IA et archéologie : la fascinante découverte d’une cité maya par une équipe tchéco-slovaque
Des archéologues tchèques et slovaques ont annoncé avoir mis au jour au Guatemala une cité maya dont l’origine remonte à près de 3 000 ans. Une découverte de taille pour mieux comprendre une des civilisations les plus anciennes au monde, qui confirme aussi qu’intelligence artificielle et archéologie font plus que jamais bon ménage.
« Je vais dire les choses très prosaïquement : c’est de la bombe ! On savait que quelque chose se cachait là, mais franchement, on se s’attendait pas à ça... »
C’est sur un ton particulièrement enthousiaste que Sara Polak a évoqué, au micro de la Radio tchèque, la découverte faite par son équipe dans la forêt tropicale guatémaltèque. L’archéologue tchèque avait des raisons de l’être. En mettant au jour, l’été dernier, une cité maya particulièrement ancienne, c’est une contribution majeure que l’équipe tchéco-slovaque a apportée à la connaissance et à la compréhension d’une civilisation dont beaucoup d’aspects demeurent un mystère aujourd’hui encore :
« Je pense que la chose la plus importante est de replacer la découverte dans son contexte. Une équipe tchéco-slovaque se rend dans le département de Petén depuis une quinzaine d’années. Évidemment, lorsque vous discutez avec les autochtones, qui travaillent également sur le site de fouilles, vous avez l’impression qu’il pourrait y avoir quelque chose d’autre dans la jungle, qui, à bien des égards, était le centre de la civilisation maya à l’époque préclassique. Mais il fallait s’en assurer, car la forêt est très dense et s’y promener avec une machette était une pratique courante à la fin du XXe siècle. Il nous fallait donc être plus efficaces dans l’exploration du quadrant de la jungle qui nous appartient et qui s’étend sur environ 1 200 kilomètres carrés, et il est évident que d’en faire le tour à pied est assez compliqué. »
Département le plus septentrional du Guatemala, au sud de la frontière avec le Mexique, Petén a été un important foyer d’architecture rituelle de la civilisation maya. Cette découverte doit permettre d’identifier des phases inexpliquées et cruciales de l’histoire maya, ont expliqué les représentants de la Fondation Neuron, qui a soutenu financièrement l’expédition.
Mais l’histoire de la découverte tchéco-slovaque, c’est aussi l’histoire de l’intelligence artificielle au service de l’archéologie. L’expédition a en effet été la première sur le territoire maya à combiner intelligence artificielle et réseau de neuronnes artificiels pour vérifier les données numériques des photographies aériennes obtenues par la télédétection par laser. Une technologie de pointe qui pénètre sous la surface et peut restituer le caractère de celle-ci, révélant alors les bâtiments, palais et autres complexes urbains s’y trouvant.
« Nous avons effectivement utilisé le LiDAR, qui est une technologie de mesure exploitée en archéologie depuis longtemps. C’est comme lancer une balle de tennis contre un mur. Imaginez que le mur soit la canopée des arbres et que le temps qu’il faut pour que la balle revienne vers vous, c’est-à-dire le signal laser, vous permet de mesurer la distance à laquelle se trouve le sol. Cela permet de détecter tout type de changement à la surface.
Vous scannez la jungle de cette façon pour obtenir une image 3D très approximative du sol. En plus de cela, vous devez utiliser l’IA, y compris la vision par ordinateur et l’apprentissage automatique, pour pouvoir simuler le reste des structures là où le Lidar n’est pas parvenu à traverser la canopée des arbres.
Ce n’est qu’à ce moment-là que l’on peut identifier des structures qui ressemblent à des cités, mais il peut aussi s’agir d’à peu près n’importe quoi construit par l’homme, et c’est pourquoi il faut encore vérifier de ses propres yeux ce que l’on voit. C’est là qu’interviennent les humains, les archéologues, qui organisent une expédition et procèdent à des vérifications. »
La cité mise au jour couvrait une superficie de plus de sept kilomètres carrés et aurait prospéré entre 850 av. J.-C. et l’an 150. Les archéologues l’ont baptisé Yax Balam, ou Premier Jaguar. Animal sacré, le jaguar représentait un symbole de pouvoir dans la culture maya. Le félidé est aussi associé au monde souterrain et à la religion, ont-ils expliqué. Comme le précise encore Sara Polak, la cité doit aussi son nom « primitif » au fait qu’elle est très ancienne et unique en son genre à cet égard :
« La civilisation maya est incroyablement énigmatique et complexe, et l’archéologie est en quelque sorte fascinée par son effondrement, qui reste à bien des égards presque mystérieux.
Ce qui est étonnant à propos de cette cité, c'est qu’elle date d’environ 850 avant J.-C., c’est-à-dire du milieu de la période préclassique. Elle n’est donc pas aussi grandiose que les autres cités de la région, mais elle est incroyablement importante. En effet, à l’époque où les Mayas ont commencé à s’organiser et à se centraliser, c’était déjà une cité à part entière.
Nous avons retrouvé des palais, des pyramides, des traces d’observatoires astronomiques rituels et d’autres vestiges archéologiques étonnants, que nous publierons en temps voulu. Il s’agit donc d’une véritable cité développée où l’on peut voir des structures d’élite et des structures agricoles. C’est vraiment phénoménal. »
Outre la cité de Yax Balam, où les recherches sur le terrain ont permis de documenter jusqu'à sept quartiers architecturaux majeurs de cette unité urbaine, l’expédition Neuron a mené d’autres recherches et fouilles dans la région de la forêt tropicale, où elle a également cartographié deux autres cités mayas plus petites.
L’évaluation scientifique des découvertes et le traitement des résultats archéologiques sont actuellement en cours, avec la participation d’experts en numérisation du patrimoine culturel de l’Université technique tchèque de Prague. Un des objectis, à terme, de l’ensemble de ces travaux est de reconstituer le mode de vie de cette civilisation maya dont on sait tout à la fois déjà beaucoup et encore si peu.