A Tokyo, une grande exposition pour les 100 ans de la BD tchèque

Illustration de Lucie Lomová, photo: Adam Kebrt, ČRo

« 100 ans de bande dessinée tchèque » est l’intitulé d’une exposition inédite récemment ouverte à Tokyo à la Bibliothèque Yoshihiro Yonezawa. Fruit d’un travail en commun d’historiens de l’art et de spécialistes de la bande dessinée tchèques et japonais, l’exposition a pour ambition de présenter le 9e art tchèque dans toute sa diversité à un public japonais qui voue traditionnellement une grande admiration pour le peintre Alfons Mucha. Comment la BD tchèque est-elle donc présentée et accueillie dans le pays du manga ? Membre de l’équipe organisatrice de l’exposition, Jean-Gaspard Páleníček répond à cette question.

« Pendant quatre mois et à travers quatre installations différentes, nous allons présenter la bande dessinée tchèque de façon très complète au Japon. »

Combien d’auteurs et d’œuvres montrez-vous dans le cadre de cette exposition finalement très vaste puisqu’elle sera complètement renouvelée à plusieurs reprises d’ici fin janvier 2018 ?

« Cela doit faire quelque 200 œuvres présentées. Nous disposons d’originaux pour chacune des quatre installations, même si le gros est bien sûr constitué de livres, de revues et de belles pages tirées d’albums plus ou moins anciens. L’idée est de présenter la BD tchèque dans toute sa diversité. Les Japonais connaissent relativement bien l’illustration tchèque des livres pour enfants et sont sensibles à des auteurs de BD comme Pavel Čech, avec son style proche de Jiří Trnka, ou encore à la création de Renata Fučíková. Mais ce qui importe pour nous, est de montrer tout le reste aussi, tout ce qui est un peu inattendu pour l’amateur japonais de bande dessinée, tout en mettant l’accent sur la création d’aujourd’hui. »

Parmi les auteurs exposés figure Lucie Lomová, dont les albums sont bien connus du public français averti…

« En effet, ses œuvres ont d’abord été publiées en France avant de l’être en République tchèque. C’est une belle réussite pour un auteur de BD tchèque. Avec Pavel Čech, Karel Jerie et Nikkarin, Lucie Lomová fait partie des quatre auteurs dont nous montrons les originaux. »

Illustration de Lucie Lomová,  photo: Adam Kebrt,  ČRo
« Quant aux quatre épisodes de l’exposition, le premier qui a commencé le 29 septembre se concentre sur la création contemporaine, sur le ‘boom’ de la BD auquel nous avons assisté en République tchèque à partir de l’an 2000. Il s’agit notamment de Jiří Grus avec son regard ironique sur la quotidienneté. Nous présentons aussi la production plus commerciale avec des œuvres drôles et originales, parmi lesquelles les variations tchèques des Go-Busters de Dan Černý. Nous mettons l’accent aussi sur la création de Vojtěch Mašek qui, pour moi, est un des auteurs les plus intéressants dans la bande dessinée contemporaine avec son monde ‘surréalisant’ et ses essais de BD documentaire. Les trois épisodes suivants de l’exposition se concentreront sur les origines de la BD tchèque et la période d’entre-deux-guerres avec des auteurs comme Karel Vaclav Klíč, Josef Lada, un focus sur Punťa, un personnage créé par René Klapač, un autre sur Ferda la fourmi d’Ondřej Sekora bien sûr, mais également sur Les flèches rapides de Jaroslav Foglar. La troisième partie de l’exposition évoquera l’époque communiste à travers notamment la création de Kája Saudek et un focus sur le phénomène Čtyřlístek (une BD culte pour enfants, ndlr). Enfin, le dernier épisode de l’exposition sera consacré aux ponts qui existent entre la bande dessinée, le cinéma, le théâtre, les jeux vidéo, etc. »

Vous êtes actuellement à Tokyo. Quelles sont donc les premières réactions du public japonais ?

« Elles sont intéressantes ! En effet, le peintre Alfons Mucha a eu une influence importante sur certains auteurs du manga. Du coup, les visiteurs de l’exposition que j’ai rencontrés m’ont fait part de leur surprise de ne pas retrouver ce style-là dans la création contemporaine tchèque. Une remarque m’a beaucoup amusé : une personne a été frappée par la violence et la représentation grotesque, avec beaucoup d’humour noir, de la violence dans certaines œuvres, par exemple dans celle de Jiří Grus. Cela me surprend beaucoup ! Je ne suis pas un spécialiste du manga, mais je crois que ce que font certains auteurs japonais en matière de représentation de la violence va beaucoup plus loin… J’ai eu une autre réaction intéressante sur les femmes auteurs de BD. Par exemple, à l’observation des œuvres de Toy Box, certains visiteurs m’ont dit qu’ils ne s’attendaient pas à voir une femme créer des œuvres aussi agressives, proches du street art. »

L’exposition « 100 ans de bande dessinée tchèque » est à voir jusqu’au 28 janvier prochain à la Bibliothèque de Manga Yoshihiro Yonezawa de Tokyo. Elle se déplacera ensuite dans d’autres villes japonaises.