sur ce territoire (450-50 avant J.-C. environ) ou encore les tombes d’une troupe de guerriers datant de la période des « grandes migrations » aux Ve et VIe siècles après J.-C. Un site funéraire du haut Moyen Âge comprenant 25 tombes a également été découvert près du village de Dlouhé Dvory.
Enfin, des milliers d’objets trouvés lors d’une prospection au détecteur de métaux sont liés à la fameuse bataille de Sadowa de 1866. Les archéologues ont pu examiner deux tombes de soldats tombés au combat, datant de cette guerre qui a vu s’affronter les armées prussiennes et autrichiennes près de Hradec Králové, comme le précise l’anthropologue Marcela Horáková :
« Nous avons déjà pu déterminer qu’il s’agissait de jeunes hommes, âgés entre 20 et 25 ans au maximum. On peut même y voir des indices montrant que leurs os étaient encore en train de se développer. La plupart portent des traces du coup de feu qui les a tués ou de blessures diverses liées à de longues marches ou au port de choses lourdes. »
Les dépouilles mises au jour sont actuellement en attente d’une analyse ADN et seront également soumise à un examen médico-légal complet.
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