La Cour constitutionnelle donne raison à un ressortissant camerounais malmené par la police tchèque

Photo illustrative: Jitka Cibulová Vokatá, ČRo

Alors que la République tchèque est fréquemment montrée du doigt par des ONG et des institutions internationales pour son traitement des réfugiés, la Cour constitutionnelle tchèque vient de donner raison à un ressortissant camerounais qui estimait avoir été victime d’un traitement humiliant lors de son expulsion du pays par la police tchèque.

Le centre de rétention de Bělá-Jezová,  photo: ČT24
C’est une histoire qui met en lumière la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreux ressortissants étrangers ou réfugiés en République tchèque. L’histoire d’un Camerounais vivant dans le pays depuis 2010, qui, en janvier 2014, est enjoint par la police tchèque à quitter le territoire sous 30 jours. L’homme fait appel de la décision, en vain. Et lorsqu’il se présente en mai, de son plein gré, à un poste de police, pour tenter une nouvelle fois de régulariser son séjour, il est envoyé au centre de rétention de Bělá-Jezová. En juin, la police lui réserve une place dans un avion pour le Cameroun, et face à son refus de quitter le centre, il est emmené de force à l’aéroport.

Après avoir vu sa plainte pour mauvais traitement refusée par l’Inspection des affaires internes de la police, le ressortissant camerounais s’est tourné vers la Cour constitutionnelle tchèque, qui a jugé sa plainte légitime. Pour Kateřina Šimáčková, juge de cette instance juridique tchèque, la police a commis une erreur en ne prévenant pas l’homme de la date de son départ, l’incitant à résister de manière passive :

Kateřina Šimáčková,  photo: ČT24
« Ce défaut d’information est à l’origine même de ce conflit totalement inutile. Puis, les policiers ont commis une erreur en enfermant le plaignant dans une pièce, en ayant recours totalement inutilement à un spray lacrymogène. Il a ensuite été transporté dans l’aéroport sur un porte-bagage et durant toute la procédure, il est resté menotté. »

Cette simple énumération des faits a suffi à la Cour constitutionnelle pour constater que la police tchèque avait violé un des droits fondamentaux de l’homme à ne pas être traité de manière humiliante. Une décision qu’a accueillie avec satisfaction Martin Rozumek, directeur de l’Organisation d’aide aux réfugiés :

« Cela arrive que les ressortissants étrangers résistent et il est vrai que dans certains cas, lorsqu’il s’agit d’une procédure d’expulsion, le recours à la force s’avère nécessaire. Mais dans ce cas précis, il est clair que la police a exagéré… »

Fait aggravant pour la juge constitutionnelle, l’Inspection des affaires internes n’a pas jugé bon d’ouvrir une enquête après la plainte déposée par le ressortissant camerounais selon laquelle les policiers l’auraient battu et roué de coups de pieds :

Photo illustrative: Jitka Cibulová Vokatá,  ČRo
« L’Inspection aurait dû clairement examiner les faits. J’estime en outre que le jugement que nous avons rendu doit faire date et servir d’exemple à l’avenir. »

Suite au jugement rendu par la Cour constitutionnelle, l’Inspection des affaires internes a été vivement encouragée à rouvrir le dossier de ce Camerounais molesté par les agents chargés de son expulsion. Pour Šárka Dušková, du Forum pour les droits de l’Homme, et qui représentait le plaignant en République tchèque, la décision rendue par la Cour est une bonne nouvelle :

« C’est un problème systémique : on a recours de manière disproportionnée et préventive aux sprays lacrymogènes et aux menottes. Or, on sait que dans le camp de Bělá-Jezová, ces pratiques sont monnaie courante. »

La République tchèque a justement été pointée du doigt pour les conditions de détention des réfugiés dans ce même camp de Bělá-Jezová, à la fois par la médiatrice de la République, Anna Šabatová, et le haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’Homme qui s’est appuyé sur son rapport. Une image négative que vient renforcer l’annonce d’une grève de la faim entamée par une quarantaine de réfugiés dans un autre camp de rétention de République tchèque, contre les conditions carcérales qui y sont en vigueur.