Hugo Haas, l’homme-cinéma

Photo: Casablanca
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Très populaire dans son pays dans les années1930, le comédien et réalisateur de cinéma Hugo Haas (1901-1968) a réussi à poursuivre sa carrière de cinéaste dans son exil américain pendant la Deuxième Guerre mondiale et dans l’après-guerre. C’est à cette étape américaine de la biographie et de la filmographie de cet artiste aux nombreux talents qu’est consacré le livre de l’historien du cinéma Milan Hain intitulé « Hugo Haas a jeho (americké) filmy » (Hugo Haas et ses films américains).

Un spécialiste de l’humour

Hugo Haas,  photo: Archives de ČRo
Dans les années 1930 le comédien Hugo Haas prononce un discours sur l’humour qui est conservé dans les archives de Český rozhlas (la Radio publique tchèque). Il y dit entre autres :

« Très souvent nous sommes confrontés à l’idée que l’humour n’est qu’une chose superficielle qui est très inférieure à l’art sérieux. Je ne pense pas que cette opinion soit juste. Il est aussi difficile de faire rire les gens que de les faire pleurer. (…) Reproduire l’humour est une science exacte comme les mathématiques. Il suffit par exemple de dire sur scène une blague un peu différemment, de légèrement changer de ton, et tout à coup la blague qui hier encore a déclenché des salves de rire, ne suscite aucune réaction et se noie dans un silence glacial au fond de la salle. Personne ne se rend compte que c’était une blague. L’humour est régi par les lois les plus sévères et les plus ascétiques que vous puissiez imaginer. »

'La maladie blanche',  photo: ČT
Hugo Haas excelle d’abord dans la comédie mais avec le temps il se tourne de plus en plus vers le drame. Fils d’un commerçant de la ville de Brno, il désire d’abord se consacrer à la musique et étudie, comme son frère Pavel, au conservatoire de Brno. Mais son talent pour le théâtre n’échappe pas au compositeur Leoš Janáček, son professeur de phonétique, qui lui conseille de renoncer au chant et de jouer la comédie. Sa carrière est rapide. En 1920, à l’âge de 19 ans, il est déjà engagé au Théâtre national de Brno. Il joue ensuite à Ostrava et à Olomouc et en 1924 il prend un engagement au Théâtre de la comédie à Prague. Une nouvelle vedette est née. A partir de 1930, Hugo Haas fait partie de la troupe du Théâtre national de Prague ce qui est l’engagement rêvé de tous les comédiens tchèques. Bientôt il est sollicité aussi par le cinéma. Il étonne le public par sa versatilité car il est aussi à l’aise dans les rôles de jeunes premiers que dans ceux de petits vieux. Il incarne avec succès des hommes élégants mais aussi des personnages un peu gauches qui font rire le public par leur maladresse. Avant 1938 il jouera dans une trentaine de films tchèques. C’est en 1936 qu’il passe derrière la caméra en tant que réalisateur. Sa réalisation la plus mémorable est sans doute le film basé sur la pièce de théâtre de Karel Čapek « La maladie blanche », qui est un appel ardent contre la guerre. Hugo Haas réalise ce film et y incarne aussi le rôle principal.

L’exil américain

Milan Hain,  photo: ČT
Au début de l’année 1939, Hugo Haas doit quitter le Théâtre national à cause de ses origines juives. Son monde s’effondre mais il réussit à s’évader en avril de la même année avec sa femme d’abord à Paris, puis en Espagne, au Portugal et finalement aux Etats-Unis. Et c’est en Californie que commence la deuxième étape de sa carrière de cinéaste. L’historien du cinéma Milan Hain retrace dans son livre cette deuxième partie de la biographie d’Hugo Haas :

« Mon livre cherche à saisir de façon complexe les activités d’Hugo Haas aux Etats-Unis. Je parle donc de tous les films qu’Hugo Haas y a créés en tant que réalisateur et en tant que producteur. Le livre respecte l’ordre chronologique de ses activités et cherche à donner une image complexe de la carrière professionnelle d’Hugo Haas. »

Photo: Casablanca
Le début des activités d’Hugo Haas à l’étranger n’est pas facile. Bien que le talent de ce comédien et réalisateur soit indéniable, ce refugié de guerre ne parle pas bien anglais et n’est connu que des Américains d’origine tchèque. Pourtant il finira par s’imposer dans l’univers théâtral et cinématographique du Nouveau monde et osera s’attaquer même à Hollywood, la Mecque des cinéastes. Il se souviendra beaucoup plus de tard de cette période difficile de sa vie :

« Je me rappelle la période où je jouais du théâtre à Paris et ne savais pas ce que je disais ou bien quand je me trouvais devant la caméra et ne savais pas ce qui se passait. Et quand je suis arrivé à Broadway, je me suis retrouvé face au public en me disant : ‘Si je perds un seul mot, je serai obligé de partir.’ C’est terrible quand vous ne savez pas quoi faire. C’est terrible pour un comédien. C’est comme si on disait à un pianiste après lui avoir coupé les deux mains: « Joue quelque chose. » Ma foi, sans le langage vous ne pouvez pas être comédien. »

Hugo Haas Productions

Photo: Repro Hugo Haas a jeho  (americké) filmy / Casablanca
Après son arrivée aux Etats-Unis Hugo Haas surmonte quand même la barrière de la langue et joue dans divers théâtres plusieurs petits rôles qui attirent sur lui l’attention de la critique et de réalisateurs de cinéma. Il s’installe ensuite à Hollywood et se produit entre 1943 et1950 dans une vingtaine de films où il campe surtout les rôles d’étrangers. En 1950, il va jusqu’à créer la société Hugo Haas Productions pour laquelle il réalisera une douzaine de films. Il devient ce que nous pourrions appeler « homme-cinéma » car il est capable de faire plusieurs métiers à la fois. Il assume non seulement la production de ces films mais il signe également les scénarios de la plupart de ces réalisations dans lesquelles il campe aussi toute une série de rôles. Son plus grand succès est son adaptation pour l’écran du roman « Le gardien numéro 47 » de Josef Kopta. La majorité des films de Hugo Haas de cette période sont aujourd’hui oubliés mais ses riches activités ont laissé des traces dans les archives des Etats-Unis. Milan Hain s’est lancé à leur recherche :

Photo: Repro Hugo Haas a jeho  (americké) filmy / Casablanca
« J’ai fait les premières recherches dans les archives de Californie aux Etats-Unis où se trouve la majorité des documents sur cette partie de la carrière d’Hugo Haas. Outre la Californie certains documents se trouvent encore dans les archives d’autres parties des Etats-Unis comme l’Iowa ou le Wisconsin. Et puis évidement j’ai poursuivi mes recherches dans les archives tchèques à Prague mais aussi dans celles de Berlin où est conservée une partie de la correspondance d’Hugo Haas. Certains documents se trouvent également en Autriche. Mais la plus grande partie des documents sur cette étape de l’existence d’Hugo Haas se trouve aux Etats-Unis. »

Photo: Repro Hugo Haas a jeho  (americké) filmy / Casablanca
Vers la fin des années 1950, la société Hugo Haas Productions connaît des difficultés et son chef met fin à ses activités. Il quitte Hollywood et se rapproche successivement de l’Europe. Après s’être installé tout d’abord pour quelque temps à New York, il décide de regagner le vieux continent. Il se rend d’abord en Italie et puis il finit par s’établir en Autriche où il vivra jusqu’à la fin de sa vie en1968. Milan Hain remarque que même pendant cette dernière période Hugo Haas n’est pas resté inactif :

Photo: Repro Hugo Haas a jeho  (americké) filmy / Casablanca
« Il a poursuivi sa carrière de cinéaste encore après avoir retourné en Europe. Il a travaillé à la télévision autrichienne pour laquelle il a réalisé trois téléfilms. Mais si nous revenons en arrière dans le temps, il faut rappeler qu’avant de partir aux Etats-Unis, Hugo Haas a travaillé pendant quelque temps en France, à Paris, où il a participé, en tant qu’acteur, à plusieurs productions. »

Tandis que les films tchèques d’Hugo Haas sont toujours populaires et passent souvent à la télévision, sa création américaine est pratiquement oubliée. Le livre de Milan Hain ajoute donc une nouvelle dimension à notre connaissance de cet artiste doué de nombreux dons qui a constaté vers la fin de sa vie :

« J’ai l’impression que malgré toutes les difficultés et toutes les épreuves ma vie a été merveilleusement riche et variée. »