Européennes – Comparaison des programmes : les subventions, le nerf de la guerre
20 ans après l’adhésion de plusieurs nouveaux Etats à l’Union européenne, dont la Tchéquie et ses voisins du groupe de Visegrád, la généreuse distribution de fonds européens s’est, à terme, heurtée à la réalité de changements politiques au niveau de chaque pays. L’exemple type en est la Hongrie – et jusqu’à récemment la Pologne – où les menaces réelles sur l’Etat de droit ont conduit à l’adoption d’un mécanisme conditionnant l’attribution de ces subventions au respect de ce dernier.
Actuellement aussi, la Slovaquie, voisine de la Tchéquie, est dans le viseur de Bruxelles après la formation du gouvernement de Robert Fico, dont certaines mesures contraires à l’Etat de droit inquiètent. En Tchéquie, on a beaucoup parlé de l’attribution des subventions européennes ces dernières années, pas tant en lien avec l’Etat de droit, comme chez ses voisins, qu’en raison de l’affaire dite du Nid de cigognes, impliquant l’homme d’affaires et ancien Premier ministre Andrej Babis, leader du mouvement ANO, accusé d’avoir détourné deux millions d’euros de subventions européennes pour financer la réalisation, à la fin des années 2000, d’un vaste complexe récréatif avant d’être relaxé au terme d’années de procédure judiciaire. Il avait aussi fait l’objet d’un audit de la Commission européenne qui estimait que ce dernier était en conflit d’intérêt avéré, entraînant Bruxelles à infliger à la Tchéquie une amende d’environ 3,3 millions d’euros.
Quelles sont les positions des cinq principaux partis et coalitions en lice pour les européennes sur la question de la conditionnalité pour l’attribution des fonds européens ?
Marcel Kolaja (Pirates) : un mécanisme juste
« Les Pirates étaient très favorables au principe de ‘conditionnalité’. Il est nécessaire qu’un pays remplisse certains critères pour que l’argent européen y soit distribué. Imaginez que quelqu’un mine la démocratie dans un pays, à l’instar de ce qu’on voit actuellement en Hongrie. Viktor Orbán y a détruit de facto les médias indépendants. La démocratie est en train de s’effondrer. L’État de droit est ébranlé dans ses fondements. Il n’est donc pas possible de simplement verser de l’argent européen à un tel régime, que je qualifierais presque de dictatorial. Je pense donc qu’il est tout à fait juste que ce mécanisme existe et que nous devrions l’utiliser. »
Veronika Vrecionová (ODS) : un outil à double tranchant
« Je ne trouve pas cela très judicieux. Evidemment si l’argent européen est mal géré quelque part, alors qu’il s’agit de l’argent des contribuables des pays européens, alors nous devons intervenir et il faut des outils pour le faire. Mais punir un État membre parce que nous n’aimons pas son gouvernement actuellement, je pense que cela peut se retourner contre nous. Ici aussi, Viktor Orbán peut en profiter parce qu’il vend sa politique à l’intérieur du pays d’une manière différente, en disant qu’il fait tout pour le peuple hongrois et qu’à Bruxelles, il y a des méchants. Au cours des dernières années, le Parlement européen a adopté un certain nombre de résolutions qui condamnent la Hongrie. Donc je ne pense pas que ce soit la bonne façon de procéder. Nous pouvons essayer d’expliquer ces choses, nous devons leur signaler un problème, mais nous devons respecter le résultat électoral d’un scrutin libre dans un Etat membre. Aucun de ces Etats ne peut s’ériger en juge qui dit que ceci est juste et que cela ne l’est plus. C’est aux électeurs de décider. »
Jaroslav Bžoch (ANO) : pas de distribution de bons et mauvais points
« Même si certains de nos politiciens tchèques, notamment issus de la coalition, ont tenté de le faire, nous ne pouvons pas procéder en décrétant qui est méchant et qui est gentil parmi les Etats membres. Je rappellerais simplement que la Commission européenne dispose de règles et d’instruments clairs et qu’elle doit les mettre sur la table et dire clairement ce qu’elle veut changer, pour combien de temps et pourquoi elle veut le faire, avant d’en venir aux instruments plus radicaux. Il est aussi possible de se mettre d’accord avec le pays. Cela a fonctionné d’une certaine manière en Pologne, cela peut fonctionner en Hongrie. On ne peut pas en arriver à chaque fois à un point où l’on dit : si vous ne faites pas ce que nous voulons, nous bloquerons votre argent. Evidemment, si un État fait quelque chose de contraire aux traités qu’il a signés en adhérant à l’Union européenne, la Commission a bien sûr le droit d’intervenir. »
Danuše Nerudová (STAN) : une garantie démocratique
« C’est l’un des outils dont dispose l’UE pour faire respecter les règles en vertu desquelles ces pays ont adhéré à l’UE. Une de ces règles est, par exemple, un système judiciaire opérationnel. C’est un problème très actuel de la Commission européenne vis-à-vis de la Slovaquie. C’est donc un outil que l’UE peut utiliser, et il est bon qu’elle l’utilise car il s’agit, dans une certaine mesure, d’une garantie démocratique, car nous nous sommes tous engagés à certaines choses dans le traité d’adhésion. Il faut donc que ces valeurs démocratiques et ces conditions d’adhésion soient appliquées et qu’il y existe certaines sanctions en cas de non-respect. Nous avons bien vu au sein de l’UE que certaines conditions n’étaient remplies qu’en apparence, sans aucune sanction. Je pense notamment au fait que lorsque la zone euro a été créée, certains pays entrants ne remplissaient pas les conditions et les critères d’adhésion. Il n’y a pas eu de sanctions et il est devenu évident que ces pays représentaient un obstacle pour la zone euro. Je suis donc heureuse que cet instrument existe et que l’UE l’utilise. »
Petr Mach (SPD/Trikolóra) : un recours sélectif
« Selon moi, il ne s’agit là que qu’un outil compétition rivalité politique dans les mains de l’Union européenne qui ne devrait pas faire partie de ses mécanismes, parce que nous voyons que la Commission européenne agit en réalité de manière sélective. Ainsi, la Commission européenne a protesté quand le vainqueur des élections slovaques, le Premier ministre Robert Fico, a déclaré qu’il allait supprimer le bureau du procureur spécial, mais le fait est que de nombreux pays de l’UE, dont la Tchéquie, ne disposent tout simplement pas d’une telle institution. Alors où est le problème ? Si le parti politique hongrois Fides fait quelque chose avec les médias publics, l’Union européenne est contrariée, mais quand le vainqueur actuel des élections en Pologne le fait aussi, personne ne s’y oppose. Nous assistons donc à une sorte d’approche sélective. L’Union européenne dit qu’elle veut sanctionner ceux qui contreviennent à l’État de droit, mais pour moi, l’État de droit, c’est simplement faire en sorte que les élections ne soient pas truquées, que si une personne est lésée, elle puisse saisir les tribunaux, mais pas si un Etat à un bureau spécial du procureur ou la façon dont les médias publics sont gérés. »
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