Jiří Pernes : « le scientifique doit l’emporter sur le politique »

Jiří Pernes, photo: CTK

Depuis le 1er avril, l’Institut d’étude des régimes totalitaires, fondé en 2008, possède un nouveau directeur. La nomination de Jiří Pernes à la tête de l’institution chargée d’étudier les chapitres sombres de l’histoire tchèque a suscité la polémique et provoqué certaines réactions négatives, en raison notamment de ses études à l’Université du soir de marxisme-léninisme qu’il a volontairement omis de mentionner dans son parcours professionnel. Plusieurs personnes ont déjà démissionné du conseil scientifique de l’institut.

Jiří Pernes,  photo: CTK
Jiří Pernes est spécialiste de l’histoire des pays tchèques aux XIXe et XXe siècles et de la Tchécoslovaquie d’après 1945. Dans les années 1980, il a été directeur d’un petit musée à Slavkov (Austerlitz), en Moravie. Il considère que, sous le communisme, seules trois alternatives s’offraient à ceux qui voulaient conserver leur poste : adhérer au parti communiste, devenir confident de la police d’Etat et dénoncer ou bien choisir la voie la moins douloureuse, celle de l’adaptation au régime.

Dans un entretien pour Radio Prague, Jiří Pernes donne quelques précisions à ce sujet :

"Toute personne qui voulait tant bien que mal vivre ici sous le communisme, réaliser les acquis de son éducation et travailler, était censée respecter le régime, s’incliner. Il y avait un petit groupe de dissidents chez nous, autour de la Charte 77 notamment. Mais sur près de quinze millions d’habitants, on voit que c’était vraiment un très petit groupe qui était prêt à tout sacrifier et à s’opposer au régime… Les autres, et c’est aussi mon cas, se sont adaptés. Par ailleurs, n’oublions pas que chaque étudiant à l’université devait suivre des cours de marxisme-léninisme. Personne ne pouvait échapper à cette procédure d’enseignement. »

Pour Jiří Pernes, la mission de l’Institut d’étude des régimes totalitaires est d’examiner le passé objectivement, ce qui, selon lui, n’aurait pas été fait sous son prédécesseur, Pavel Žáček. Il entend donc à ce que l’Institut devienne une institution beaucoup plus scientifique que politique, et ce en dépit du fait que les documents que l’Institut réunit soient politiques, voire politiquement explosifs.

« Ces archives donnent des témoignages sur toute la société, sur l’ensemble des gens qui vivent ici, car, sous le communisme, pratiquement toute personne faisait l’objet de l’intérêt de la police d’Etat. Les archives contiennent donc des éléments qui peuvent être compromettants et déplaire à pas mal de gens. »

Concernées peuvent être surtout les personnes qui occupent aujourd’hui de hautes fonctions et des postes importants, ajoute Jiří Pernes. Les informations contenues dans les archives ne sont évidemment pas secrètes et tout un chacun peut y avoir accès.

Ceci dit, l’Institut se refusera de les sortir sur commande d’un parti politique qui voudrait en abuser contre un de ses adversaires. L’aspect scientifique et académique doit donc l’emporter sur l’aspect politique. Voilà la devise sur laquelle insiste Jiří Pernes.