Karel Schwarzenberg, disparition d’un prince tchèque au service de son pays
Ancien ministre des Affaires étrangères, chancelier de Vaclav Havel et candidat présidentiel, le prince Karel Schwarzenberg est mort samedi 11 novembre à Vienne, à l’âge de 85 ans. La Tchéquie perd avec lui une figure marquante de la politique centre-européenne, mais surtout un grand homme attaché à son pays avant et après la révolution de Velours.
Aristocrate cultivé, mais connu aussi pour son franc-parler, son sens de l’humour et de l’autodérision, humaniste, Européen convaincu, défenseur des droits de l’Homme qui a grandement œuvré à la liberté et à la démocratie en Tchéquie, ou encore figure politique qui, presque autant que Václav Havel, a contribué à la renommée de la Tchéquie dans le monde: c’est ainsi que les médias tchèques, ses amis et ses collègues, mais également ses rivaux politiques de jadis se souviennent de Karel Schwarzenberg.
« C’est un grand honneur pour moi d’avoir connu personnellement Karel Schwarzenberg. Sa noblesse, sa sagesse, son humour et sa vision européenne me manqueront », a déclaré, dimanche, le président tchèque Petr Pavel, tout en soulignant qu’en s’engageant en faveur de son pays, Karel Schwarzenberg avait non seulement respecté une tradition familiale, mais aussi et surtout rempli une mission qui était pour lui « tout à fait naturelle ».
Cette mission lui tenait à cœur dès sa jeunesse. Né dans une famille aristocratique parmi les plus importantes et les plus anciennes en Tchéquie, persécutée d’abord par les nazis puis par le régime communiste, Karel Schwarzenberg a quitté la Tchécoslovaquie en 1948, avec ses proches, alors qu’il était âgé de 11 ans. La famille, dont les biens avaient été confisqués, s’est installée à Vienne. Karel, qui a dû apprendre à parler allemand, a étudié le droit et la sylviculture dans les universités autrichiennes et allemandes. Depuis 1965, le prince était chargé de la gestion de toutes les propriétés des Schwarzenberg et, en 1968, il a effectué son premier voyage en Tchécoslovaquie.
Parallèlement à ses activités « de forestier et d’aubergiste », disait-il en plaisantant, Karel Schwarzenberg soutenait, tout au long de son exil, l’opposition anti-communiste en Tchécoslovaquie et aidait les immigrés en difficultés. En 1984, il est devenu président du Comité international d’Helsinki pour les droits de l’Homme et a cofondé un centre chargé de rassembler et diffuser la littérature interdite par le régime communiste.
En 1989, Karel Schwarzenberg est retourné en Tchécoslovaquie qui venait de retrouver la liberté. Plus tard, il s’est souvenu de ces retrouvailles :
« J’ai toujours voulu y retourner. Vous ne pouvez pas savoir comment on est heureux quand on est de nouveau chez soi, après des années d’exil. Pour comprendre ce sentiment, il faut vivre longtemps à l’étranger. »
Karel Schwarzenberg récupère alors non seulement la fortune familiale, mais entre également en politique, devenant chef du bureau présidentiel et l’un des plus proches collaborateurs de son ami Václav Havel. Il continue à s’engager dans la vie publique et culturelle, devenant par exemple le propriétaire de l’hebdomadaire Respekt, avant de devenir sénateur puis ministre des Affaires étrangères au sein de deux cabinet de droite entre 2007 et 2013. Cofondateur du parti conservateur TOP 09, membre de l’actuelle coalition gouvernementale, il devient député en 2013 et exerce son mandat jusqu’à son retrait du monde de la politique en 2021.
Mais avant cela, Karel Schwarzenberg vit un moment important de sa carrière politique : en 2013, il accède au second tour de la première élection présidentielle tchèque au suffrage organisée au suffrage universel direct, où il perd finalement face à Miloš Zeman. Si, pendant la campagne électorale, le futur président a mis en doute « la tchéquité » de son adversaire, Karel Schwarzenberg a toutefois été plébiscité par une partie importante de l’électorat. Dans son édition de ce lundi, le quotidien Lidové noviny évoque ce moment où « un homme politique conservateur et catholique est alors devenu une icône des jeunes libéraux – du jamais vu en Tchéquie ».
En rendant hommage à Karel Schwarzenberg, le journaliste Erik Tabery, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Respekt, a souligné son patriotisme :
« C’était le genre de patriotisme que l’on ne rencontre pas souvent dans l’espace public. Ce n’était pas un patriotisme basé sur des déclarations fortes qui sont souvent dirigées contre quelqu’un, mais un patriotisme qui témoigne d’un attachement fort à son pays, à son histoire et à ses habitants. »
À l’occasion de la fête nationale du 28 octobre, le président Petr Pavel a remis à Karel Schwarzenberg, déjà absent de la cérémonie pour des raisons de santé, la plus haute distinction de l’Etat tchèque, l’Ordre du Lion blanc. Le prince devrait être inhumé, selon ses vœux, en Tchéquie, dans le caveau familial qui se trouve près du château d’Orlík, où il a passé une partie de son enfance.