« Boum Boum » se fait l’écho des Gilets jaunes auprès des festivaliers de Ji.hlava
Réalisatrice française, Laurie Lassalle était présente au 26e Festival international du film documentaire pour la première internationale de son film « Boum Boum », une immersion physique, idéologique et sentimentale dans le mouvement des Gilets jaunes. Au micro de Radio Prague International, elle a parlé de la perception des idéaux anticapitalistes en France, et de l’universalité de la colère face aux injustices. Mais tout d’abord, elle a présenté le sujet de son film réalisé sur trois années :
« ‘Boum Boum’ raconte une histoire d’amour et de révolution pendant le mouvement des Gilets jaunes. Elle est racontée à la première personne : c’est moi qui raconte et qui tiens la caméra, avec donc une subjectivité du début à la fin du film. »
« Le titre, ‘Boum Boum’, évoque tout simplement le son du cœur – et des grenades explosives. J’aimais l’idée d’un titre sonore, car le film est très sonore. Et je trouvais beau de sortir du film en se souvenant de ce son. »
En plus d’être une onomatopée universelle – pratique pour les festivals internationaux !
« D'ailleurs, j’adore la traduction tchèque de ‘Boum Boum’ : ‘Bum Bum’ ! »
Etait-il important pour vous de venir au Festival international du film documentaire de Jihlava pour y présenter votre film en personne ?
« Oui, tout d’abord parce que c’était la première internationale, donc c’était important symboliquement. J’avais entendu parler de Ji.hlava par mes producteurs et par des réalisateurs et réalisatrices en France. Et surtout, c’est important pour moi de rencontrer les gens et d’avoir le retour de personnes non françaises. Parce que les Gilets jaunes étaient un mouvement très français, mais dont on a eu écho à travers le monde. J’étais donc très curieuse d’avoir les réactions de personnes étrangères – et de Tchèques en particulier. »
Leur retour a-t-il été différent de ceux que l’on a pu vous faire en France ?
« Il y a des subtilités et des blagues qui passent moins bien dans la traduction. Mais, en général, ce n’est pas si éloigné. Vu les questions et les remarques qui m’ont été faites, je dirais qu’il y a quelque chose d’assez universel dans ce film, puisqu’il parle d’amour et de lutte. Donc j’ai eu des retours finalement assez proches de ceux que j’aurais pu avoir en France. »
Aviez-vous des appréhensions à l’idée de montrer ce film – qui présente les revendications d’un mouvement qui se dit apolitique, mais qui, dans les faits, est plutôt multipolitique – dans un pays qui a un passé de lutte de classes et de régime communiste ? Vous attendiez-vous à des réactions négatives de la part de personnes qui ont connu ce régime ?
« Effectivement, dans le film, on entend beaucoup de blagues sur le communisme, de références à l’anarchisme et au marxisme. Il y a également l’extrême droite qui guette… J’appréhendais et j’étais curieuse de voir comment les gens allaient se positionner par rapport à cela, mais j’ai été étonnée de ne pas avoir plus de retours pour contrer cela. »
« La lutte des Gilets jaunes a quelque chose d’anti-Macron – et d’anticapitaliste, évidemment – dans lequel les gens d’ici peuvent peut-être se reconnaître. Et puis, comme vous le dites, les Gilets jaunes sont un mouvement tellement multiple du point de vue politique. C’est d’ailleurs cela qui m’a intéressée : c’est un mouvement qui a été tenu par des gens très différents et qui avaient des revendications très différentes, mais tenu aussi par la même colère contre des injustices flagrantes en France. Je pense que là-dessus, un public tchèque peut se reconnaître – et comprendre l’idée. »
Et pour ce qui est de l’absence de réactions critiques, il ne faut pas oublier que le public d’un festival de cinéma n’est pas représentatif de la population dans son ensemble…
« Exactement. Et puis, parler de communisme en France n’a pas du tout la même référence qu’ici : quand on dit ‘anarcho-communisme’, on est dans un idéal, tout en étant très conscient de ce que cela a signifié comme Etat totalitaire, comme désastre, en Russie ou ailleurs. Quand ont dit ‘communiste’ en France, on est plutôt sur une idée du commun, des idées de Marx, etc. En général, les communistes – ou les anarcho-autonomes, etc. – disent que cet idéal n’a jamais été atteint. Et surtout, il y a différentes voix dans cela : ceux qui croient encore au grand soir, à la révolution, sont très rares. Ce qui est le plus répandu, c’est une volonté d’être une force de contre-pouvoir, et de faire avancer les choses point par point. On ne croit plus à l’idée de ‘retourner la table’, même si dans le film elle est présente. Elle reste néanmoins un peu abstraite ; même le personnage principal en sourit. »