Etudier l’histoire en français à Prague
Les étudiants en histoire francophones, qu’ils soient Tchèques ou en séjour Erasmus à Prague, ont à l’Université Charles l’occasion unique de développer leurs connaissances et leurs compétences à travers le séminaire d’histoire franco-tchèque. Dans son cadre, ce sont des historiens tels qu’Olivier Marin ou Bruno Dumézil qui ont pu intervenir devant eux dans la capitale tchèque. Co-organisateur du séminaire, le médiéviste Jaroslav Svátek l’a présenté au micro de Radio Prague.
Quel est l’objectif du séminaire historique franco-tchèque et à quel public s’adresse-t-il ?
« Le séminaire a plusieurs objectifs. Il s’agit tout d’abord de promouvoir la francophonie dans le milieu universitaire tchèque, parce qu’il y a peu de cours en langue française. Il y a déjà beaucoup de cours en anglais, même à la faculté de lettres. Le séminaire est le seul cours en français à l’exception bien sûr de ceux du département de langues romaines. Ensuite, c’est l’occasion d’encadrer les étudiants les tchèques et de les mettre en contact avec les professeurs français invités à ce cours. En même temps, le but est d’encadrer les étudiants Erasmus francophones, notamment français, qui viennent à Prague, qui sont très nombreux et qui peuvent se familiariser un peu plus, directement, avec le milieu universitaire tchèque, parmi les étudiants mais aussi parmi les enseignants. Ils peuvent aussi ainsi se mettre en contact avec l’histoire tchèque et l’histoire des relations franco-tchèques. »C’est le médiéviste Martin Nejedlý qui a créé ce séminaire en 2002. Comment a-t-il évolué en quinze ans ? Sa forme a-t-elle changé ?
« Sa forme a profondément changé. Martin Nejedlý, quand il a commencé avec ce séminaire en 2002, il n’y avait qu’un seul étudiant. L’année suivante, nous étions trois, quatre ou cinq. Et cela a augmenté progressivement jusqu’à vers 2007, quand c’est devenu un cours assez régulier de cette faculté et quand on a aussi commencé à collaborer avec le CEFRES, le Centre français de recherche en sciences sociales. On a aussi élargi le cadre temporelle de ce cours. Depuis le séminaire franco-tchèque, on a en fait créé deux cours, plus ou moins indépendants (le séminaire se compose en fait d’une partie ‘séminaire’ et d’une partie ‘atelier’, et on a élargi les choix des invités et des sujets. »
Pour ce premier semestre 2017, le thème du séminaire est celui des migrations. Comment choisissez-vous ce thème et comment organisez-vous ensuite le séminaire ?
« Tout d’abord, cette idée remonte à quelques années car nous avions pensé que pour les étudiants il serait mieux que chaque année soit orientée autour d’un sujet pour qu’ils puissent eux-mêmes mieux s’orienter et qu’ils soient mieux encadrés. Pour ce qui est du choix du sujet, il y a toujours des débats, des discussions, et on essaie de choisir un sujet assez large pour que les invités soient intéressés, pour qu’il n’y ait pas de clivage chronologique. Par exemple, en ce qui concerne le sujet des migrations, on ne le conçoit pas seulement dans le domaine actuel mais on parle de la migration à l’époque antique, médiévale, moderne. Par exemple, la semaine dernière, on a pensé et déconstruit grâce à Bruno Dumézil, notre invité, la question des invasions barbares, dont c’est un des sujets de prédilection. Nous sommes maintenant en train de choisir le sujet pour l’année prochaine. Cela sera les frontières.En ce qui concerne le système d’invitations, d’abord on choisit le sujet, après on envoie des lettres d’invitation de la part de la faculté. Souvent on appelle déjà nos amis parce que grâce à ce séminaire, on a créé un groupe assez homogène des professeurs, des partenaires, des collègues qui sont déjà venus à plusieurs reprises dans le séminaire. Et on essaie d’établir aussi le programme, pas seulement grâce aux enseignants étrangers, mais on essaie de contacter les enseignants tchèques des universités tchèques qui sont francophones et qui sont capables de donner une ou deux conférences en français. »
Ce thème des migrations entre aussi en résonance avec l’actualité. C’était pour vous aussi une volonté de faire écho à ces débats ?
« Bien sûr, parce que nous avons voulu couper la poire en deux, c’est-à-dire choisir un sujet assez intéressant d’un point de vue historique mais aussi en rapport avec l’actualité. On a aussi promis à l’université de faire un programme assez attractif, mais de traiter le sujet du point de vue universitaire. Et je pense que les étudiants aussi sont très concernés par le sujet et cela se voit très bien puisqu’après chaque cours il y a des débats qui sont assez vifs mais toujours corrects. Au début de ce semestre, il n’y avait pas de professeur invité et on a lancé un débat pour savoir ce qu’ils pensaient des migrations, comment ils pouvaient les définir, etc. Et le débat a été extraordinaire. On peut dire que le choix des sujets a aussi beaucoup contribué à la participation active des étudiants, ce qui pour nous est l’objectif principal. »Et vous-même, quel lien entre vos propres recherches et le thème du séminaire ? Vous avez réalisé votre thèse sur les récits et discours des nobles voyageurs à la fin du Moyen Âge et vous parliez notamment de la rencontre de l’Autre dans ces discours. Cela fait écho aussi à l’organisation et au thème de ce séminaire ?
« D’un point de vue très pratique, le cours était d’abord pour moi très important du point de vue linguistique, moi qui suis Tchèque. Même si j’ai étudié aussi le français ici à cette faculté. Le cours m’a beaucoup aidé personnellement à développer mes compétences linguistiques dans le domaine de l’histoire. Et je pense que c’était aussi le cas d’autres étudiants tchèques qui sont passés par ce séminaire et dont certains ont déjà aussi fini leur thèse en cotutelle. Du point de vue thématique, j’ai pu grâce à ce séminaire rencontrer plusieurs spécialistes du domaine. Et de temps en temps, M. Nejedlý modèle le programme d’après les besoins de ses étudiants. »Avant de devenir chercheur, vous êtes vous-mêmes passé par ce séminaire en tant qu’étudiant. Que vous a-t-il apporté ?
« Il m’a d’abord donné la possibilité de rencontrer personnellement mes futurs professeurs, mon futur codirecteur. En même temps, il m’a donné la possibilité de parler, de discuter, de travailler sur mon sujet. Ce n’est pas grâce à ce séminaire que j’ai choisi mon sujet, mais après l’avoir choisi, j’ai pu développer mes compétences dans le cadre de ce séminaire. »
Quelle importance revêt le séminaire dans le cadre des échanges universitaires franco-tchèques ? Vous évoquiez l’existence d’un réseau d’historiens créé grâce et autour de ce séminaire…
« Bien sûr. Si je me souviens bien - je n’ai pas les statistiques en tête -, il y avait seulement quelques conventions Erasmus entre l’Université Charles et le département d’histoire tchèque et d’autres universités françaises. Ce réseau s’est beaucoup élargi. Maintenant, on a des dizaines et des dizaines de contrats. Et je pense que ce séminaire et ce cadre du séjour pragois sont très attractifs pour nos invités de la France ou de la Belgique. J’ai parlé de l’échange académique mais si je parle de l’échange au niveau des étudiants, pour les étudiants tchèques, le séminaire peut servir en tant que cours préparatoire pour leur séjour en France. »
Pour la dernière séance du séminaire, vous vous rendez aves les étudiants au Karolinum. C’est une volonté de sortir des murs ?
« Bien sûr, on essaye aussi de proposer aux étudiants non seulement des cours ici dans cette magnifique salle de la Faculté de philosophie de l’Université Charles, mais aussi de leur faire découvrir des endroits dans Prague ou ailleurs. Nous avons fait des excursions au château de Křivoklát ou bien à Kutná Hora. Cela exige un peu de temps, toute la matinée par exemple, et il est donc assez difficile de l’intégrer au programme universitaire. La visite au Karolinum, un site important de Prague, se fera sous l’égide de notre collègue Milada Sekyrková, du département d’archivistique, qui est parfaitement francophone. J’ai hâte de faire cette excursion ! »