Festival Jeden svet : les enfants de Solidarnosc vus par le réalisateur franco-polonais Rafael Lewandowski
«J'ai fait mes études à Paris, à la Fémis. Depuis six ans, je vis et je travaille à Pologne. Mon père a quitté la Pologne dans les années 60. Moi, j'ai fait le chemin inverse, je suis revenu... » Rafael Lewandowski a présenté, en sélection officielle de Jeden svet, le documentaire « Les enfants de Solidarnosc ». On l'écoute au micro d'Alexis Rosenzweig :
« Le film raconte quatre histoires d'enfants de militants de Solidarnosc, qui sont nés environ avec ce mouvement, à la fin des années 70 - début des années 80. Je l'ai tourné é l'occasion des 25 ans du mouvement Solidarnosc en Pologne Les cérémonies ont commencé à la fin du mois d'août 2005 et se sont poursuivies pendant deux mois et demi. Cette période a été marquée par une glorification du passé, mais également par une remise en question de ce passé. Quand j'ai commencé à faire ce film j'avais plutôt des a priori optimistes. Ma première surprise a été de trouver très rapidement des personnages qui avaient envie de parler de tout ça. J'ai découvert à travers cette envie qu'il y avait un manque, qu'ils n'avaient pas assez raconté cette histoire et que peut-être entre les parents et les enfants il y avait plein de choses qui n'avaient pas été dites.»
« S'il est plus dur d'avoir 25 ans en Pologne qu'en France, je ne sais pas, je note simplement que la génération polonaise dispose d'une énergie incroyable et d'une liberté dont leurs parents ne pouvaient que rêver et pour laquelle ils se sont difficilement battus. Par contre, le paradoxe veut qu'ils ont d'énormes difficultés à trouver leur place dans la société, pour des raisons économiques - la Pologne a accompli après 1989 des changements radicaux (par rapport à la République tchèque les changements se sont faits en quelques mois avec le plan Balcerowicz) donc il y a eu des conséquences sociales très lourdes - et pour des raisons politiques parce que la situation politique en Pologne n'est pas très réjouissante. Il y a une sorte de retour en arrière par rapport à la liberté, la tolérance et des tas de choses. Donc malheureusement ces jeunes Polonais émigrent en masse. Depuis l'entrée du pays dans l'UE, on estime qu'il y a entre un et deux millions de jeunes Polonais qui sont partis tenter leur chance ailleurs, notamment en Grande-Bretagne et en Irlande. »Parmi les jeunes dont vous avez fait le portrait il y en a deux qui sont en Irlande aujourd'hui...
« Oui, le documentaire raconte quatre histoires, notamment celle de Clementina et de son fiancé. C'est le dernier plan du film : on voit leur avion s'envoler pour l'Irlande. Clementina vit à Dublin, elle vit plutôt bien, elle a envie de rentrer en Pologne, mais pour l'instant, elle essaye de gagner sa vie, de rembourser de l'argent... Les Polonais aujourd'hui, et peut-être les Tchèques aussi, ont un point commun : ils vivent tous à crédit et ces crédits sont monstrueux, parfois sur 50 ans... »
La projection de votre film a été suivie d'un débat. Quelles ont été les réactions des Tchèques et des Polonais dans la salle ?
« Pour moi, cette projection était très importante, parce que c'était la première en dehors de la Pologne. Je sais quel genre de réaction le film entraîne chez moi. Le film est assez amer. Il ne s'agit pas du tout de remettre en cause le fait que Solidarnosc nous a apporté la démocratie, par contre, il fait le constat d'une sorte de gâchis... Je trouve triste que les jeunes Polonais soient obligés de quitter leur pays, alors qu'il y a tant de choses à faire là-bas. Les réactions étaient intéressantes, parce que la salle était pleine de jeunes, de Polonais qui étudient ou vivent ici.
Les uns trouvaient que cette image de la Pologne et cette amertume étaient justes, d'autres trouvaient le film trop pessimiste. Tout cela avec des interventions, de tems en temps, de jeunes Tchèques qui disaient : mais non, nous, on comprend tout à fait vos personnages, car nous aussi, nous avons du mal à trouver notre place dans la société et nous sommes confrontés à ce même problème du chômage. »A noter que c'est un film allemand d'Ulrike Franke, sur la mondialisation, intitulé « Vaincus et vainqueurs », qui a obtenu, le 8 mars à Prague, le grand prix de ce festival de films documentaires sur les droits de l'homme « Jeden svet ». Dans la capitale, le festival a duré huit jours et attiré 35 000 spectateurs, soit 3000 de plus que l'année dernière. Il se poursuit jusqu'à la fin du mois, dans les régions.