Face au risque de braconnage, un zoo tchèque a décorné tous ses rhinocéros

Photo: ČTK

Réputé pour son élevage de rhinocéros noirs et blancs, le zoo de Dvůr Králové (Bohême de l’Est) a fait parler de lui récemment en décidant de décorner les animaux afin de les protéger des attaques de braconniers. Les ablations ont été menées en réaction à l’abattage par balles, survenu quelques jours plus tôt au zoo de Thoiry (France) d’un rhinocéros dont les cornes, tronçonnées, ont été volées.

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Les images de la vidéo ont tourné sur la Toile. Le lundi 20 mars, un vétérinaire du zoo de Dvůr Králové coupait à la tronçonneuse la corne d’un rhinocéros blanc sous anesthésie. Depuis, à l’exception d’un mâle qui polit sa défense lui-même et de trois jeunes bêtes, les seize autres rhinocéros que possède le parc ont été eux aussi décornés. Directeur du zoo, spécialisé dans l’élevage des animaux d’Afrique, Přemysl Rabas justifie cette mesure radicale :

« Nous nous efforçons de faire en sorte que les animaux restent vivants et en bonne santé. La décision n’a pas été facile à prendre. Mais le risque qu’encourent ces rhinocéros, qu’ils vivent à l’état sauvage ou même désormais dans des jardins zoologiques, est trop grand. Leur sécurité est une priorité pour nous. Il y a déjà quelques années de cela, les services secrets britanniques étaient parvenus à empêcher une attaque dans un zoo du pays. Mais l’exemple extrême de la France nous confirme que le danger existe toujours. Or, nous préférons avoir des rhinocéros sans corne mais vivants que des rhinocéros morts, surtout que cela ne devrait pas modifier les rapports qu’ont les animaux entre eux à l’intérieur du groupe, car ils auront tous le même handicap. »

Si les images sont frappantes, la pratique préventive qui consiste à décorner les rhinocéros, y compris dans leur environnement naturel, n’est pas nouvelle. Et si leurs protecteurs y ont recours, c’est aussi parce que cette découpe est indolore, comme le précise Přemysl Rabas :

Přemysl Rabas,  photo: Martin Kozák,  CC0
« Il n’y a rien dans la corne du rhinocéros. Il n’y a pas plus de vaisseaux sanguins que d’innervation. Il n’y a pas d’os non plus. On peut imaginer cela comme une grosse verrue qui pousserait sur la tête du rhinocéros, une excroissance de la peau. L’animal ne ressent donc rien lorsque vous lui coupez sa corne, comme nous ne ressentons rien lorsque nous coupons nos cheveux ou nos ongles. Et si la menace qui pèse actuellement sur les rhinocéros disparaît un jour, nous laisserons alors bien entendu leurs cornes repousser. »

Depuis de nombreuses années, le rhinocéros fait partie des animaux braconnés en masse. Bien que la majorité des espèces soient désormais en danger critique, divers effets thérapeutiques jamais vérifiés scientifiquement continuent d’être prêtés à sa corne. En Asie notamment, celle-ci, dont le kilo se négocie au marché noir à plusieurs dizaines de milliers d’euros, est commercialisée sous forme de poudre, et ce alors qu’elle est constituée essentiellement de kératine, une substance banale retrouvée dans les ongles ou les sabots.

Les populations de rhinocéros étant réduites à quelques milliers ou centaines d’unités, les braconniers s’attaquent désormais aux animaux résidant dans les parcs zoologiques. Et suite au crime en France, la direction du zoo de Dvůr Králové, engagé activement dans la protection des diffétrentes espèces en Afrique, a donc pris les devants :

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« D’autres zoos nous ont fait savoir qu’ils allaient prendre la même mesure. Il faut rappeler que la kératine n’a pas de valeur dont il est possible de tirer un profit légalement. La meilleure solution selon nous est donc de détruire cette kératine pour bien faire comprendre aux contrebandiers qu’il n’y a pas de trafic possible. »

Le commerce des cornes de rhinocéros est interdit depuis 1977 par la Convention internationale sur le commerce des espèces menacées (Cites). Face à son échec, la légalisation du commerce est de nouveau envisagée de façon à lutter plus efficacement contre le braconnage.