« Je n’oublie pas qu’en Tchéquie, je suis une invitée, mais je me sens ici comme chez moi »
En avril 2022, Natalia décide de quitter son pays natal, l’Ukraine, pour rejoindre sa fille, Inna, installée en Tchéquie depuis quelques années. La mère et la fille sont originaires de la région de Donetsk, dans le Donbass. Contrôlée depuis huit ans par les séparatistes pro-russes, la zone et ses habitants sont victimes de la proximité géographique avec la frontière.
« Pour nous, la guerre a commencé dès 2014. A l’époque, c’était déjà dangereux donc j’avais quitté ma ville pendant quelque temps pour travailler à Kramatorsk. Puis, il a fallu que je prenne soin de ma mère alors je suis revenue vers Donetsk. Mais, cette fois-ci, après l’invasion russe en 2022, je suis partie pour de bon pour venir en République tchèque. Dans la région où j’habite en Ukraine, il n’y a pas de ligne officielle de train ou de bus. J’ai donc dû voyager seule via une compagnie de bus privée qui a traversé la Pologne et la Slovaquie. Ma fille, Inna, m’attendait en Slovaquie. Nous nous sommes ensuite rendues toutes les deux en Tchéquie. »
Comment s’est déroulée la procédure administrative à votre arrivée en République tchèque ?
« Le processus administratif a été très simple et les personnes qui travaillent dans ces services ont été particulièrement accueillantes, je suis donc reconnaissante. Beaucoup de bénévoles m’ont aidée avec la traduction car je ne parle pas du tout tchèque. C’était rapide et facile car on ne m’a pas demandé de présenter beaucoup de papiers. »
Avez-vous trouvé un travail en Tchéquie ?
« Je travaille actuellement au département administratif du ministère du Travail et des Affaires sociales de la République tchèque. J’ai pu trouver ce travail car la première chose que j’ai faite en arrivant dans le pays, est d’aller dans un centre d’intégration pour les étrangers. Là-bas, beaucoup d’événements sont organisés pour permettre aux réfugiés de mieux comprendre la culture tchèque, ou de rencontrer d’autres Ukrainiens qui ont également quitté leur foyer à cause de la guerre. J’ai rencontré beaucoup de personnes dans mon cas et certaines d’entre elles m’ont aidée à trouver ce poste. »
A-t-il été difficile de s’intégrer dans ce nouveau pays ?
« Je dirais qu’actuellement, je suis en cours d’intégration puisque je suis en train d’apprendre la langue tchèque. J’essaie de suivre le plus de cours possible. J’ai rejoint le programme de réinsertion sociale ‘Perspektiva’ via lequel des bénévoles m’ont aidée à créer un CV et des lettres de motivation. Ils m’ont aussi aidé à payer des cours de comptabilité en tchèque pour que je puisse exercer mon métier ici. Actuellement, je ne travaille pas dans mon domaine, mais j’en ai l’intention. Les cours m’aideront donc, très bientôt, à m’intégrer complètement au sein de la société tchèque, je l’espère. »
Comment trouvez-vous l’accueil des Tchèques depuis votre arrivée ?
« Je suis très reconnaissante de toute l’aide que la République tchèque m’a apportée. Je ne me sens pas comme une réfugiée et je ne me souviens d’aucune situation où quelqu’un a été impoli avec moi, s’est mal comporté, ou a fait preuve de discrimination. Je n’oublie pas qu’ici, je suis une invitée, mais je me sens comme chez moi. »
Vous parlez russe actuellement. Certains Ukrainiens ont décidé de ne plus parler cette langue suite à l’invasion. Qu’en est-il pour vous ?
« Je parle russe car je viens d’une région russophone, mais cela ne veut pas dire que l’ukrainien est une langue étrangère pour moi, c’est également ma langue maternelle. Effectivement, je souhaite moins utiliser le russe. Pour l’instant, j’essaie d’écrire tous mes sms et e-mail en ukrainien afin que la transition se fasse en douceur. »
Avez-vous des proches qui ont décidé de rester en Ukraine ?
« Oui, j’ai de la famille, notamment mes oncles et tantes, qui se trouvent actuellement en territoire occupé par les Russes, dans la ville de Kakhovka. Leurs plus jeunes enfants sont déjà partis mais eux ont décidé de rester. Je suis vraiment inquiète pour eux. Ils passent tout leur temps cachés sous terre pour se protéger des bombardements. C’est une situation angoissante parce qu’ils n’ont pas d’électricité ou de connexion, alors il est difficile de les joindre. De temps en temps, ils ont un peu de connexion Internet de sorte que nous sommes en mesure de passer par Facebook pour s’envoyer des messages, mais je ne peux pas leur parler par téléphone pour le moment. »
Cela fait maintenant un an que l’invasion a débuté. Quel est votre état d’esprit en ce moment ?
« Ma fille et moi sommes focalisées sur la victoire ukrainienne. Nous croyons en notre pays, en notre président. Nous essayons de soutenir ceux qui sont restés sur place de toutes les manières possibles. Bien sûr, nous pourrions retourner chez nous mais nous souhaitons vraiment rentrer en temps de paix, et nous croyons pouvoir le faire dans le futur. »