Enseigner le français dans les régions tchèques, parfois un sacerdoce
420 kilomètres à vol d’oiseau, 545 par la route et plus de sept heures de train séparent Cheb, dans l’ouest de la République tchèque à proximité de la frontière avec l’Allemagne, d’Ostrava, tout à l’est et à un jet de pierre de la Pologne. C’est dans ces deux villes situées donc à l’opposé l’une de l’autre que Jitka Joanidisová et Anne-Christine Trochut-Průša exercent leur profession de professeure de français. C’est à elles, ainsi qu’à tous leurs collègues à Prague mais aussi et surtout en province, qu’est destinée la nouvelle plateforme IFprofs lancée tout récemment par l’Institut français de Prague. Un lancement qui est l’occasion d’évoquer l’enseignement du français dans les régions tchèques.
« Nous avons vraiment des équipes de professeurs en régions comme à Prague qui ont le feu sacré pour le français. Et c’est grâce à eux que cette langue continue à vivre dans les régions tchèques et à Prague. »
Ce compliment aux enseignants de français est formulé par Florence Saint-Ygnan, responsable de la francophonie et de la promotion du français à l’Institut français de Prague. Après l’anglais, l’allemand et le russe, le français est la langue la plus enseignée en République tchèque. On estime actuellement à 43 000 le nombre de ses apprenants.Parmi eux figurent les étudiants des lycées de Cheb et Pavel Tigrid à Ostrava, les deux établissements où Jitka Joanidisová et Anne-Christine Trochut-Průša s’efforcent d’apprendre à des élèves qui se plaignent parfois de la difficulté de la tâche, comment différencier le passé composé et l’imparfait ou encore comment conjuguer les verbes irréguliers du troisième groupe.
Mais dans deux villes influencées par leur proximité géographique et culturelle avec les pays voisins de la République tchèque et situées dans des régions, la Bohême de l’Ouest et la Moravie-Silésie, au contexte économique morose, ce ne sont pas les seuls obstacles à l’apprentissage du français auxquels Jitka Joanidisová et Anne-Christine Trochut-Průša sont confrontées. Une réalité qui ne les empêche cependant pas de garder leur enthousiasme pour leur mission :Jitka Joanidisová : « J’enseigne le français dans une ville qui se trouve à six kilomètres de l’Allemagne. Il y a une grande influence de l’allemand et il faut donc vraiment savoir motiver les enfants, et plus encore leurs parents, pour les convaincre de faire le choix du français. »
Et compte tenu de la faible présence française dans la région, avec peu d’entreprises et d’institutions, la tâche n’est pas toujours évidente :
JJ : « Au début, ils sont ‘obligés’ de commencer avec le français. Après, cela dépend beaucoup de la personnalité des enseignants et de leur capacité à stimuler les élèves, à leur transmettre leur enthousiasme. Personnellement, je leur montre mon amour pour le français et le maximum de choses qui pourraient les intéresser. Je leur explique que le français est une très belle langue qui peut rester utile pour la vie même après le bac. »Anne-Christine Trochut-Průša : « A Ostrava, la situation est aussi compliquée dans le sens où nous habitons dans une région qui est un peu sinistrée au niveau économique. C’est très difficile d’y conserver la population active. Des familles quittent la région pour Prague ou d’autres régions économiquement plus dynamiques. D’un autre côté, c’est aussi une région qui appartenait aux Sudètes et qui, traditionnellement, est donc de langue allemande. Ce sont donc essentiellement les parents qui ont un rôle décisif dans le choix des langues qu’étudieront leurs enfants. Ils donnent ainsi souvent la priorité à l’allemand, aussi parfois pour des raisons familiales parce qu’un parent habite encore en Allemagne ou une grand-mère parle encore allemand. Notre rôle ne consiste donc pas uniquement à motiver les élèves, mais aussi leurs parents pour qu’ils choisissent le français. »
« Cette plateforme IFprofs (cf. : http://www.radio.cz/fr/rubrique/faits/profs-de-francais-en-republique-tcheque-bienvenue-sur-ifprofs) peut nous aider dans ce sens. Elle va nous permettre de montrer aux élèves qu’ils ne sont pas les seuls à apprendre le français et que les projets dans lesquels on s’engage ont cours également dans d’autres régions. Je pense là par exemple aux voyages en francophonie ; un projet qui se passe en Bohême et en Moravie et qui permet aux élèves de prendre conscience que le français est une langue moins isolée et qu’ils ne sont pas les seuls à l’apprendre. Le fait de mener des projets avec les élèves est une grande motivation pour eux. Cela les encourage à poursuivre leur apprentissage du français. »JJ : « Et puis grâce à IFprofs, les élèves et leurs parents pourront voir des témoignages d’anciens élèves ou d’élèves qui ont continué leurs études en France qui leur expliqueront de quelle manière le français peut être utile dans la vie. »