La future présidence tchèque de l’UE sous les auspices de Václav Havel et le poids de la guerre en Ukraine
Pour la deuxième fois de son histoire, la République tchèque va assurer la présidence du Conseil de l’Union européenne à partir du 1er juillet. Mercredi, soit deux semaines avant le passage de flambeau avec la France, ont été présentées les priorités de la présidence tchèque de l’UE, ainsi que la devise et le logo qui la caractériseront.
En 2009, la première présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne n’avait pas fait l’économie de quelques petites polémiques, autour d’un spot TV ambigu aux relents eurosceptiques ou d’une sculpture monumentale de David Černý jouant sur les stéréotypes nationaux, ni même d’une crise politique avec la chute du gouvernement de Mirek Topolánek au beau milieu de ce mandat européen, remplacé par un cabinet « d’experts » en guise de gouvernement intérimaire.
Treize ans après, le monde a changé et la guerre en Ukraine, en bouleversant les certitudes, dicte la marche des présidences française, et maintenant tchèque, du Conseil de l’UE, comme l’a noté Mikuláš Bek (STAN), ministre des Affaires européennes :
« Nous avons dû totalement réinventer nos priorités pour la présidence de l’UE. Dans leur forme actuelle, ces priorités reflètent pratiquement toutes la guerre en Ukraine. Nous allons nous concentrer sur l’impact de la guerre sur la politique européenne : c’est le plus grand bouleversement de la politique européenne en trois décennies. Nous avons pu observer beaucoup de changements d’état d’esprit dans de nombreux pays, sur les questions de défense, d’énergie et d’autres questions. C’est une situation nouvelle pour tout le monde, et les priorités de la République tchèque doivent refléter cette nouvelle donne. »
Présidente du Parlement européen, Roberta Metsola est à Prague pour discuter de ces priorités tchèques. Elle a tenu à souligner le rôle important joué par la République tchèque dans la gestion de la crise humanitaire née de la guerre en Ukraine :
« Nous attendons avec impatience la présidence tchèque, qui intervient après plusieurs mois très difficiles. Je peux vous dire que votre pays est prêt à prendre la présidence de l’Union européenne à un moment très difficile et crucial. En fait, elle commencera la semaine prochaine, en fonction des résultats du sommet de l’Union européenne. A mon avis, la République tchèque a fait preuve de leadership en laissant la porte ouverte aux aspirations européennes de l’Ukraine. Bien sûr, chaque pays suit sa propre voie, mais l’Union se trouve aujourd’hui à un carrefour crucial et nous ne devons pas fermer la porte à cette opportunité. »
Le logo de la présidence tchèque représente une forme de boussole avec les couleurs nationales de chaque Etat, censée exprimer la devise même de l’Union européenne : « Unie dans la diversité ».
« L’Europe en tant que mission : repenser, reconstruire, renforcer ». L’actuelle devise de la présidence tchèque de l’UE s’inspire quant à elle d’un essai de l’ancien président Václav Havel, comme le détaille Mikuláš Bek :
« Le mot-clé ‘repenser’ reflète le besoin de redéfinir certains objectifs de la politique européenne vis-à-vis du secteur énergétique, de la défense et de la nouvelle situation née de la guerre en Ukraine. Tout a changé par rapport au passé. Nous avons donc besoin de mener une vraie réflexion et de trouver des solutions rapides. ‘Reconstruire’ exprime à la fois la reconstruction physique des infrastructures dans le secteur énergétique mais aussi la discussion menée sur des changements institutionnels en Europe suggérés par les conclusions de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. ‘Renforcer’, enfin, reflète à la fois le débat sur l’énergie et les propositions de la Commission européenne visant à améliorer la situation dans le secteur énergétique avant l’hiver et aussi l’idée de redonner plus de pouvoir à l’Europe dans ses capacités de défense et son image dans le monde. »
Alors que la Commission européenne rendra son avis vendredi sur la demande de candidature de l’Ukraine, Mikuláš Bek rappelle que Prague plaide depuis le début activement en faveur de cette dernière. La gestion de la crise des réfugiés ukrainiens, l’aide à l’Ukraine, mais aussi l’avenir avec la reconstruction de l’Ukraine après la guerre, sont le premier point majeur des priorités tchèques, alors que le président ukrainien Volodymyr Zelensky disait croire, mercredi, devant les parlementaires tchèques, que la Tchéquie « ferait partie des pays leaders qui participeront le plus au renouveau économique et infrastructurel de l’Ukraine. »
Car si l’adhésion à l’Union européenne est l’horizon ardemment souhaité par l’Ukraine, celle-ci a pu être contestée par le passé : la Tchéquie elle-même n’a longtemps pas fait figure d’euro-enthousiaste, une ligne qui semble avoir bougé, ici comme ailleurs, avec l’invasion russe, et que la présidente du Parlement européen dit vouloir cultiver en se déplaçant en personne dans les Etats-membres, comme en cette fin de semaine à Prague :
« C’est un changement par rapport au passé, lorsque le Parlement européen ne rencontrait que les plus hauts représentants des Etats. Je vais notamment aller rencontrer des étudiants. Je veux demander aux jeunes Tchèques ce qu’ils pensent de l’Union européenne et ce qu’ils en attendent. Il nous reste deux ans avant les prochaines élections du Parlement européen. Nous avons constaté une augmentation significative du soutien à ce projet et à l’Union dans son ensemble. Mon travail consiste à faire en sorte qu’encore plus de Tchèques aillent voter aux élections européennes. Il ne s’agit pas tant de ce que nous faisons que de ce que les gens veulent que nous fassions. Nous devons les écouter plutôt que de leur dicter ce qu’ils doivent penser. »