Fête de la bière tchèque en France, première !
Une grande Fête de la bière tchèque, la première du nom, se tient à l'ambassade de République tchèque à Paris ce vendredi. Situation sanitaire oblige, celle-ci n'est finalement réservée qu’aux professionnels du monde brassicole. Aleš Stejskal est le directeur général de la société Les Bières tchèques, spécialisée dans la distribution de marques tchèques en France et coorganisatrice de cette Fête de la bière.
Aleš Stejskal, peut-on encore parler de fête dès lors que la partie du programme qui devait être ouverte au grand public a dû être annulée en raison de la situation sanitaire ?
« Il était effectivement prévu que la première partie soit réservée aux professionnels et que la seconde permette la participation du public avec un concert pour clôturer la journée. Et c’est vrai, nous avons été contraints d’annuler cette deuxième partie. Peut-on encore parler de fête ? Peut-être plutôt d’un salon professionnel avec différents acteurs de l’activité brassicole, mais aussi des journalistes, des dégustateurs ou des influenceurs. Dans ce sens, j’espère que l’on pourra quand même parler d’un événement réussi et d’une fête de la bière. »
Quel est le programme prévu pour ces professionnels français ?
« Nous allons présenter nos brasseries partenaires, car nous sommes leur exportateur et leur ambassadeur. Ce sont onze brasseries de différentes tailles : grande, moyenne ou artisanale. L’idée est que chacune d’entre elles puisse présenter sa production et de permettre des échanges directs entre les professionnels du milieu. Malheureusement la situation est telle qu’elle ne permet pas à tous les brasseurs invités de se déplacer. Certains seront donc là, d’autres non, et nous nous chargerons alors de les représenter. Il y aura bien évidemment des stands de dégustation, mais aussi toute une partie réservée à la présentation de la bière tchèque en général, de son indication géographiquement protégée et de son caractère unique. Et puis tout cela s’achèvera avec un bon repas. »
Quelles sont les brasseries tchèques qui participent à cette fête ?
« Onze seront présentes : de grande et de moyenne taille avec Budějovický Budvar (Budweiser), qui est une propriété de l’Etat tchèque (cf. : https://francais.radio.cz/une-annee-2019-record-pour-les-grandes-brasseries-tcheques-8684653) et qui est probablement la plus connue en raison de sa longue et forte tradition, Konrad de la région de Liberec (Bohême du Nord), Rebel de Havlíčkův Brod (région de Vysočina, centre de la République tchèque), Primator de Náchod (Bohême de l’Est), Bernard de Humpolec (Vysočina) ou encore Rakovník (ou brasserie Bakalář, Bohême centrale) , mais aussi quelques micro-brasseries dont l’histoire est plus récente comme Pernon, Sibeeria, Matuška et qui représentent vraiment le brassage artisanal aujourd’hui en République tchèque. »
Quel est l’intérêt que portent les brasseries tchèques au marché français ? Le volume de bière produit en République tchèque destiné à l’export augmente chaque année, mais la France, malgré sa taille, est-elle un marché prioritaire sachant que la culture autour de la bière est moindre que dans d’autres pays ?
« C’est vrai qu’historiquement la culture n’est pas la même. Mais on assiste actuellement à une ‘démocratisation’ de la bière en France. Il est intéressant de noter que la France est le pays qui possède le plus grand nombre de micro-brasseries en Europe. Cela confirme bien l’intérêt grandissant. L’avantage est que ces brasseries font découvrir au public les différents types de bière qui existent. Cette production met aussi en valeur la bière en tant que produit de qualité. Les gens commencent à apprécier la bière de qualité qui possède une histoire. Et dans ce contexte-là, la bière tchèque a évidemment toute sa place. Il y a sur le marché une demande croissante pour la bonne pils et de bonnes lagers. »
La République tchèque est le pays qui a inventé la pils, une bière de fermentation basse, ce qui signifie que c’est le mode de brassage qui nécessite le plus de temps. C’est aussi le type de bière le plus répandu dans le monde. Est-ce plus particulièrement ce style-là qui peut réussir en France, compte tenu de la production déjà existante de bière spéciales par les brasseries artisanales ?
« La République tchèque est effectivement le berceau de la pils. L’usage des levures pour une fermentation basse remonte au début du XIXe siècle. Aujourd’hui, la pils représente 80% de la consommation de bière dans le monde. Parce que c’est une bière qui se boit très bien. Ce que les micro-brasseries peuvent amener aux consommateurs, c’est leur faire perdre l’habitude de consommer la production des grands groupes industriels internationaux. La production des micro-brasseries permet de valoriser la ‘vraie’ pils, et donc la pils tchèque. Le consommateur va préférer se tourner vers un produit de qualité plutôt que vers un produit industriel, car la différence au niveau du goût est vraiment importante. »
Les autorités tchèques s’efforcent de faire la promotion de la République tchèque à l’international comme un pays traditionnel de bière. Vous qui êtes tchèque et travaillez et vivez en France, avez-vous le sentiment que les Français savent cela ou, au contraire, s’agit-il de quelque chose qu’il faut sans cesse répéter ?
« Il faut toujours faire découvrir. D’abord parce que la République tchèque, à cause de l’ancien régime, possède un retard de près de cinquante ans pendant lesquels les exportations vers l’Ouest ont été impossibles. Mais des événements comme cette Fête de la bière tchèque doivent nous aider à mieux faire connaître cette tradition et ce savoir-faire. Faire découvrir ce trésor tchèque aux Français constitue donc aussi un important travail de communication. »
Quel est le volume de bière tchèque qui se vend en France ?
« On se situe actuellement entre 20 et 25 000 hectolitres par an. Il s’agit essentiellement de grandes marques et notre société représente près de 90% de ces exportations. »
Les nouveaux clients français sont-ils difficiles à convaincre ?
« C’est difficile jusqu’au moment où nous arrivons à passer à la dégustation. En cas de dégustation aveugle, cela devient beaucoup plus facile. La qualité des produits parle d’elle-même. Si nous n’avions que la parole pour convaincre les bars et restaurants, ce serait beaucoup plus compliqué. Mais avec les dégustations, nous avons presque toujours partie gagnée. »
Le prix est-il un avantage pour vous en tant que vendeurs ?
« Il ne faut pas le cacher : le prix est un atout aussi. Mais la politique tarifaire des brasseries sur le marché domestique est complètement différente de celle pour l’export. Je dirais que nous avons des prix compétitifs bien adaptés au marché français. La bière tchèque n’est pas la moins chère sur le marché, mais ce n’est de toute façon pas la voie que nous souhaitons suivre. Ce qui nous intéresse, encore une fois, c’est la qualité du produit et son histoire. Les dégustations ne mentent pas, quoique vous puissiez raconter. »
Quelles sont les bières tchèques qui ont le plus de succès ?
« Outre la pils, très majoritaire comme déjà dit, il y a une demande croissante depuis un an ou deux pour la bière ‘craft’ (des brasseries artisanales). On parle là alors de bières spéciales, qui ne sont certes pas une tradition tchèque mais qui sont produites par des gens qui ont voyagé, vu d’autres pays et n’hésitent plus à expérimenter. Le savoir-faire de brassage traditionnel permet alors d’obtenir de vraiment très belles choses (cf. aussi : https://francais.radio.cz/la-route-de-la-biere-dans-les-monts-des-geants-8126134). »
Les consommateurs français sont-ils curieux et connaisseurs ?
« Oui, les deux, parce qu’il existe en France une grande tradition de gastronomie et de vin. Non seulement ils sont curieux, mais ils sont aussi très critiques, dans le bon sens du terme, sur la qualité des produits. C’est pourquoi la bière tchèque y a toute sa place. »
Comment évolue et se porte votre société ?
« La société a été fondée par deux amis, un Français et un Tchèque, il y a une dizaine d’années. C’était une aventure. L’idée d’origine était de proposer un échange de cultures : faire découvrir le vin français aux Tchèques et la bière tchèque aux Français, en quelque sorte donc le trésor national de chacun. Mais la bière est devenue plus importante au niveau des volumes. Tout simplement parce que les consommateurs l’apprécient et que la demande grandit. Certes, nous avons fortement été impactés par le Covid cette année, mais nous avons continué à travailler avec notre dizaine d’employés. L’important est de tourner la page 2020. Nous sommes bien sûr attentifs à l’évolution de la situation, mais nous envisageons l’avenir avec optimisme. »
Après cette Fête de la bière tchèque, prévoyez-vous d’organiser d’autres événements de ce type en France ?
« Nous voulons créer des partenariats, mais il me faut d’abord remercier les ministères de l’Agriculture, de l’Industrie et du Commerce qui cofinancent l’événement et veulent aider les brasseries à exporter davantage, mais aussi le Centre tchèque à Paris, l’ambassade et Czech Trade. Tous ensemble, nous voudrions que cette fête devienne une tradition et l’organiser dans les grandes villes françaises avec la coopération des consulats honoraires. L’objectif est de faire connaître la bière tchèque dans toutes les régions en France. »