Crise gouvernementale : le Premier ministre ne démissionne plus et réclame la tête d’Andrej Babiš
Nouveau retournement inattendu ce vendredi matin dans la crise gouvernementale : le Premier ministre ne remettra finalement pas sa démission au président de la République, comme il l’avait annoncé cette semaine. Bohuslav Sobotka souhaite désormais retirer son portefeuille au ministre des Finances Andrej Babiš, leader du mouvement ANO soupçonné de différents délits, plongeant ainsi un peu plus encore le pays dans une situation politique rocambolesque et à l’issue incertaine.
Andrej Babiš, qui entretient des relations très tendues avec Bohuslav Sobotka, est soupçonné notamment de fraude fiscale et de conflit d’intérêts. Le Premier ministre lui reproche de ne pas se décider dans l’intérêt de l’Etat, alors que l’homme d’affaires, proche du président Zeman, bénéfice d’une opinion très favorable dans les sondages. Avec un peu plus de 30% d’intentions de vote selon les dernières enquêtes, son mouvement ANO apparaît comme le grand favori des élections législatives, dont la tenue est prévue en octobre prochain, loin devant le parti social-démocrate (ČSSD).
Lors d’une conférence de presse, ce vendredi, Bohuslav Sobotka a confirmé que la situation en était arrivée à un point où il ne pouvait plus tolérer la présence d’Andrej Babiš au sein de son cabinet. C’est pourquoi il entendait initialement, comme il l’avait annoncé mardi, remettre la démission de l’ensemble du gouvernement afin de pouvoir en former un nouveau sur la base de la coalition tripartite déjà existante, mais sans Andrej Babiš.« A ma grande surprise, le président de la République a commencé à interpréter publiquement la Constitution en contradiction complète avec les us habituels et les pratiques de ces dernières années en République tchèque », a expliqué Bohuslav Sobotka, en faisant référence aux démissions des gouvernements précédents. « Le ministre des Finances, qui est réellement impliqué dans d’importants scandales, serait resté dans le gouvernement avec l’interprétation de la situation qui est celle du président de la République. Une telle interprétation de la Constitution n’aurait pas respecté le sens de ma décision de remettre la démission en ma qualité de chef du gouvernement », a-t-il poursuivi pour justifier son volte-face. Bohuslav Sobotka espère désormais que « le président de la République procédera conformément à ce que stipule la Constitution de la République tchèque et révoquera sans délai le ministre des Finances ».
De son côté, Andrej Babiš a réagi en affirmant qu’il laissait le soin au président Zeman de décider et qu’il ne voyait pas de raison de quitter le gouvernement de son gré. Il a qualifié de « ridicules » les arguments de Bohuslav Sobotka. « Que dire de tout cela ? Monsieur le Premier ministre change d’avis pour la quatrième fois en quelques heures », a-t-il déclaré, en faisant référence à la décision prise jeudi matin par Bohuslav Sobotka d’attendre la mi-mai pour remettre sa démission au chef de l’Etat, contrairement à ce qu’il avait initialement annoncé, à savoir avant la fin de cette semaine. Toujours selon le leader du mouvement ANO, l’attitude de Bohuslav Sobotka s’inscrit dans le cadre de la campagne électorale du ČSSD. « La social-démocratie déploie tous les moyens dont elle dispose pour me liquider », a-t-il conclu en endossant le costume de victime.Enfin, ČSL Pavel Bělobrádek, le leader du parti chrétien-démocrate, plus petite des trois formations de la coalition, a fait savoir qu’il considérait la décision prise ce vendredi par Bohuslav Sobotka comme le seul moyen, en l’état actuel des choses et compte tenu de la position incertaine de Miloš Zeman, de ne pas déstabiliser le gouvernement dans son ensemble. De son côté, le Château de Prague, par la voix de son porte-parole Jiří Ovčáček, a indiqué que « Bohuslav Sobotka changeait d’avis toutes les heures ou presque. Nous préférons donc attendre de voir s’il ne modifie pas encore une fois son opinion. »« Les gens désespérés font des actes désespérés », a-t-il conclu.