Il y a 20 ans, le dernier président communiste Gustáv Husák démissionnait
Deux moments importants sont à retenir dans la suite des événements survenus il y a vingt ans, entre le 17 novembre 1989 et le 29 décembre, jour de l’élection de Václav Havel président de la République. Il y a tout juste vingt ans, le 10 décembre 1989, le dernier président communiste Gustáv Husák, surnommé « le normalisateur tacite » ou « le président de l’oubli », a donné sa démission sous le poids des événements appelés la révolution de Velours. Aussi douce soit-elle, cette révolution a toutefois exigé un effort immense et une vigilance maximale de la part de la principale plate-forme d’opposition, le Forum civique, face aux tentatives et à la tactique du premier ministre communiste d’alors, Ladislav Adamec, de se maintenir au pouvoir en tant que président de la République.
Lorsque le 10 décembre 1989, un nouveau gouvernement d’entente nationale, le premier avec participation minoritaire des communistes depuis le coup d’Etat de 1948, est nommé, c’est déjà convenu : ce futur gouvernement sera dirigé par un communiste de nationalité slovaque, Marian Čalfa, tandis qu’un citoyen tchèque, non communiste, sera placé à la tête de l’Etat. Ce ne sera personne d’autre que Václav Havel. Mais les communistes chercheront à y faire obstacle jusqu’au dernier moment. Les enregistrements authentiques de ces journées-là sont ceux du secrétaire de Václav Havel, Vladimír Hanzel, qui les a mis à la libre disposition des médias… Grâce à lui, nous pouvons écouter la réaction excitée de Ladislav Adamec à l’annonce du Forum civique de nommer un gouvernement avec trois ministres non communistes : le journaliste Jiří Dienstbier, l’économiste Václav Klaus et l’ouvrier Petr Miller :
« Dienstbier est tchèque, Klaus est tchèque, Miller est tchèque, et où sont vos candidats slovaques ? »
Résolument opposé au projet du Forum civique de nommer un tout autre gouvernement que celui qu’il avait proposé, Ladislav Adamec annonce son intention de démissionner. Cela risquerait de créer un suspens dans les négociations, car il est en ce moment le seul dirigent communiste prêt à s’asseoir à la table avec l’opposition. Or, à partir de ce moment, ce sera de sa part un jeu de tactique pour le poste de président de la République, comme l’explique Jiří Suk, historien de l’Institut d’histoire moderne de l’Académie des sciences :
« Adamec était fermement décidé à quitter le cabinet fédéral et à essayer d’obtenir le poste de président de la République. Cette démission a été un nouveau pas dans sa stratégie politique. »
Conscient de ce jeu, le Forum civique est décidé à ne plus accepter les conditions de Ladislav Adamec et à chercher ses propres candidats. Peu à peu, le candidat à la présidence de la République commence à se concrétiser, après une rencontre, le 6 décembre, avec l’opposition slovaque « Veřejnost proti násilí » - « L’opinion publique contre la violence », qui après avoir proposé Milan Kňažko et Alexander Dubček, finit par soutenir Václav Havel. Ce dernier ne se sentait toutefois pas prêt à l’assumer :
« Si une telle conception est la seule possible, si elle peut servir à empêcher le chaos ou une guerre civile, il est naturellement de mon devoir de l’accepter, mais il ne me semble pas que ce soit le cas dans la situation actuelle… »
Le poste de président est alors toujours occupé par Gustáv Husák, arrivé dans ses fonctions en 1975 en tant que premier homme de Moscou et défenseur fidèle de la ligne dure de Brejnev. Il est mort deux ans après avoir donné sa démission. Jiří Suk:« Le Forum civique insistait pour que le président de la République Gustáv Husák démissionne le 10 décembre, sinon il était prêt à organiser une grève générale, car telle était la première revendication du mouvement civique. »
Ladislav Adamec ne dépose toujours pas les armes. Le 7 décembre, il se rend au Château de Prague remettre sa démission au président Gustáv Husák et lui recommande de charger le vice-premier ministre communiste Marián Čalfa de la composition du nouveau cabinet. Ladislav Adamec attendait de Marián Čalfa qu’il reste fidèle à la cause communiste. Le Forum civique, qui ne connaissait pas Čalfa, a réagi par une nouvelle déclaration rédigée par Václav Havel :
« La première phrase est que M. Čalfa n’a pas la confiance du Forum civique et des autres initiatives civiques. Le Forum civique ne le considère pas comme un politicien souple et assez fort pour pouvoir diriger le gouvernement dans une situation aussi difficile. »La situation devient confuse et menace de désunion. Les négociations à la table ronde, le 8 décembre, finiront par une entente de toutes les parties présentes sur la nomination d’un premier ministre communiste et d’un chef d’Etat non communiste. Or, l’avocat Pavel Rychetský, proposé par le Forum civique au poste de ministre de l’Intérieur, s’est montre méfiant à l’égard des communistes :
« Il me semble que cela marche trop facilement, ce qui est suspect, et je crains que cela soit de leur part une nouvelle tentative pour nous tromper. »
Les craintes de Pavel Rychetský se sont avérées fondées. Les communistes ont voulu conduire au Château de Prague leur candidat Ladislav Adamec, et pour le faire, ils ont décidé de contourner les accords politiques trouvés la veille et proposé que le futur président soit élu par un référendum populaire, ce qui aurait retardé l’élection et le cheminement du pays vers ses premières élections démocratiques, observe Jiří Suk :
« Le parti communiste ne voulait à aucun prix de Václav Havel comme président de la République, et il possédait son plan sur qui aurait dû être élu, et de quelle manière, dans ces fonctions. »Le 9 décembre 1989, la première rencontre du Forum civique avec Marián Čalfa a eu lieu. Son déroulement a été très différent des précédentes rencontres avec les communistes. Le plus jeune et le moins compromis des dirigeants communistes, Marián Čalfa a fait preuve de compréhension pour la situation nouvelle et c’est grâce à lui que l’Assemblée fédérale toujours composée de députés communistes a élu à l'unanimité Václav Havel président de la République.