« Hors jeu » : nouveau documentaire, 60 ans après l’arrestation collective de l’équipe nationale de hockey

'Hors jeu'

Il y a soixante ans de cela, en mars 1950, la justice communiste avait condamné à de lourdes peines d’emprisonnement la majorité des joueurs qui composaient alors l’équipe nationale tchécoslovaque de hockey sur glace, championne du monde en titre. A l’occasion du 60e anniversaire de l’un des plus importants procès politiques des années 1950, la Télévision tchèque diffuse, jeudi soir, un nouveau documentaire intitulé « Postavení mimo hru » (Hors jeu). A travers le destin de l’un des derniers joueurs encore en vie aujourd’hui, le film livre un témoignage rare et émouvant sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire du pays.

'Hors jeu'
Ils étaient des héros. Sacrés champions du monde en 1947 et 1949 après avoir battu pour la première fois le Canada, ils avaient été accueillis par une foule innombrable et en liesse à leur retour au pays. Un an plus tard, en mars 1950, les hockeyeurs tchécoslovaques devaient se rendre à Londres défendre leur titre. Mais ils ne sont jamais montés dans l’avion qui devait les y emmener. Le jour même, douze joueurs de l’équipe étaient arrêtés à la sortie d’une brasserie dans le centre de Prague, accusés d’avoir scandé, provoqués par des policiers en civil, des slogans anticommunistes. Après plusieurs semaines de torture, ils étaient condamnés à des peines d’emprisonnement et de travaux forcés, allant de huit mois à quinze ans pour la plus lourde, pour espionnage, trahison et subversion. Parmi les victimes de ces procès truqués figurait Augustin (aussi appelé Gustav) Bubník, un des deux seuls joueurs encore en vie aujourd’hui. Condamné à quatorze ans de réclusion et de travaux forcés, Augustin Bubník raconte son histoire et celle de ses coéquipiers dans un film qui emmène le spectateur dans les cellules de la police communiste, les prisons, les camps de travail ou encore les mines d’uranium de Jáchymov, dans le nord du pays, là où étaient envoyés les prisonniers politiques. Aujourd’hui âgé de 81 ans, Augustin Bubník était très ému, mercredi, lors de la présentation du documentaire aux médias :

Augustin Bubník
« Je suis très heureux que ce film ait vu le jour. Le 13 mars, cela fera 60 ans que le régime communiste nous a arrêtés, et la réalité aujourd’hui est que personne ou presque ne connaît notre histoire. Vous savez, lorsque je suis invité dans les écoles pour témoigner, je dis souvent qu’il est presque dommage que l’un ou plusieurs d’entre nous n’aient pas été condamnés à mort. Si nous avions été pendus, cela aurait au moins fait parler de nous. Mais parce que ça n’a pas été le cas, notre histoire est passée sous silence. Je suis donc heureux que ce dossier soit rouvert. »

Aujourd’hui encore, les raisons qui ont poussé les autorités politiques à persécuter des sportifs, alors héros de la nation, dont certains étaient encore mineurs au moment de leur arrestation, restent mal connues. Certains estiment qu’il s’agissait d’une initiative soviétique, d’autres d’une dénonciation du capitaine de l’équipe, Vladimír Zábrodský, agent de la Stb qui fut le seul à ne pas être inculpé, ou encore de la crainte du parti communiste de voir les joueurs émigrer en masse. Mais cette recherche n’est pas l’objectif du film, comme l’explique son réalisateur Ivan Biel :

'Hors jeu'
« C’est le premier film de fond sur ce thème. Plusieurs portraits des hockeyeurs ont déjà été réalisés, dans lesquels le procès et les condamnations sont évoqués. Mais aucun film sur l’ensemble de cette affaire n’avait encore été réalisé. Il faut dire que ce n’est pas simple. Il y a encore beaucoup de responsables en poste aujourd’hui qui l’étaient déjà avant la révolution en 1989 et qui ne souhaitaient pas qu’un tel film voie le jour. Et puis, pour monsieur Bubník, c’était dur aussi. Sur le plan émotionnel, bien évidemment, par exemple lorsque nous sommes retournés dans les mines d’uranium. J’ai appris beaucoup de choses avec lui, son témoignage m’a ouvert les yeux. »

Ouvrir les yeux du public pour ne pas oublier mais aussi faire découvrir à l’étranger une facette de l’histoire contemporaine de la République tchèque, tel est donc l’objectif de ce film « Hors jeu », également appelé à être projeté dans des festivals à l’étranger.