Gays et lesbiennes en Tchéquie : le changement des mentalités est la plus grande victoire

Du 7 au 25 janvier, la Maison des minorités nationales, à Prague, accueille une exposition qui retrace l’histoire du mouvement gay et lesbien dans les pays tchèques, de la fin du XIXe siècle à nos jours. L’occasion de revenir surtout sur 20 ans d’activisme en Tchéquie et sur les changements survenus depuis.

La route qui mène les homosexuels à la reconnaissance et à l’égalité est longue. En République tchèque, si les préjugés ou l’intolérance peuvent subsister, il est assez paradoxal de constater que pour une société fermée sur elle-même par des années de communisme, il n’aura fallu que 17 ans pour que soit adoptée la loi sur le partenariat enregistré pour les couples homosexuels. De justesse certes, mais fin juin 2006, les activistes voyaient leurs efforts enfin récompensés.

Avec le recul, Jiri Hromada, ancien président de l’Initiative gay dissoute en 2007, estime toutefois que la vraie victoire est ailleurs :

« En 1990, lors d’un premier sondage, il est ressorti que seuls 10% des citoyens tchèques voyaient positivement notre différence, l’idée du partenariat enregistré. En 2006, lors de son adoption, on était à 70%. Pour nous, c’est plutôt le chemin parcouru qui est important, celui qui a changé le point de vue de la société. Si la loi avait été adoptée sans que la société ne soit prête, peut-être que les homosexuels eux-mêmes auraient eu peur de s’enregistrer. Donc le plus important c’est que la société et nous soyons dans une situation d’équilibre. »

Pavel Vitek est chanteur. Il vit depuis une vingtaine d’années avec son compagnon et manager Janis Sidovsky. Ils ont été le premier couple à profiter du changement de la législation en 2006. Pour Pavel, l’officialisation de son union a plus représenté un changement dans le regard de son entourage. A ses yeux, si le partenariat est une victoire, il reste des lacunes :

« Il faut encore approfondir cette loi, régler des choses telles que le problème du patrimoine commun, la pension de veuvage, et encore plusieurs éléments qui ne sont pas éthiques. A partir du moment où je suis contribuable, un citoyen qui paye ses impôts, j’estime que, comme tout un chacun, je dois avoir les mêmes droits et devoirs. »

La loi sur le partenariat enregistré ne permet pas l’adoption des enfants. Au sein d’un couple comme celui de Janis et Pavel, si l’un estime que la société n’est pas assez mûre, le second est clairement pour.

Pour Dzamila Stehlikova, ministre chargée des droits de l’homme et des minorités nationales, il faut procéder étape par étape :

Dzamila Stehlikova
« La première chose que nous devons assurer, c’est que le partenaire enregistré puisse adopter l’enfant de son compagnon. A l’heure actuelle, ce n’est pas le cas, il faut que ça change : imaginez un couple de lesbiennes qui élève un enfant, la mère biologique meurt dans un accident, sa compagne ne peut pas s’en occuper et l’enfant se retrouve dans des foyers pour enfants. »

Un débat public, l’avis de spécialistes, tout cela devrait faire avancer les choses. La ministre précise que fin 2008 aura lieu une conférence sur ce sujet, mettant en perspective les expériences de l’étranger et celles de couples homosexuels tchèques qui ont élevé des enfants jusqu’à l’âge adulte. Des questions qui pourraient, à terme, se retrouver sur la table du législateur :

« Maintenant, ce n’est pas encore possible, ce n’est pas dans le programme du gouvernement, mais nous pouvons ouvrir la question lors de la prochaine période électorale. Mais la société doit être prête, l’opinion doit changer. A l’heure actuelle, c’est plutôt du 50/50. »

Après Prague, l’exposition sur l’histoire du mouvement gay et lesbien en RT partira dans toutes les principales villes des régions tchèques.