Karel Jaromír Erben, un poète sous les apparences d’un archiviste
Il y a deux siècles naissait dans le village de Miletín, au pied des Monts des Géants, Karel Jaromír Erben. Poète, prosateur, folkloriste et linguiste, Karel Jaromír Erben est un des principaux artisans de la renaissance littéraire tchèque au XIXe siècle. Son bicentenaire nous est rappelé, ces jours-ci, par plusieurs expositions, débats et colloques. Radio Prague a visité l’exposition retraçant la vie et l’oeuvre de cet écrivain inaugurée lundi à la Bibliothèque nationale de Prague.
Bien que les propres oeuvres de Karel Jaromír Erben soient relativement peu nombreuses, l’ampleur des activités de cet homme à la santé fragile, ayant vécu de 1811 à 1870, est énorme. Attirer l’attention du public sur l’ampleur des activités de l’écrivain a été l’un des objectifs de l’exposition préparée par le Musée de la littérature tchèque et présentée à la Bibliothèque nationale. La commissaire de l’exposition Dorota Lábusová explique :
« Nous voulions évoquer tous les aspects de sa vie et de son œuvre car nous supposions que la majorité des gens se rappelaient encore de ce qu’ils avaient appris à l’école sur sa création littéraire et poétique. Aujourd’hui les gens ne savent pas cependant qu’il a été un collectionneur et un conservateur de littérature folklorique. Il a sauvé une grande quantité de chansons populaires que nous chantons aujourd’hui et que, sans lui, nous ne chanterions probablement plus. »
Et Dorota Lábusová de souligner que Karel Jaromír Erben a également été co-auteur de la terminologie juridique tchèque, mais aussi chercheur, historien, éditeur, collectionneur, linguiste slavisant, ou encore auteur de nombreux articles dans le grand dictionnaire encyclopédique Rieger. Les auteurs de l’exposition ont réuni des documents sur tous les aspects de sa personnalité. Si cet écrivain n’est pas oublié aujourd’hui comme l’a été la majorité de ses contemporains et reste étonnement présent dans la vie culturelle tchèque de nos jours, c’est avant tout grâce à un recueil de poésie. Le recueil est intitulé « Un Bouquet » et s’inspire des contes et légendes. Avec une rare force d’évocation, dans une langue aussi poignante que mélodieuse, le poète magnifie les vieux contes et les transforme en chefs d’oeuvres de poésie. Les grands thèmes de ses poèmes, l’amour et la mort, la faute et l’expiation, les mystères du destin humain, n’ont rien perdu de leur intérêt et de leur actualité. Dorota Lábusová insiste sur le rôle de la langue du peuple dans la gestation de cette poésie :« Il est revenu à la langue du peuple, à la poésie du peuple et c’était son inspiration. Cette inspiration n’a pas été que thématique. L’influence de la chanson populaire est décelable aussi dans son recueil « Un bouquet ». C’est la base de sa création, il a puisé dans le fond. »L’autre facette de l’oeuvre de Karel Jaromír Erben, qui reste vivante deux siècles après sa naissance, sont ses contes. Il a fait pour la littérature tchèque ce que Charles Perrault a fait pour la France ou les frères Grimm pour l’Allemagne. Dorota Lábusová souligne la valeur littéraire de ses contes :
« Les textes de ses célèbres contes sont ses propres oeuvres. Il recherchait les contes et les transcrivait. Dans nos archives il y a une vingtaine de caisses pleines de contes auxquels il a donné forme écrite, qu’il a recueilli lui-même ou grâce à des amis et des membres de sa famille. Il en a créé tout un fichier des sujets différents. En écrivant les contes, il combinait différents sujets. Le résultat de son travail n’est pas donc une oeuvre de folkloriste et de collectionneur dans le sens moderne du mot, il a vraiment créé ces contes. Ce sont des œuvres originales. »
Nous reviendrons sur l’oeuvre de Karel Jaromír Erben, samedi, dans le cadre de la rubrique Rencontre littéraire.