Il y a 200 ans, Napoléon était battu à Chlumec

La bataille de Chlumec

Dans cette page d'histoire il sera question d'une bataille plutôt négligée dans notre histoire, bien que les Tchèques y aient été du côté des vainqueurs : Il y a de cela tout juste 200 ans, les 29 et 30 août 1813, les forces coalisées d'Autriche, de Prusse et de Russie ont battu l'armée de Napoléon près de Kulm, actuellement Chlumec situé non loin d'Ústi nad Labem, à mi chemin entre Prague et Dresde.

La bataille de Chlumec
La bataille de Kulm – Chlumec qui a eu lieu les 29-30 août 1813, pendant la sixième coalition anti-française contre Napoléon, est considérée comme un prélude de la bataille de Leipzig aussi appelée bataille des Nations, lors de laquelle Napoléon est défait, en octobre 1813. Déjà, la victoire russe sur l'armée française en automne 1812 marque un coup d'arrêt sévère aux ambitions de domination européenne de Napoléon. Il n'empêche que l'année suivante, Napoléon lève une armée pour disputer le contrôle de l'Allemagne lors d'une campagne encore plus grande. Les 26-27 août 1813, l'armée austro-russe est battue à Dresde et effectue sa retraite vers la Bohême. L'Empereur envoie alors dans la région 30.000 hommes sous le commandement du général Vandamme. L'enjeu est de taille: une nouvelle victoire française couperait la retraite des armées coalisées et ouvrirait la voie vers Prague.

Mais à Kulm, actuellement Chlumec, à 8 km d'Ústí nad Labem, Vandamme se heurte à l’armée d'Ostermann-Tolstoï, l'un des commandants dans la bataille de la Moskowa. Suite à cette plus sanglante confrontation de la campagne en Russie menée par Napoléon, une nouvelle coalition anti-française commence à se former, raconte l'historien Jiří Rak :

Le monument de la bataille de Chlumec
« Si la Russie et la Prusse sont toujours en état de guerre avec Napoléon après l'échec de la campagne en Russie, l'Autriche joue le rôle du médiateur. Des négociations sur la formation de la sixième coalition anti-française sont menées dans plusieurs châteaux de Bohême orientale. Ainsi, Brandýs nad Labem accueille la rencontre de trois empereurs : François Ier de Habsbourg, Alexandre Ier et le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III. Le congrès de paix qui devait se réunir à Prague n'aura finalement pas lieu, faute d'absence d'envoyés plénipotentiaires français. L'Autriche finit par se ranger du côté de la coalition anti-française. Une armée est mobilisée en Bohême sous les ordres du maréchal Schwarzenberg. Suite à l'échec des négociations du chancelier Metternich avec Napoléon à Dresde, les troupes coalisées livrent une bataille près de Dresde où elles sont battues. Napoléon envoie dans la région une armée de Vandamme qui poursuit ces troupes en retraite, mais Vandamme est défait. La bataille de Chlumec met fin aux plans de Napoléon d'occupation de Prague et de domination de la Bohême. »

Le général Vandamme
La bataille de Chlumec a opposé 32 000 hommes commandés par le général Vandamme aux 54 000 hommes des forces coalisées d'Autriche, de Prusse et de Russie, sous les ordres du général Barclay de Tolly. Son déroulement nous est décrit par l'historien Zdeněk Munzar de l'Institut d'histoire militaire :

Le général Barclay de Tolly
« Le 29 août, les unités russes au nombre de 20 000 hommes affrontent la supériorité du premier corps de Vandamme, avec 32 000 hommes et 84 canons. Vandamme ne doute pas d'un avancement rapide vers Prague, mais la situation change, dans la nuit du 29 au 30 août. Les commandants coalisés dont Colloredo-Mansfeld, réussissent à concentrer des renforts. Ainsi, au moment où Vandamme pense l'emporter, débouchent sur ses arrières les 10 000 soldats prussiens du commandant Kleist von Nollendorf. Poussé à rester sur la défensive, Vandamme tente de sauver son armée, en attendant l'envoi de la garde du général Mortier ainsi que d'autres corps français. »

Or Napoléon n'envoie pas de renforts à Chlumec. Des historiens ne peuvent que spéculer sur les raisons d'une telle décision : fatigue des soldats suite à la bataille victorieuse de Dresde livrée deux jours auparavant, sous-estimation des difficultés du terrain dans les monts Métallifères. La défaveur du temps et la couleur des uniformes ont aussi joué un rôle. En effet, les uniformes de couleur bleue de Prusse des soldats prussiens ont trompé Vandamme qui les prenait pour des Français. Battu à Chlumec, Napoléon a encore tenté à deux reprises de pénétrer dans la cuvette de la Bohême, observe l'historien Munzar :

Nakléřov
« La première qui remonte au 9 septembre 1813 s'est terminée sans grands affrontements. Lors de la seconde tentative qui s'est déroulée le 17 septembre aux environs immédiats de la ville d'Ústí, près du col de Nakléřov - Nollendorf, les troupes françaises ont été arrêtées. Cet accrochage est resté longtemps dans l'ombre de la bataille de Chlumec, bien que par son importance, il soit comparable à celle-ci. Cette importance est d'autant plus grande que dans ce combat, l'armée française a été commandée par l'empereur Napoléon en personne et ce dernier y a été battu. »

Photo: Eva Berrová,  CC BY-SA 3.0 Unported
Une croix érigée près du col de Nakléřov marque l'endroit où se trouvait une église dont la tour a servi à Napoléon de poste d'observation, en septembre 1813. Cette croix n'est pas l'unique témoin des batailles napoléoniennes en Bohême du nord-ouest. Il y a plus d'une dizaine de monuments commémoratifs élevés sur les lieux de la bataille de Chlumec – Kulm à la mémoire des soldats tombés. Une croix en pierre érigée en 1835 symboliquement sur l'un des champs les plus sanglants, à Přestanov, marque la plus grande tombe commune qui se trouve sur notre territoire. Plus de 10 000 soldats y reposent. L'historien Zdeněk Munzar revient sur les pertes qui étaient élevées dans les deux camps :

Le monument à Přestanov
« Les pertes totales du côté des armées coalisées sont évaluées à plus de 10 000 hommes parmi lesquelles les Russes ont été les plus nombreux. Du côté de l'armée française, le dénombrement est plus difficile du fait que les commandants de Napoléon avaient tendance à minimiser les pertes. On peut estimer que pour les Français, il y eut jusqu'à 10 000 soldats tués ou blessés, et entre 7000 et 13 000 capturés y compris Vandamme. C'est dire que les pertes françaises ont représenté la destruction de plus de la moitié des effectifs et ont été deux fois supérieures à celles des armées coalisées. La bataille a fait des victimes également parmi les commandants : Vandamme est fait prisonnier, le général russe Ostermann-Tolstoï grièvement blessé et amputé de sa main gauche. »

Le monument du général Vandamme près de Žandov,  photo: Site officiel de Mesta.obce
Un monument érigé près de Žandov rend hommage au général d'Empire, Dominique René Vandamme, capturé le 30 août 1813 par des cosaques russes après la défaite de Chlumec. Par une escorte spéciale, Vandamme est emmené à Prague, puis transféré à Moscou. En 1814, à la signature de la paix, il est de retour en France et continue à combattre au service de Napoléon.

La victoire des armées coalisées sur Napoléon dans la bataille de Chlumec, le 30 août 1813, a été perçue par la population d'Autriche-Hongrie comme une victoire autrichienne et plus encore tchèque, observe l'historien Jiří Rak :

« A l'époque, la victoire sur Napoléon a été célébrée en tant que triomphe autrichien et plus particulièrement tchèque. Des articles parus dans la presse ont écrit qu'avant sa campagne de Leipzig, Napoléon avait été pour la première fois arrêté par des versants et des cols tchèques. Les plus grands hommages ont été rendus au maréchal Schwarzenberg, commandant des soldats tchèques à Chlumec, et au chef d'état-major, le général Radecky. Le revers de cette victoire : des soldats blessés ont envahi Prague, et le tsar russe a remercié personnellement, par une lettre, pour les soins apportés aux officiers russes. Evoquant la bataille d'Austerlitz livrée en 1805, sur le territoire de la Moravie, la presse d'alors a écrit qu'à Chlumec, Napoléon avait tenté pour la première fois dans l'histoire de traverser la frontière de la Bohême, et il avait été battu. »

La bataille de Chlumec
Deux cents ans plus tard, les documents clés sur la bataille de Chlumec font défaut. Rien n'a été préservé des archives de Vandamme, y compris les ordres et les dépêches de Napoléon. Selon Zdeněk Munzar, certains historiens français sont d'avis que les archives ont été anéanties par Napoléon lui-même car elles révélaient qu'il avait sous-estimé les difficultés qui attendaient son armée. La bataille de Chlumec – Kulm n'est même pas mentionnée dans ses mémoires rédigées à l'île de Sainte-Hélène.

Le bicentenaire de cette bataille est l'occasion de se remémorer l'événement. Une reconstitution grandiose qui a commencé ce lundi dans la ville de Slaný culminera le 30 août, jour anniversaire de la bataille, dans la ville d'Ústí nad Labem. Un nombre record de 800 figurants en costumes historiques, 40 chevaux et 25 canons y prennent part.

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