La fin de la stérilisation forcée, « comme la chute du rideau de fer » pour la communauté trans en Tchéquie

En Tchéquie, la stérilisation ne sera plus exigée pour qu’une personne transgenre puisse officiellement changer d’état civil : début mai, la Cour constitutionnelle a annulé cette condition critiquée depuis de nombreuses années par l’ONU et d’autres institutions internationales. La décision des juges sera effective à partir de juin 2025. D’ici-là, les partis de la coalition gouvernementale doivent se mettre d’accord sur une nouvelle législation.

Introduite dans l’ancienne Tchécoslovaquie en 1981 et maintenue jusqu’à présent, l’obligation de la stérilisation chirurgicale a donc été rejetée par la Cour constitutionnelle comme une pratique « contraire à la dignité humaine ». La Tchéquie fait partie d’une poignée de pays européens où la castration est encore exigée chez les personnes qui veulent changer de sexe et de nom sur leurs documents officiels : en 2023, cette condition a été annulée en Finlande et en Slovaquie, tandis qu’elle est toujours en vigueur en Roumanie, en Lettonie, en Bosnie-Herzégovine ou en Serbie.

Les juges constitutionnels ont donné raison à un homme transgenre qui s’est fait refuser sa demande de changement d’état civil par les autorités municipales, avec l’explication qu’il n’avait pas subi une stérilisation chirurgicale. Sa plainte a par la suite été rejetée par le tribunal régional et par la Cour administrative suprême.

Photo illustrative: Delia Giandeini,  Unsplash

D’après l’association Transparent au moins 50 000 personnes en Tchéquie seraient concernées par la décision de la Cour constitutionnelle. Parmi elles David, un homme transgenre qui s’est confié à Anna Košlerová de la Radio tchèque :

« David a réfléchi à faire cette opération, mais il a décidé de ne pas la subir. Selon les ONG, la plupart des personnes transgenres prennent la même décision et décident, comme David, de suivre uniquement le traitement hormonal. Beaucoup de gens pensent à tort que l’opération exigée par la loi signifie que la personne concernée se fait construire un pénis ou un vagin, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit de l’ablation de l’utérus, des ovaires et des autres organes. C’est une opération importante qui comporte de nombreux risques et peut causer de graves problèmes de santé. David y a sérieusement réfléchi. Il m’a dit que s’il n’y avait pas eu cette décision de la Cour constitutionnelle, il l’aurait peut-être fait en fin de compte. Il se sent beaucoup plus libre maintenant. Il dit que pour toute la communauté trans, ce verdict est comme la chute du rideau de fer. »

Selon la journaliste Anna Košlerová, de nombreuses personnes transgenres ont subi des violations de leurs droits, y compris le traitement méprisant et discriminatoire ou encore des atteintes à la vie privée :

Anna Košlerová | Photo: Matěj Skalický,  ČRo

« Les personnes que j’ai interviewées m’ont raconté que par exemple, elles ne voulaient pas se rendre à la police, pour régler ou signaler quelque chose, parce que leur carte d’identité indiquait un sexe différent de celui dont elles avaient l’air. Mon collègue journaliste m’a décrit le cas d’une femme qui a été expulsée d’un train par le contrôleur parce qu’il pensait qu’elle avait une fausse carte d’identité. Certaines personnes ont peur de postuler à un emploi justement à cause de l’état civil indiqué sur leur carte d’identité, d’autres ont eu des problèmes au bureau de poste par exemple. La liste des obstacles auxquels les personnes transgenres sont confrontées est très longue. »

En annulant l’obligation d’une opération chirurgicale pour les personnes transgenres, la Cour constitutionnelle tchèque a également critiqué l’inaction des responsables politiques dans ce domaine.

Photo illusttrative: Kyle,  Unsplash

La première tentative de modifier la loi date de 2018. A l’époque, le projet a été rejeté par le ministère de l’Intérieur. L’amendement actuel, élaboré il y a deux ans par le ministère de la Justice, en collaboration avec la Commissaire aux droits de l’homme du gouvernement et des experts, n’a pas encore été soumis à l’examen du gouvernement, faute de consensus politique sur le sujet. Celui-ci doit néanmoins être trouvé dans les prochains mois.