Jeden Svět – Gardenia, du courage et de la poésie

'Before The Last Curtain Falls', photo: Luc Monsaert / gebruderbeetz filmproduktion

Présenté dans une vingtaine de pays, le spectacle transgenre Gardenia, qui met en scène avec humour et en musique les histoires, les amours et les vies de sept travestis, a été un énorme succès. De cette pièce est également né un film documentaire, « Before The Last Curtain Falls », réalisé par Thomas Wallner et Eva Küpper, qui mêle des images de sa dernière représentation, dans la ville belge de Gand, avec des scènes plus intimistes de la vie quotidienne de ses protagonistes. Le long-métrage était projeté à Prague dans le cadre de la 17e édition du festival international Jeden Svět, en présence de deux des personnages de Gardenia, Danilo Povolo et Richard Dierick, et de la cinéaste Eva Küpper, lesquels ont pris de leur temps pour répondre aux questions de Radio Prague.

'Before The Last Curtain Falls',  photo: Luc Monsaert / gebruderbeetz filmproduktion
Danilo Povolo : « Comment le projet est né ? Sur une idée de Vanessa Van Durme. Elle avait vu un documentaire sur un ancien cabaret de travestis à Barcelone, qui s’appelait « La Bohemia ». Elle a eu une idée, elle a essayé de réunir des connaissances pour avoir des personnes plus ou moins âgées et c’est ainsi qu’est né le projet Gardenia. »

Eva Küpper : « Cela a pris presque dix ans, je crois avec Alain Platel et Frank Van Laecke, les chorégraphes… »

DP : « Ils avaient l’habitude de travailler avec des jeunes danseurs et ils n’avaient jamais travaillé avec des personnes âgées. ‘On va essayer’ et Vanessa a téléphoné à ses connaissances. On s’est réunis, sans casting, et nous avons commencé les répétitions et cela a marché. »

Qu’avez-vous pensez de ce projet quand on vous l’a proposé ?

DP : « J’avais déjà eu des commentaires d’un copain qui s’occupe d’un théâtre à Anvers. Je lui ai dit que j’avais une proposition pour faire une pièce de théâtre avec Alain Platel et Frank Van Laecke, une histoire d’anciens travestis. Il m’a dit : ‘Tu ne dois pas réfléchir, fonce ! Vas-y ! Tu ne le regretteras pas et tu vas voir du pays.’ Et les conditions financières étaient très bonnes. J’ai accepté et je ne l’ai pas regretté. Je regrette juste que cela soit terminé ! »

Richard Dierick : « Je connaissais déjà Vanessa Van Durme et elle m’a aussi contacté. Alain Platel est un grand nom et Frank Van Laecke aussi, donc j’ai accepté. La pièce de théâtre a vraiment commencé à partir de rien. On faisait des choses, des improvisations… »

DP : « On faisait des défilés. Je me suis dit : ‘qu’est-ce qui nous fait faire ?!’ Des heures et des heures, ‘faites ceci, faites cela !’ Ils ont sélectionné comme cela… »

EK : « Tout ce que vous avez fait vient de vous, de vos propres vies, de vos gestes. Cela ne vient pas des chorégraphes. Ils vous ont demandé de venir avec des boîtes avec des photos, des souvenirs, qu’il fallait faire parler. C’est comme cela qu’ils ont construit la chorégraphie et l’histoire… »

DP : « Ouvrir notre cœur je pense. »

Comment définiriez-vous la pièce Gardenia ?

'Before The Last Curtain Falls',  photo: Luc Monsaert / gebruderbeetz filmproduktion
RD : « C’est difficile. C’est une pièce de théâtre, de la musique, de la danse. C’est un peu tout, un mélange de tout. Le plus important, c’est qu’Alain, Franck et Vanessa, avec la pièce, ont réussi à rendre les émotions visuelles. Ils ont réussi à visualiser les émotions, et c’est à mon avis le grand succès de notre pièce. »

EK : « C’est beaucoup plus que seulement sur le genre. Il s’agit de l’amour, de vieillir, de comment vivre avec élégance, avec humour… »

DP : « Il s’agit d’espoir. C’est pas parce qu’on est vieux que notre vie finie. La vie continue ! »

Sur la pièce est venue se greffer un film « Before The Last Curtain Falls », à propos de la dernière représentation de Gardenia et sur le quotidien de ses protagonistes. Comment est né ce projet ?

EK : « L’idée est venue d’un producteur d’Arte en Allemagne. Il a contacté un ami Thomas Wallner. Et lui et moi-même avons réalisé le film. La pièce nous a profondément touchés et nous sommes devenus très curieux de savoir qui sont ces personnes derrière ces visages incroyablement beaux. C’était parfait pour un film. On peut intégrer la pièce mais on peut aussi plonger dans les vies, dans l’intimité, des choses qu’on ne voit pas dans la pièce. »

Il y a des passages où la caméra est sur scène avec les acteurs. Comment les avez-vous filmés ?

EK : « Nous avons filmé les dix derniers jours de la tournée, pendant les répétitions et le soir. C’était très dur pour eux parce que nous filmions la pièce avec des caméras sur scène pendant la journée et le soir ils avaient le spectacle. Ils avaient des talons sur scène toute la journée ! »

DP : « Et puis se maquiller, se démaquiller, se remaquiller ! On était là dès dix heures du matin. Et puis se raser, manger et commencer la pièce de théâtre ! C’était dix jours très intensifs. »

C’était la fin de la pièce. Il y avait peut-être aussi une charge émotionnelle…

RD : « C’était beaucoup d’émotions pour nous. Nous avons vécu presque trois ans ensemble et tout à coup cela s’arrête. Mais ce sont des moments inoubliables. »

DP : « Le temps passe énormément vite. J’ai le sentiment qu’on a commencé la pièce Gardenia et que le lendemain c’était le dernier jour. C’est incroyable comme la vie défile. C’est aussi ça le sujet du film. »

Comment se sont déroulés ces trois ans de tournée ?

'Before The Last Curtain Falls',  photo: Luc Monsaert / gebruderbeetz filmproduktion
DP : « Tout s’est bien déroulé. Il y a eu de temps en temps un petit heurt mais vraiment pas grand-chose. »

RD : « C’est normal, on a des caractères différents. Le résultat, c’est que quand il y avait quelque chose de grave, tout le monde était soudé. »

EK : « Cela devient une famille finalement… »

DP : « Mais avec les gens qui ont réalisé le film finalement ! C’est eux qui nous ont fait ouvrir notre cœur comme cela, sans pudeur. Moi, je n’aurais jamais osé parler de certaines choses et avec eux on se sentait à l’aise. Je n’aurais jamais parlé de mon travail dans la prostitution avant, à personne. Mais voilà, c’était ma vie, je l’ai racontée. »

Le film a été montré un peu partout. Comment ont réagi les spectateurs ? Quelles questions posaient-ils le plus souvent ?

EK : « Quand est-ce que revient la pièce ?! » (rires)

DP : « Je suis allé à Toronto pour la première mondiale, les réactions étaient toutes positives. Ils avaient tous bien aimé et les questions n’étaient pas négatives. Je crois qu’il y a un miroir et que les gens se voient un peu. »

EK : « Les gens voient aussi comment vous êtes courageux et cela en inspire beaucoup. »