Européennes : « Le ČSSD va tenter de récupérer son électorat perdu au profit de ANO »

Jan Hamáček et Roman Onderka, photo: ČTK/Taneček David

Le Parti social-démocrate (ČSSD), membre de la coalition gouvernementale, était réuni en congrès ce week-end et son président, Jan Hamáček, également ministre de l’Intérieur, semble en être sorti renforcé, à quelques semaines de la prochaine échéance électorale – les élections européennes du mois de mai. Michel Perottino est maître de conférences à l’Institut d’études politiques de l’Université Charles. Il a répondu aux questions de Radio Prague :

Jan Hamáček et Roman Onderka,  photo: ČTK/Taneček David
Quels enseignements tirer du score quasi nord-coréen de Jan Hamáček, réélu à la tête du parti avec 86% des voix?

« En fait il est à peu près au même niveau qu’Andrej Babiš, réélu récemment à la tête du mouvement ANO, donc ce n’est pas un score extrême. On a déjà vu quasiment 100%, donc 86% ça dénote le fait qu’il était le seul candidat en lice… »

Cela dit, ANO a toujours été considéré comme « le parti d’un seul homme », ce qui n’est pas le cas du ČSSD…

« Absolument, le ČSSD n’est pas le parti d’un seul homme mais en l’occurrence il y a eu manifestement un accord préalable sur la personne de Hamáček, ce qui fait que le résultat est relativement bon et tout à fait logique. »

Logique dans le sens où il est parvenu à unifier le parti ?

« Unifier le ČSSD est une gageure qui est loin d’être acquise mais il a obtenu un compromis qui ne portait pas seulement sur sa personne, mais aussi et surtout à mon avis sur l’adoption de nouveaux statuts qui simplifient la structure du parti et changent certaines données. »

De quelle manière ?

« D’une part en sabrant le comité exécutif composé de plus d’une centaine de personnes, ce qui compliquait les choses. D’autre part, il a utilisé une méthode simple et efficace en modifiant les statuts en bloc et non article par article, en obtenant un consensus en amont du congrès.»

"Plateforme pour sauver le ČSSD"

L’histoire récente du parti a été marquée par des trahisons assez violentes. Ce relatif succès de Jan Hamáček signifie-t-il qu’il a réussi à ce que ne dépassent plus d’autres têtes ?

« Il a manifestement réussi à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’autres têtes qui dépassent – la question est de savoir s’il y a vraiment d’autres personnalités, d’autres têtes qui pourraient dépasser. Il faut voir également que depuis quelques mois il existe une nouvelle plateforme qui s’appelle ‘la plateforme pour sauver le ČSSD’ et Hamáček participe assez souvent aux manifestations de cette plateforme, ce qui peut être compris comme un geste symbolique pour calmer la dissidence au sein du parti. »

Jana Maláčová,  photo: ČTK/Taneček David
Dans quelle mesure le ČSSD peut-il espérer grappiller des voix à ANO aux prochaines élections européennes tout en étant au gouvernement avec ANO?

« Le parti essaye d’une part de montrer qu’il est en ordre unifié, sans tensions internes, et donc qu’il correspond à ce qu’attendent les électeurs. D’autre part, les membres ČSSD du gouvernement, notamment la ministre ČSSD des Affaires sociales Jana Maláčová, se font beaucoup entendre et ne manquent pas une occasion de critiquer la direction du gouvernement et plus précisément la ministre des Finances, nommée par ANO. »

ANO est-il le principal adversaire du ČSSD dans ce scrutin européen? ?

« ANO est en tête des sondages d’opinion et le ČSSD joue dans la cour des plus petits. Le ČSSD va essayer de récupérer son électorat perdu ces dernières années au profit de ANO. Il faut néanmoins noter qu’une partie de l’électorat du ČSSD est traditionnellement peu favorable à l’UE, donc ne va pas beaucoup voter aux élections européennes, donc le parti part avec un handicap assez important. »

Zeman: "le baiser de la mort"?

L’élection du chef de la diplomatie Tomáš Petříček – peu apprécié par le chef de l’Etat - à la vice-présidence du ČSSD a été très remarquée. Quelle signification donner à son arrivée à la direction du parti ?

Tomáš Petříček,  photo: ČTK/Taneček David
« C’est sans doute un signe du renouvellement de l’élite du parti – à part le premier vice-président, tous les autres ont été remplacés. Il y a un renouvellement, notamment générationnel. Il y a eu là aussi un compromis au sein du parti. Tomáš Petříček a par ailleurs manifestement été soutenu par Jan Hamáček, qui avait besoin de sa présence au sein de la direction. »

Jan Hamáček a également réussi à obtenir le soutien du président de la République, Miloš Zeman, ancien chef du parti, ce qui était loin d’être acquis. Est-ce « le baiser de la mort » pour le ČSSD, vu les scores négligeables voire misérables obtenu par la formation qui portait le nom de Zeman aux élections les plus récentes?

« Ce soutien du président Zeman peut être important à la marge, mais une nouvelle fois il concerne des électeurs qui n’iront en majorité pas voter aux européennes. Zeman avait déjà apporté son soutien au ČSSD lors des européennes dans le passé. Il faut voir qu’il n’y a pas de parti pro-Zeman dans ces élections donc il fait un peu avec ce qu’il a et cela ne lui coûte pas grand-chose. C’est davantage un signe vers le ČSSD plutôt que vers l’électorat. Enfin, les relations entre Zeman et Hamáček sont bonnes depuis le début et Zeman a intérêt à ne pas l’affaiblir face à sa dissidence interne et face à ANO. L’intérêt du président est de maintenir le statu quo qui lui permet de réaliser sa politique. »

"Le ČSSD est plutôt pro-européen"

Jan Hamáček est-il un président de parti qui affiche clairement des positions pro-européennes ?

Photo: ČTK/Taneček David
« Je pense qu’on peut dire que oui – le ČSSD est plutôt pro-européen même s’il y a aussi des voix discordantes. »

Vous évoquiez l’absence de parti « pro-Zeman » aux élections européennes – les médias tchèques avaient évoqué une potentielle liste commune entre le parti d’extrême droite SPD de Tomio Okamura et le présentateur de la chaîne de TV privée Jaromír Soukup, qui sont tous les deux très proches du président tchèque…

« La liste du SPD a été présentée la semaine dernière et il est intéressant de voir qu’on y retrouve un ancien ministre du gouvernement dirigé à l’époque par Miloš Zeman, donc la relation directe est assez claire. En revanche, la relation avec le futur parti de Soukup reste encore dans le domaine de la politique-fiction. »