La Chambre des députés propose de dédommager les habitants de la Ruthénie subcarpatique
Un litige vieux de 63 ans s’est retrouvé cette semaine à l’ordre du jour à la chambre basse du Parlement : un groupe de députés de touts bords politiques a soumis un projet de loi proposant d’indemniser les anciens citoyens tchécoslovaques qui ont été forcés, après 1945, de quitter la région de la Ruthénie subcarpatique, qui faisait partie depuis 1919 de la Tchécoslovaquie et a été attribuée, après la guerre, à l’URSS.
A la conférence de paix de 1919 à Paris délimitant les nouvelles frontières après l’éclatement de l’Autriche-Hongrie, une partie de l’actuelle Ukraine appelée à l’époque Russie subcarpatique, devenue ensuite Ruthénie, avait été cédée à la Tchécoslovaquie. En termes géographiques, il s’agissait d’un territoire d’environ 20 000 km2 qui fait aujourd’hui partie de l’Ukraine, car, en 1945, la Ruthénie a été incorporée à l’URSS. Selon le chef de la commission des Affaires étrangères, le député social-démocrate Jan Hamáček, la République tchèque devrait payer sa dette :
« A mon avis, la République tchèque a l’obligation de prendre ses responsabilités dans cette affaire. L’ancienne Tchécoslovaquie a obtenu de la part de l’ex-URSS des compensations pour les biens des familles rapatriées, il est donc de son devoir d’indemniser les descendants des personnes concernées.»Selon le projet de loi sur l’indemnisation, les personnes concernées pourraient demander des compensations pour les maisons et le reste des bâtiments agricoles, ainsi que pour les locaux servant à une activité économique dont l’existence physique peut être prouvée à la date du 30 janvier 1946, et pour les terres et forêts. Il est vrai qu’une indemnisation partielle, pour les biens privés et individuels uniquement, a déjà été versée en 1959. Or, sur la somme totale de plusieurs centaines de millions de couronnes reçue de Moscou, Prague n’en a reversé que 13 millions.
Il n’empêche que le ministre des Finances, Miroslav Kalousek, se montre défavorable à une indemnisation, compte tenu des frais budgétaires supplémentaires estimés par le précédent ministre à 10 milliards de couronnes. D’après le député Hamáček, cette somme est exagérée : en réalité, les compensations ne dépasseraient pas un milliard. Et il souligne qu’il ne faut pas trop tarder à indemniser nos anciens concitoyens de Ruthénie pour que le problème ne coûte, à l’avenir, trop cher : en 2006, l’association de la Russie subcarpatique, qui représente les intérêts des anciens habitants de la région, a porté plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme pour obtenir gain de cause, rappelle-t-il:« Cette loi est un moyen de régler une fois pour toutes cette affaire et de ne pas risquer de nouvelles plaintes. Même le médiateur de la République, Otakar Motejl, qui s’est penché sur le sujet, a prévenu qu’il serait bien de régler le problème ici, pour empêcher qu’il ne nous coûte beaucoup plus cher que la somme dont on parle aujourd’hui. »Initié par les députés sociaux-démocrates, le projet de loi est soutenu par des députés de l’ODS, principale formation de la coalition gouvernementale ainsi que par des communistes, et ses chances d’être adopté sont élevées.