Exposition « Jan Palach 69 »

Photo: www.ustrcr.cz
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L'exposition « Jan Palach 69 » inaugurée dans le cloître du Carolinum à Prague est la première reconstitution détaillée du geste de Jan Palach dans le contexte historique de l’époque qui a suivi l’écrasement du Printemps de Prague. Ses auteurs se sont appuyés sur les documents authentiques retrouvés dans le dossier établi par la StB sur Jan Palach après son immolation par le feu, le 16 janvier 1969.

L’exposition propose près d’un millier de documents dont beaucoup n’ont jamais été publiés et restaient cachés dans les archives. C’est le cas de la lettre que Jan Palach a laissée dans la poche de son manteau dont il s’est débarrassé sur la rampe du Musée national, en haut de la place Venceslas, avant de s’immoler par le feu. Il y écrit qu’un tirage au sort a décidé que ce serait lui la première torche et que les revendications d’un groupe d’étudiants prêts à se sacrifier pour éveiller le peuple de ce pays sont les suivantes : la suppression de la censure, et l’interdiction de la propagation des « informations » sur la situation dans le pays occupé.

D’après le prorecteur de l’Université Charles Mojmír Horyna, cette lettre prouve que la mort de Jan Palach n’a pas été un geste romantique, et moins encore négativiste, mais un geste d’altruisme et un moyen ultime de défense de la liberté. Un rappel tacite du souvenir de Jan Palach a persisté tout au long des 40 ans écoulés sur le sol de l’université, a déclaré au vernissage son prorecteur :

« Dans le grand pavois de l’aula historique, derrière la loge du recteur, le mât au milieu ne porte plus, depuis janvier 1969, de drapeau. C’est exactement le mât dont on a descendu le drapeau tchécoslovaque pour le poser sur le cercueil de Jan Palach et en l’honneur de son acte, la place au milieu du pavois est restée et restera toujours vide. »

L’exposition présente des photographies, des documents d’époque, des pages de journaux tchèques et étrangers réagissant à l’acte de Jan Palach, il y a ses objets personnels : carte de la cité universitaire de Prague-Jarov, livret d’étudiant, une lettre adressée par Palach à l’Union des écrivains tchécoslovaques, une autre envoyée au leader estudiantin Lubomír Holeček et invitant à l’occupation des studios de la Radio pour diffuser des appels à une grève générale, il y a une carte de vue que Jan Palach a envoyée peu avant sa mort à un ami, Hubert Bystřičan, avec la signature – ton Jan Hus… il y a aussi un film tourné par le frère de Hubert saisissant Jan Palach lors d’une brigade au Kazachstan, en 1967 …

Comment était Jan Palach, comment pourrait-on caractériser sa personnalité ? La question est posée à l’un des auteurs de l’exposition, l’historien Petr Blažek :

« Tous ceux qui l’ont connu sont d’accord pour dire, et cela correspond aussi aux auditions des témoins, que Jan Palach était, d’un côté, un introverti, assez refermé sur lui-même, de l’autre, un discuteur acharné, très préoccupé par les questions politiques… Ses amis se souviennent de lui comme d’un homme très poli, ils ne l’ont jamais entendu dire un mot vulgaire, comme s’il était un homme du XIXe siècle, par son éducation familiale… »

Après la mort de Jan Palach c’est sa mère qui s’est retrouvée dans le viseur de la StB qui a surtout cherché à empêcher tout contact de Libuše Palachová avec les journalistes étrangers qui sont venus en Tchécoslovaquie et qui ont voulu la rencontrer pour pouvoir informer le monde du geste de son fils. La famille de Jan Palach a été étroitement surveillée par la police politique. Des pressions énormes ont été effectuées pour que la tombe de Jan Palach au cimetière pragois d’Olšany soit supprimée, raconte Petr Blažek :

« En rapport avec le 1er anniversaire de l’autoimmolation de Jan Palach, la police a cherché à réviser l’enquête et à manipuler, contrôler et influencer les témoins de l’événement, à effacer le souvenir, le nom de Jan Palach de la mémoire générale. En octobre 1973, elle a recouru à l’exhumation du corps de Jan Palach et à l’incinération de sa dépouille au crématoire de Strašnice. »

Les cendres de Jan Palach ont été transférées dans le tombeau familial à Všetaty près de Mělník, et c’est seulement en 1990, qu’elles ont été déposées à Prague.

Une biographie de 600 pages au même intitulé que l’exposition : Jan Palach 69, publiée à l’occasion du 40e anniversaire de son acte, réunit les photos et les documents d’archives. Elle apporte aussi les études historiques et philosophiques, la réflexion de l’acte de Jan Palach dans le film, la musique et la littérature, les dernières lettres écrites de sa main. Elle parle aussi de l’écho que son acte a suscité, souligne l’historien Blažek :

Photo: www.ustrcr.cz
« Les études historiques concernent Jan Palach et ses successeurs : Jan Zajíc et Evžen Plocek, ainsi que ses prédécesseurs qui ont choisi la même forme de protestation dans les pays de l’ancien bloc soviétique, comme Riszard Siwiec, en Pologne, ou Romas Kalanta en Lituanie… »

Pour la toute première fois, la biographie rend publics environ 80 documents inédits provenant des archives du ministère de l’Intérieur, que la StB – police secrète d’Etat, et la VB – Sécurité publique avaient réunis lors de l’enquête sur l’autoimmolation de Jan Palach et qui sont gardés dans les archives de l’Institut d’études des régimes totalitaires. L’exposition « Jan Palach 69 » est à voir au Carolinum jusqu’au 14 février prochain.