La collection de thèses universitaires tchèques inscrite au Registre de la Mémoire du monde
L’UNESCO a récemment inscrit au Registre de la Mémoire du monde une troisième collection de documents historiques se trouvant dans les archives de la République tchèque. Cette fois, il s’agit d’une collection de 526 copies de thèses universitaires datant des XVIIe et XVIIIe siècles. Cette collection de thèses ornées de gravures d’illustres artistes revêt une grande valeur documentaire mais aussi esthétique.
Trois collections de ce genre représentent déjà la République tchèque dans le Registre de la Mémoire du monde. En 2007 y a tout d’abord été inscrite la Collection des manuscrits médiévaux de la Réforme tchèque, collection qui se compose notamment d’ouvrages des prêtres et des prédicateurs laïques majeurs ayant inspiré le mouvement de la Réforme tchèque, processus qui a bouleversé le monde médiéval et a transformé le visage spirituel de l’Europe. On y trouve entre autres les ouvrages de Jan Hus, prêtre, universitaire et réformateur de l’Eglise catholique, condamné au supplice du feu par le Concile de Constance en 1415.
Le deuxième ensemble de documents à figurer dans le registre également depuis 2007 est la collection de périodiques russes, ukrainiens et biélorusses publiés entre 1918 et 1945. Cet ensemble de périodiques, de journaux et de revues est conservé à la Bibliothèque slave appartenant à la Bibliothèque nationale de Prague. Il réunit les documents sur les riches activités des élites russes expatriées après la Grande révolution d’octobre. Dans l’entre-deux-guerres, la Tchécoslovaquie a été un des grands centres de l’émigration russe, et grâce au soutien du gouvernement, elle a aussi été le plus important dépôt d’archives sur les activités intellectuelles de ces émigrés. Enfin, le Comité consultatif international a donc sélectionné la collection de 526 copies de thèses de l’Université Charles de Prague remontant à la période 1637 - 1754. Le directeur de la Bibliothèque nationale, Tomáš Böhm, est très satisfait de cette décision :« Pour la Bibliothèque nationale, c’est évidemment un grand honneur parce qu’il s’agit déjà de la troisième inscription au registre de la Mémoire du monde de l’UNESCO. Et c’est aussi une haute distinction pour la République tchèque et ses monuments littéraires parce qu’il n’est pas habituel que les documents littéraires soient inscrits sur la liste de la Mémoire du monde de l’UNESCO et il est également inhabituel que trois documents littéraires de pays de la taille de la République tchèque figurent sur la liste de l’UNESCO. C’est donc évidemment une haute distinction pour la République tchèque. »
C’est l’ancien doyen de la Faculté des lettres, Matěj Erlich, qui a réuni cette collection unique de thèses universitaires pour la léguer, en 1810, à l’Université Charles. Grâce à un heureux concours de circonstances, la collection a été conservée à l’endroit où elle a été créée, c’est-à-dire au Klementinum, ancien collège des Jésuites. Les thèses de la collection reflètent les disputations et les débats universitaires et ont également une riche composante visuelle. Conservatrice du département des archives historiques de la Bibliothèque nationale, Miroslava Hejnová présente les gravures ornant ces thèses :« Les sujets de ces gravures sont variés. Il s’agit par exemple d’apologies de saints patrons, mais il y a aussi des vues de villes, ou bien des portraits de personnalités importantes, d’empereurs, etc. »
Parmi les auteurs des gravures figurent quelques-uns des plus grands artistes pragois de l’époque dont les célèbres peintres Karel Škréta et Petr Brandl. Les dimensions des thèses sont considérables. Elles mesurent en général 1 mètre sur 50 centimètres, mais certaines sont encore plus grandes. Miroslava Hejnová ajoute une explication à leur origine :« Après la disputation, c’est-à-dire après la soutenance de la thèse par l’étudiant à l’université, ces gravures servaient de certificats commémoratifs. »
Toutes les thèses sont imprimées en noir et blanc sur du papier main. Le texte imprimé est une source importante d’informations sur les études philosophiques et les cérémonies officielles dans les universités aux XVIIe et XVIIIe siècles. Selon les documents de l’UNESCO, la collection « illustre de manière unique le phénomène de la culture baroque dans l’environnement universitaire européen et fournit des documents comparativement irremplaçables par rapport aux universités ou autre types d’établissements scolaires en Europe, dont les collections n’ont malheureusement pas été aussi bien conservées. »Le succès international de la collection a été précédé de la décision prise en 2010 par le ministère de la Culture de donner à cet ensemble de documents baroques le statut de monument classé. Le directeur de la Bibliothèque nationale, Tomáš Böhm, espère cependant que ce statut ne constituera pas une barrière insurmontable entre la collection et le public, et que le plaisir de voir les thèses originales ne sera pas réservé qu’aux spécialistes :
« Nous serions navrés si le fait de les inscrire au registre de la Mémoire du monde rendait ces documents inaccessibles aux gens. Ce serait contraire à nos intentions car nous voulons ouvrir notre bibliothèque et nos monuments aux lecteurs. »Heureusement, de nouveaux précédés techniques rendent aujourd’hui accessibles au public même les documents les plus précieux et les plus protégés. Dès 2010, les thèses de la collection ont été numérisées et mises à la disposition de tous les intéressés dans le Manuscriptorium - les Archives numériques de la Bibliothèque nationale.