Fortna, le premier monastère de Prague ouvert au grand public

Le monastère Fortna, photo: Martin Kabát

« Fortna » signifie en tchèque le portail d'un monastère. Les frères Carmes Déchaux ont donné ce nom au nouveau centre spirituel qu’ils ont ouvert l’été dernier sur la place Hradčanské náměstí, à proximité immédiate du Château de Prague. Un lieu imprégné par des siècles de vie monastique qui vient d’être rénové et ouvert au grand public, non pas comme un musée, mais comme un lieu de ressourcement, même pendant le confinement.

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

Nous nous trouvons dans le jardin du monastère Fortna où, comme nous l’explique Hana Říhová de l’équipe qui assure le fonctionnement du lieu, un feu a brûlé tous les soirs, pendant la période de l’Avent. Tout le monde a pu venir et y mettre du bois, pour apporter, symboliquement, un peu de lumière dans les ténèbres.

La terrasse du jardin offre une vue imprenable et peu habituelle sur la capitale, avec la colline et la tour de Petřín juste en face, le monastère de Strahov à droite et le centre-ville à gauche.

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

« Nous sommes en fait sur la terrasse d’un palais Renaissance. Une partie de cette terrasse qui donne sur le quartier de Malá Strana, a été vitrée sous le régime communiste. C’est une pièce assez agréable, qui donne vraiment l’impression d’être au-dessus de Prague. Nous avons aménagé ici une salle de méditation. Les gens peuvent venir à n’importe quel moment de la journée, pour se reposer et se ressourcer. »

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

Hormis les périodes de strict confinement, le jardin, la terrasse, les couloirs, les salles ainsi que l’église Saint-Benoît par laquelle on entre dans le monastère depuis la place du Château de Prague, sont accessibles tous les jours, du matin au soir. Le monastère Fortna appartient, depuis peu, à l’Ordre des Carmes Déchaux.

Les pères Carmes sont actuellement une dizaine en République tchèque. A Prague, ils forment une communauté internationale liée à l’église Notre-Dame-de-la-Victoire, celle qui abrite la fameuse statuette de l’Enfant-Jésus de Prague. Une autre communauté, plus jeune et plus contemplative, est installée à Slaný, au nord-ouest de Prague. Le centre Fortna, quant à lui, est géré par une équipe composée de Carmes et de laïcs. Petr Glogar, le prieur de l’église de l’Enfant-Jésus de Prague et directeur du centre, nous en dit plus sur son histoire :

Petr Glogar,  photo: Fortna

« Ce monastère a une histoire riche qui contribue au ‘genius loci’. A l’origine, il y avait ici une église romane, puis gothique. Ensuite, au XVe siècle, les frères Barnabites ont construit leur monastère sur le site. Ils ont été obligés de partir suite à l’abolition des ordres religieux par l’empereur Joseph II. Depuis la fin du XVIIIe siècle et pendant 200 ans, le monastère a été habité par les Carmélites déchaussées qui ont vécu recluses ici. En août 1950, les sœurs ont été forcées de quitter le monastère : pendant quarante ans, le régime totalitaire les a obligées à vivre dans des lieux d’internement, en Bohême du Nord. »

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

Un monastère rénové par des prisonniers politiques

Le bâtiment historique n’a été restitué à la communauté des Carmélites déchaussées qu’en 1991. Mais avant cela, il a subi des travaux de rénovation et a été transformé en hôtel.

Le monastère Fortna,  photo: Magdalena Hrozínková

« Lorsque les autorités communistes ont pris possession du monastère et chassé d’ici les sœurs carmélites, elles y ont aménagé un hôtel de luxe destiné à l’élite communiste, ainsi qu’aux invités de l’étranger. Les autres monastères et couvents nationalisés ont généralement été transformés en casernes, mais cela n’était pas vraiment possible dans le quartier du Château de Prague. Même les responsables du parti se rendaient bien compte que ce serait un peu dommage. Alors sous le régime communiste, les locaux ont été rénovés à deux reprises, dans les années 1960 et 1980. Ces travaux ont été menés par des architectes et historiens de l’art condamnés dans le cadre de procès politiques et écroués dans la prison pragoise de Pankrác. Grâce à eux, ces rénovations ont été réussies et l’esprit du lieu a été conservé. »

Le monastère Fortna,  photo: Martin Kabát

De retour dans leur ancien monastère, les sœurs se sont rendu compte au fil des années que celui-ci, situé dans un haut lieu touristique du vieux Prague, et ne disposant que d’un petit jardin, ne leur convenait plus. Les Carmélites ont alors racheté une ancienne propriété agricole dans la commune de Drasty, non loin de Prague, qu’elles transforment petit à petit et avec l’aide de bénévoles en couvent et où elles vivent depuis bientôt un an.

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

Un lieu de ressourcement accessible à tous

Avant de s’y installer, les sœurs ont vendu le monastère pragois aux frères Carmes qui, soutenus par un investisseur privé, ont pu y entamer, cette année, des travaux de restauration importants, avec l’objectif d’y créer un centre de ressourcement spirituel pour tous. Petr Glogar explique :

Le monastère Fortna,  photo: Magdalena Hrozínková

« Nous voulons aller à la rencontre des gens, de sorte que même les passants qui ont envie d’entrer peuvent venir découvrir ce qui se passe d’intéressant ici. Nous souhaitons que le lieu soit accessible à tous, en particulier à ceux qui n’oseraient jamais entrer dans un établissement religieux. »

« Beaucoup de gens pensent que ce n’est pas pour eux, parce qu’il faut être un croyant pratiquant, ils pensent qu’il faut savoir se comporter d’une certaine manière, faire ou dire des choses qu’ils ignorent, avoir des connaissances en liturgie ou en science des religions. Pas du tout ! En réalité, il n’existe qu’une seule raisonpour franchir le seuil d’un monastère comme le nôtre : mettre de côté les soucis du quotidien, ne serait-ce que pour un petit moment ; peut-être aussi réfléchir un instant sur sa vie, ou alors ne faire rien du tout et juste se laisser pénétrer par l’esprit de ce lieu. On peut s’asseoir quelque part, lire un texte si on a envie, ou juste être, regarder autour de soi et respirer, c’est déjà beaucoup. »

Ceux qui voudraient aller plus loin trouveront dans le programme du centre Fortna, quand les restrictions liées à la crise du coronavirus le permettront, des débats, rencontres, conférences, séminaires, événements culturels, ainsi que des séances hebdomadaires de méditation chrétienne, ou des retraites de courte ou de plus longue durée, individuelles ou collectives. Le monastère propose également aux intéressés un accompagnement spirituel et une assistance psychologique.

Le monastère Fortna,  photo: Fortna

Pendant l’épidémie de Covid-19, le monastère Fortna héberge également, pour un prix modique, des personnes en quarantaine. Hana Říhová :

« Les fenêtres que vous voyez en face, ce sont des chambres réservées aux personnes placées en quarantaine. Il ne s’agit pas vraiment de malades, mais des personnes qui veulent s’isoler de leurs familles, qui sont en attente des résultats des tests par exemple. A présent, avant les fêtes de Noël, deux personnes sont hébergées ici. Au total, ils ont déjà été une vingtaine depuis l’automne. »

Le courage de l’impossible

Le monastère Fortna,  photo: Magdalena Hrozínková

Le monastère Fortna devait ouvrir ses portes au public en mars dernier, mais le coronavirus en a décidé autrement. Pendant le confinement du printemps dernier, les frères Carmes et leurs collaborateurs ont alors entamé une nouvelle étape de la rénovation du monastère, transformé alors en un centre de spiritualité et de culture. Ils ont lancé leur projet en dépit du contexte particulier de la crise sanitaire. Pour le prêtre Petr Glogar, celle-ci représente un défi :

« Cela peut paraître étrange, mais pour ma part, je dresse un bilan tout à fait positif de cette année qui touche à sa fin. Nous avons tous appris un tas de choses que nous n’aurions jamais apprises sinon ! Des choses incroyables se sont passées… C’est comme quand on presse des raisins ou des olives : on est sous une pression énorme, mais cette pression donne finalement de très bons résultats. Je dis cela sans vouloir idéaliser la situation : évidemment, en tant que prêtre et psychothérapeute, je rencontre des gens en difficulté et je sais à quel point la crise du coronavirus a bouleversé leurs vies. »

Le monastère Fortna,  photo: Magdalena Hrozínková

« Il se trouve que quand je me trouve dans une impasse, je cherche toujours à savoir ce que je peux faire malgré les difficultés. Avec la mise en place du premier confinement, c’était pareil. Presque tout était interdit. Alors nous nous sommes posé la question de savoir ce qui, au contraire, était possible. Simone Weil parle du ‘Courage de l’impossible’. C’est mon credo. On ne peut pas ouvrir le monastère comme prévu et organiser des événements ? Eh bien, nous allons les diffuser en ligne. Nous n’avions aucune expérience et du matériel essentiel, cela nous paraissait fou au début, mais quand même, nous avons commencé à diffuser en direct des rencontres et débats depuis le monastère. Les premiers enregistrements nous font rire aujourd’hui, mais c’était parti et les gens intéressés ont très vite remarqué qu’on était là. Et ils étaient tolérants ! Personne ne nous a reproché une mauvaise qualité technique. Notre projet était peut-être même plus visible qu’en temps normal, où un tas d’événements ont lieu à Prague tous les jours. »

Le monastère Fortna,  photo: Martin Kabát

Au printemps dernier, lorsque les églises ont été fermées, l’équipe du centre Fortna a également lancé le podcast intitulé « U ambonu  » (A l’ambon en français, en référence au pupitre installé à l’église et destiné à la lecture des textes liturgiques). Dans ce podcast, plusieurs personnalités de l’église se sont adressées tous les jours au public pour l’encourager et partager avec lui cette expérience inédite de la pandémie de coronavirus.

En ce mois de décembre, à l’heure du reconfinement, le monastère Fortna continue à développer ses multiples activités, sur place, mais surtout en ligne, sur https://www.fortna.eu.

Dans cette émission, nous vous faisons écouter des improvisations musicales inspirées de vieux chants tchèques liés à la période de l’Avent. Elles ont été enregistrées pour le monastère Fortna par le clarinettiste Matouš Vlčinský, l’organiste Jiřina Marešová-Dvořáková et les chanteuses Marie Vlčinská et Zuzana Vlčinská. Nous vous laissons apprécier et vous souhaitons un joyeux Noël !

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