François Jost : « Le documentaire doit permettre de mieux comprendre le monde et pas de jouer avec »
Le festival de films documentaires se poursuit jusqu'à dimanche dans la ville de Jihlava. Parmi les membres du jury cette année, le professeur à l'Université de Paris III, François Jost. Théoricien de l'image et directeur du centre d'études des images et des sons médiatiques à Paris, François Jost est l'auteur de plusieurs ouvrages sur les médias et la télévision.
Vous êtes membre du jury de la section « Entre deux mers » du festival, consacrée aux films d'Europe centrale et orientale. Est-ce que, selon vous, il existe des caractéristiques propres à la production de documentaire dans les pays post-communistes ?
« Je repère certains thèmes qui sont peut-être liés à la situation post-communiste. C'est vrai qu'on voit beaucoup revenir la question de l'avenir : qu'est-ce qu'on peut faire maintenant, qu'est-ce qu'on rêve de faire ? Comme si vraiment le futur était encore à écrire. »
Vous parliez de rêve ; avez-vous déjà vu le documentaire tchèque récemment très remarqué, « Le rêve tchèque » ?
« Oui. C'est intéressant, mais ce qui me gêne un tout petit peu dans ce genre de film c'est une tendance que j'observe aussi dans ce festival : le fait que le documentariste organise une réalité, un jeu, une imposture pour le film. Cela me paraît un peu hérité de la télévision comme démarche et moins près de la démarche du documentariste, qui doit se confronter à un monde qui existe et pas le scénariser d'avance. »
Vous êtes spécialiste du phénomène des reality-shows ; cette évolution de la télévision vers la télé-réalité marque-t-elle également l'évolution du film documentaire, avec d'un autre côté ce qu'on appelle aujourd'hui les docu-fictions ?
« Oui. Les docu-fictions sont une invention des chaînes de télévision pour faire passer comme documentaires des films qui sont en fait beaucoup plus près de la fiction. Mais même dans les documentaires que j'ai vus ici je remarque au moins dans deux d'entre eux la volonté d'organiser de grands jeux de rôle dans lesquels on va impliquer des gens qui existent et qui me font beaucoup penser à la télé-réalité. Cela me gêne un peu parce que finalement à terme ceci est en train de remettre en cause complètement l'idée de ce qu'est un documentaire, qui doit pour moi être quelque chose qui nous permet de mieux comprendre le monde et pas seulement de jouer avec. »