Knihotoc ou la valse des livres (suite)

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A travers toute la République tchèque, des livres sont « lâchés en liberté » dans des lieux anonymes, incongrus ou dans des points de chute partenaires d'un projet appelé Knihotoc. Une idée de partage de lecture, avec des inconnus, né il y a quelques années aux Etats-Unis, sous le nom de Book Crossing, qui depuis a fait des petits en France, avec Passe-livre, en Italie, en Pologne... Et maintenant en République tchèque, grâce à la traductrice de français, Jovanka Sotolova. Jeter des passerelles, faire découvrir un peu de son monde en transmettant un écrit qui vous a ému, ou simplement l'envie de lire et de faire lire, Knihotoc, le manège des livres tourne maintenant depuis deux ans dans le pays, et le site internet qui centralise les commentaires, les appréciations, toutes les informations liées à ce « happening » littéraire, sert de lien entre les personnes qui ont choisi de jouer à ce jeu pas comme les autres. Suite aujourd'hui de notre rencontre avec Jovanka Sotolova, à l'origine du cousin tchèque du Passe-livre :

« Au début nous avons aidé ce jeu à fonctionner, mais maintenant je dois dire que ça marche tout seul. Il y a un site internet qui participe, les gens peuvent y noter les livres qu'ils lancent. C'est tout ce qu'on fait pour ce jeu. Mais au début, on a même eu le soutien des éditeurs. J'ai demandé à des éditeurs de nous donner quelques livres pour commencer. Ils nous en ont donné des dizaines, peut-être des centaines de livres pour le lancement. Peut-être est-ce même cela qui a aidé. »

J'ai lu qu'on parlait aussi de « rendre leur liberté » aux livres, que c'est une façon de libérer les livres en les mettant dans ce manège. Concrètement, si j'ai envie de libérer un livre, j'en prends un dans ma blibliothèque et après que dois-je faire ?

« Le principe de ce jeu, c'est qu'on peut suivre l'itinéraire de chaque livre. C'est pour cela qu'on utilise internet. Si j'ai un livre et que je veux jouer à Knihotoc, je dois coller une étiquette sur le livre pour faire savoir qu'il s'agit bien de ce jeu, que ce n'est pas un livre volé, un livre juste abandonné, que c'est un livre qui joue à ce jeu. Les étiquettes sont à imprimer à partir du site. Puis, je peux laisser le livre n'importe où, dans un café, une blibliothèque, un parc, et laisser une notice sur le site qui dit où tel livre a été laissé, où les gens peuvent le trouver. »

N'y a-t-il pas un risque parfois que le nombre de livres s'épuise, c'est-à-dire que tout le monde en lance et tout le monde les garde ?

« Oui, les gens gardent les livres. On s'en est rendu compte dès le début. On a donc un peu modifié les règles de Passe-livre et de Bookcrossing. On a donc écrit directement que l'on pouvait garder le livre trouvé et lancer un livre de sa bibliothèque. C'est donc permis de garder les livres. Moi-même je connais bien ça : il y a des livres qu'on ne peut pas juste comme ça abandonner dans la rue...

Est-ce que vous vous souvenez du premier livre que vous avez lancé ? Ou quels sont les livres que vous avez lancés et que vous avez eu envie de faire découvrir à d'autres ?

« Au début, je pensais qu'on allait juste jouer avec de vieux livres. Mais comme des éditeurs ont participé, on a eu une centaine de livres neufs. On a commencé à l'Institut français qui était très ouvert à notre jeu. Ils nous ont permis de commencer le jeu dans leur café, alors on a commencé au centre de Prague, dans la rue Stepanska, à lancer les premières centaines de livres. Mais lesquels c'était, ça je ne sais plus ! »

Qu'est-ce que Knihotoc nous apprend sur la manière de lire des Tchèques, sur ce que lisent les Tchèques ? Quels sont les livres qui sont le plus lus ? Est-ce une question de mode ? Est-ce qu'on retrouve des best-sellers comme le Da Vinci Code ou alors justement pas du tout ?

« C'est difficile à dire. Ca varie beaucoup. Il y a des romans noirs, des livres pour les femmes... puis des livres pour enfants. Nous avons en effet même lancé un petit volet pour les enfants, pour les faire participer, mais ça n'a pas vraiment marché, parce qu'ils ne sont pas beaucoup sur internet. Mais ce qui était intéressant, c'était l'intérêt porté par des bibliothécaires. On a une vingtaine de bibliothèques tchèques qui participent. Quand ils ont des livres qu'ils suppriment des bibliothèques, ils ne veulent pas les jeter à la poubelle, alors ils participent à Knihotoc. Au début, je croyais qu'ils nous prendraient comme une concurrence. J'ai eu peur que les gens aillent voler des livres dans les bibliothèques pour les passer dans Knihotoc, mais ce n'a pas été le cas. »

Est-ce qu'il y a d'autres actions organisées autour de Knihotoc ? J'ai appris que vous vouliez organiser un pique-nique littéraire, sur l'île de Kampa, un pique-nique francophone et pour les francophiles aussi. Pouvez-vous m'en dire un peu plus ?

« Là aussi nous nous sommes inspirés de la France. Mais nous avons trouvé une mauvaise date, donc on s'est dit qu'on allait le refaire à l'automne. On n'a pas fait de publicité et ça n'a pas bien marché. Mais je pense que c'est une très bonne idée. »

Et quel était le principe pour ce pique-nique littéraire ? Apporter des livres ?

« Oui, c'est faire un pique-nique dans un parc de Prague ou dans une autre ville de la Bohême, apporter des livres et les échanger avec des gens qu'on ne connaît pas, faire connaissance. »

Pour ce pique-nique francophone que vous allez faire à l'automne, c'est donc à la fois pour les Français et pour les Tchèques francophones ?

« Oui, on s'est dit qu'on allait commencer comme cela et que si ça marche on pourra continuer avec un pique-nique, disons, mondialisé (rires) ! Avec des livres tchèques pour les Tchèques. »

Alors rendez-vous donc à l'automne pour un pique-nique littéraire, quelque part dans Prague, gardez un oeil sur le www.knihotoc.cz pour savoir quand et où il aura lieu, et venez faire découvrir à quelqu'un votre dernier coup de coeur littéraire.