Fierté tchèque, le balisage touristique existe depuis 135 ans et fait des envieux
Le premier sentier a été balisé par le Club des touristes tchèques (Klub českých turistů) le 11 mai 1889. Il commençait à Štěchovice pour mener aux rapides de Saint-Jean, 8 km plus loin. Mais depuis la construction des barrages sur la Vltava, entre 1930 et 1980, ce sentier historique est partiellement recouvert par les eaux.
L’année précédente avait été fondé ce club par des passionnés de marche à pied. Son premier président a été le mécène et patriote Vojtěch Náprstek (dont la maison dans la Vieille-Ville de Prague deviendra le musée des cultures d’Asie, d’Afrique et d’Amérique).
L’ex-président du Klub českých turistů Jan Stráský – ancien chef du dernier gouvernement tchécoslovaque avant la partition – était revenu il y a quelques années à notre micro sur l’histoire de cette inititative pas comme les autres.
« Le Club était présidé par des docteurs, des pharmaciens, des savants…. En peu de temps, le club a construit 120 chalets et des dizaines de tours panoramiques. La deuxième année de son existence, le club a ouvert le premier tracé touristique balisé conduisant de Karlštejn à Prague, et d’autres ont suivi… »
La fondation du Club des touristes tchèques a été encouragée par le mouvement d’éducation physique Sokol et elle reflétait aussi la période du romantisme marquée par le retour à la nature et représentée par le poète romantique Karel Hynek Mácha. Grâce au Club des touristes tchèques, la Tchéquie possède un réseau de sentiers balisés dont on dit qu’il est l’un des meilleurs en Europe, par son densité et sa qualité.
De la fin du XIXe siècle date aussi un réseau de sentiers balisés dans les monts des Beskides, en Moravie. Au départ, on n’utilisait que de la couleur rouge pour marquer les sentiers. Au fur et à mesure, le balisage devenait peu clair à la croisée des chemins et on allait y ajouter le bleu et depuis 1916 également le vert et le jaune.
Le système tchèque des tracés balisés est unique : il permet de partir en voyage sans carte. Le marcheur est orienté par les quatre couleurs et les indicateurs de direction qui jalonnent la route en intervalle régulier de 2,5 kilomètres qui l’informent des kilomètres qui lui restent avant d’arriver au but et des particularités rencontrées sur le chemin.
Jan Stráský : « L’étendue des informations et les quatre couleurs, c’est ce qui caractérise notre système. Il y a deux ans, le Club des touristes tchèques a organisé une conférence internationale sur le balisage à Bechyně. Beaucoup de pays seraient intéressés par l’adoption de notre système et son extension à travers les frontières, mais on a calculé que cela coûterait des milliards. Rien que l’entretien des 40 000 km de sentiers balisés sur le territoire de la Tchéquie s’élève annuellement à 7 millions de couronnes : inutile de souligner que le club le fait gratuitement. »
Ces balises touristiques sont aussi tellement photogéniques qu’une exposition photographique entièrement consacrée à cette signalétique et intitulée « Un paysage de signes » a été organisée en 2017 à l’Institut français de Prague. Le photographe Stéphane Corbet avait raconté la création de ce projet sur nos ondes :
« C’est un long cheminement : j’ai retrouvé des photos que je prenais il y a dix ans déjà de ces signes-là et j’ai décidéde faire un projet uniquement centré sur ces balises de randonnée, sans avoir une idée très précise de la forme que ça prendrait. Ça représente mon lien avec la République tchèque, c’est un signe extrêmement présent dans le pays à l’échelle naturelle et urbanistique : il y a peu de village dans lesquels on ne voit pas ce genre de signe. Ça représente aussi un loisir pratiqué par tous en Tchéquie, qui pour moi fait un lien entre les différentes classe de la société, et qui favorise cette fluidité sociale si spécifique dans le pays. C’était un projet que je qualifierais d’artistique dès le début. »
Balisé le 11 mai 1889, le premier sentier du Club a disparu avec la construction du barrage de Štěchovice mais le deuxième, toujours conservé, de couleur rouge, relie Beroun à Karlštejn en passant par Svatý Jan pod Skalou et porte le nom de Vojtěch Náprstek.