Ivan Stable, des éditions ‘Mot’ : « Le niveau qualitatif de l’édition de la bande dessinée en République tchèque est assez élevé »

inseminator.jpg

‘Mot’ est une petite maison d’édition fondée en 2000 et spécialisée dans l’édition de bandes dessinées. Malgré les difficultés liées à la gestion d’une petite structure éditoriale, ‘Mot’ a persévéré pour promouvoir la bande dessinée destinée aux adultes. Ivan Stable, le patron de ‘Mot’, revient sur ces dix ans de BD en République tchèque.

« Il y a beaucoup plus de bandes dessinées qui sont publiées aujourd’hui que quand nous avons commencé. Je dirais même que le niveau qualitatif de l’édition de la bande dessinée ici est assez élevé, même par rapport à la France. En France, ou même dans n’importe quel pays où il y a une forte production locale, il faut admettre qu’il y a 95 % de la bande dessinée qui est destinée à un public qui n’est pas très exigeant. Ici, la chance pour les lecteurs, c’est qu’il s’agit essentiellement de traductions. C’est donc une sorte de ‘best of’ de ce qui se fait en France, aux Etats-Unis ou dans d’autres pays européens. On n’a pas encore beaucoup de bandes dessinées asiatiques, jusqu’à présent, sauf quelques exceptions. Mais on a quand même de très bonnes choses qui sont proposées aux lecteurs. »

Qu’est-ce que vous proposez à vos lecteurs de bandes dessinées?

« On a été un peu catalogués éditeur de bandes dessinées françaises, de part mes origines, et le fait est que les premiers auteurs que nous avons publiés étaient français. Mais pas uniquement. Maintenant, on élargit, et on est un éditeur européen. On a publié des auteurs suisses, suédois, norvégiens, slovaques, et tchèques. On a essayé aussi de participer à l’éclosion d’une nouvelle bande dessinée tchèque. »

Comment se présente cette nouvelle bande dessinée tchèque ? Pouvez-vous nous présenter quelques auteurs tchèques qui deviennent importants ?

Jiří Grus
« C’est assez difficile parce qu’il y a encore peu d’auteurs qui sont véritablement publiés. Beaucoup ont déjà publié dans des magazines, fanzines, beaucoup ont été exposés, mais franchir le pas de la publication en livre, c’est encore un peu délicat. Il n’y a pas tant d’auteurs que ça qui l’ont franchi, et franchi avec succès. L’auteur le plus connu aujourd’hui et qui a le plus grand succès, tout à fait mérité, est Jiří Grus. On a pu le voir dans la presse. Il publie lui-même ses propres livres. C’est quelqu’un qui a un véritable talent, aussi bien de dessinateur que d’auteur. Je pense que c’est un auteur complet, et c’est quelqu’un que je verrais très bien publié en France. Il y aurait tout à fait sa place. »

Dans tout ce qui est graphique, dessin, on voit souvent, ou on a l’impression de reconnaître une signature tchèque. Je pense à des personnages issus des contes qui sont chers à la culture tchèque, souvent un peu bizarres. Est-ce que vous voyez une sorte de griffe tchèque ?

« Il est vrai qu’il y a une tradition graphique et de l’illustration tchèque qui remonte déjà assez loin, mais c’est une erreur à ne pas faire que de penser que c’est parce qu’il existe cette tradition que l’on doit la retrouver dans la bande dessinée. Ce sont des générations complètement différentes et ce n’est pas du tout le même média. Je pense que les gens qui font de la bande dessinée ne sont pas forcément influencés par cette tradition mais plus par Saudek [Kája Saudek, frère du photographe Jan Saudek] et les revues comme Kometa qui ont paru ici dans les années 1980 ou début 1990, ou par la bande dessinée américaine qui est arrivée au milieu des années 1990, puis la BD française qui est arrivée avec nous, début 2000. Je crois que ça dépend aussi beaucoup de la formation artistique qu’ont les auteurs, s’ils viennent des Beaux-arts, d’une école de dessin ou s’ils ont appris tout seul. On a aussi des autodidactes complets qui ont souvent des influences différentes, en provenance de la peinture par exemple. »

Il n’y a pas d’influence avec l’univers imaginaire, avec la culture et la tradition des marionnettes, des films d’animation, de Trnka ou Švankmajer, qui pourraient avoir un lien avec le monde de la BD ?

« Je ne pense pas que cela se retrouve tant que cela. Les auteurs développent en général un style assez différent, selon leurs propres influences. On retrouve chez Gross par exemple une atmosphère un peu littéraire, on va retrouver un peu de Jaroslav Hašek, de Bohumil Hrabal. Chez d’autres auteurs – je pense à Honza Bažant qui a publié une adaptation de ‘Krakatit’ de Karel Čapek en bande dessinée – on retrouve cette ambiance un peu noire des années 1950. Chacun cultive son propre jardin avec ses propres fruits. »

Dans les scénarios, dans les textes, voyez-vous quelles sont les grandes orientations, les grandes lignes, les types d’histoire, de scénarios, de réflexion, qui intéressent les auteurs tchèques ?

« C’était justement le gros problème à nos débuts. On avait des dessinateurs qui étaient assez doués. Mais je n’ai jamais vraiment jugé un auteur sur son dessin mais sur son écriture ou sur la construction. C’était le problème ; on avait des auteurs très jeunes qui avaient du mal à construire une histoire. Maintenant, ça va de l’autobiographie au récit fantastique.

On trouve pas mal d’influences littéraires, d’adaptations, officielles, telles quelles ou sous-entendues. S’il y a quelque chose de tchèque que l’on peut retrouver, c’est souvent un univers assez absurde et un humour assez décalé mais assez primordial. Il est assez noir, assez grinçant, mais très présent. »

Publiez-vous également des bandes dessinées ou des livres destinées aux plus jeunes ?

« Ça va être la grande nouveauté pour l’année 2010. ‘Mot’ va commencer à publier de la littérature et des livres pour enfants. »