Il y a 30 ans, 66 Tchécoslovaques pris en otages en Angola
Il y a trente ans de cela, le 12 mars 1983, soixante-six Tchécoslovaques étaient enlevés dans l'ouest de l'Angola par l'UNITA, un groupe armé d’opposition au régime de la capitale Luanda. Pendant leur captivité, les otages ont parcouru plus de 1 300 kilomètres à pied en l’espace de 85 jours. Un an plus tard, en juin 1984, les vingt derniers d’entre eux étaient enfin libérés. Retour sur cette affaire qui avait fait grand bruit dans la Tchécoslovaquie communiste de l’époque.
Nous sommes le 16 mars 1983 lorsque la Radio tchécoslovaque informe ses auditeurs des événements survenus non pas trois jours mais quatre jours plus tôt : la plus importante prise d’otages ayant jamais concerné des ressortissants tchèques et slovaques.
A l’époque, la division bipolaire du monde joue son rôle dans les événements dramatiques qui frappent l’Angola, ancienne colonie portugaise. Peu après la proclamation, en 1975, de l’indépendance de ce pays du sud-ouest de l’Afrique, une guerre civile éclate entre les trois grands mouvements indépendantistes. Le conflit oppose notamment le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), parti unique au pouvoir soutenu par les pays communistes du bloc de l’Est (et donc par la Tchécoslovaquie), et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), force militaire qui bénéficie, elle, de l’aide des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux.Depuis 1977, plusieurs dizaines d’experts tchèques et slovaques vivaient et travaillaient en Angola, non seulement à la papeterie et à l’usine de cellulose, mais aussi dans les domaines de l’énergie et de la santé. Tout se passait relativement bien jusqu’à ce 12 mars 1983 : ce jour-là, des centaines de rebelles de l’UNITA prennent en otages soixante-six Tchécoslovaques, parmi lesquels quatorze épouses d’experts et vingt-et-un enfants.
S’ensuit une longue marche de 1 320 kilomètres à laquelle succombe un homme, puis un transfert en camion dans le sud du pays. Il faudra attendre le 30 juin pour qu’un premier groupe composé des femmes, des enfants et de sept hommes malades (45 personnes au total) soit libéré. Médecin, Eva Hudečková se souvient de cette marche forcée dans le désert angolais :« C’était la saison des pluies. Nous avons tout de suite eu des problèmes pour marcher car nous n’avions pas de bonnes chaussures. Certains avaient même des pantoufles en bois. Nous ne savions pas non plus où on nous emmenait. Nous avions faim. Beaucoup ont souffert de refroidissements puis de diarrhées. »
Les vingt hommes restants ne seront autorisés à quitter l’Angola et retrouver leur pays qu’un an plus tard, en juin 1984. Curieusement, UNITA ne revendiquait pourtant que très peu, à savoir la reconnaissance politique de son combat contre le régime ; plus concrètement un article dans le Rudé Právo, le journal officiel du parti communiste tchécoslovaque, sur les négociations entre les rebelles angolais et Prague et la présence du ministre tchécoslovaque des Affaires étrangères lors de l’éventuelle remise des otages. Finalement, il fallut l’intervention d’un journaliste belge, Jean Wolf, qui mit en contact le gouvernement tchécoslovaque avec les leaders d’UNITA, et l’aide de l’exilé tchèque Jiří Pelikán, représentant du parti socialiste italien député au Parlement européen, pour que les choses aboutissent à une fin heureuse. Ne restait plus alors qu’à écrire les livres et tourner les films sur ce qui reste, aujourd’hui encore, la plus importante prise d’otages dans l’histoire de la Tchécoslovaquie.