En Angola et en Zambie, le chef de la diplomatie tchèque pour proposer « un partenariat égal »
Le chef de la diplomatie tchèque Jan Lipavský (Pirates) s’est envolé ce lundi pour l’Afrique, avec deux étapes prévues en Angola et en Zambie. Cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement des efforts diplomatiques tchèques en direction du continent africain, et alors qu’une délégation de six chefs d’Etats africains doit se rendre à Kyiv et Moscou pour promouvoir une médiation de paix.
Avec l’Indo-Pacifique, l’Afrique fait partie des régions du monde désignées comme prioritaires par la diplomatie tchèque : fin septembre 2022, deux stratégies allant dans ce sens ont été approuvées par le gouvernement tchèque sur proposition du ministre Jan Lipavský. C’est dans cette optique donc que le chef de la diplomatie tchèque se rend cette semaine en Angola et en Zambie, comme il l’a expliqué au micro de Radio Prague Int. :
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« Ces deux pays sont proches géographiquement puisqu’ils sont voisins, donc cela fait sens de coupler cette visite. Nous avons beaucoup de projets économiques et commerciaux dans ces pays, de même que des projets de développement et liés aux droits humains. En Angola, il y a une grande communauté de tchécophones : ce sont des Angolais qui ont autrefois étudié en Tchécoslovaquie. Nous avons donc des liens forts, tant avec l’Angola qu’avec la Zambie. »
En Zambie notamment, l’Agence tchèque pour le développement, qui dépend du ministère des Affaires étrangères, soutient depuis 2018 le développement des petites entreprises et met en œuvre des programmes d’éducation en coopération avec l’ONG Caritas.
Mais l’objet de la visite de Jan Lipavský dans ce pays situé dans le sud du continent est aussi politique : il devrait rencontrer le président zambien Hakainde Hichilema mercredi et être ainsi le dernier homme politique occidental avec lequel un des six dirigeants africains s’entretiendra avant leur départ pour la Russie et l’Ukraine dans le cadre d’une initiative visant à trouver une solution de paix. Car les effets et conséquences de la guerre en Ukraine affectent particulièrement le continent africain dont on se souvient que près de la moitié des pays ont choisi l’abstention ou la politique de la chaise vide, lors du vote à l’ONU dénonçant l’invasion russe de l'Ukraine en mars et octobre 2022.
Ces pays sont donc d’autant plus courtisés aujourd’hui avec d’un côté des offensives diplomatiques renforcées côté occidental, mais de l’autre aussi la Russie omniprésente depuis un certain temps, comme la Chine d’ailleurs, et qui, comme le rappelle la diplomatie tchèque cible le continent africain via des actions hybrides et des campagnes de désinformation. Dans ce contexte, que peut apporter la Tchéquie, et plus globalement l’Union européenne, face au rouleau compresseur de Moscou qui entend maîtriser et appuyer le narratif anti-occidental ?
« Ce que nous proposons, c’est un partenariat à égalité. Voilà le message. Nous ne venons pas seulement avec une contre-proposition, nous venons faire de meilleures propositions aux pays africains. Nous respectons ces pays, leurs populations, leur souveraineté : c’est notre approche et je suis persuadé que les pays européens, dont la Tchéquie, ont de bonnes choses à proposer en termes d’aide médicale, de développement commercial ou de protection de la nature. »
Alors que la guerre en Ukraine a souligné voire renforcé les différences de perception avec l’Occident, le ministre tchèque des Affaires étrangères a affiché sa compréhension pour la volonté de neutralité, voire de non-alignement de nombreux pays africains, estimant qu’il n’était pas trop tard pour les pays d’occidentaux de faire valoir l’intérêt d’une coopération :
« Clairement, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a été un coup de semonce pour nous. Mais il n’est jamais trop tard. Nous n’avons jamais vraiment quitté l’Afrique, mais nous devons lui porter une attention accrue. »
Après avoir été engagée militairement dix ans au Sahel, dans le cadre de la force Takuba jusqu’à son retrait du Mali en février 2022, après s’être retirée de la mission EUTM à la fin de l’année dernière et avoir fermé son ambassade à Bamako, la Tchéquie a choisi de réorienter son engagement en Afrique, espérant profiter de l’absence de passé colonial pour faire valoir son point de vue : « Je ne suis pas venu en Afrique pour imposer mes vues à nos partenaires. En tant que ministre des Affaires étrangères d’un pays qui a vécu pendant des décennies sous la domination du Kremlin et qui a été occupé militairement par la Russie, je propose notre point de vue et souhaite partager notre expérience de l’impérialisme et du néocolonialisme russes, » a souligné le chef de la diplomatie tchèque avant son départ ce lundi. Un discours visant à contrer l’influence russe, mais surtout accompagné de propositions visant à transmettre un savoir-faire, la Tchéquie proposant ainsi de renforcer la coopération en matière de sécurité, de lutte contre le terrorisme, les menaces hybrides et la désinformation, en matière de cybersécurité ou encore de renforcer les capacités des systèmes de santé, d’aider au développement de la société civile et du respect des droits de l’Homme.