La lente intégration des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail tchèque
Près de 95 000 réfugiés ukrainiens travaillaient en République tchèque à la fin du mois de janvier. Au total, 190 000 des quelque 490 000 personnes accueillies depuis le début de la guerre, très majoritairement des femmes (132 000), ont trouvé un emploi en l’espace d’un an. Pour beaucoup cependant, la maîtrise insuffisante ou encore approximative du tchèque les empêche d’occuper des postes plus qualifiés.
C’est le cas, par exemple, d’Anna, jeune réfugiée qui vit désormais dans la région de Karlovy Vary, dans l’ouest de la Bohême. Encore dans l’incapacité de s’exprimer en tchèque, elle explique que c’est « un ami qui [l’a] aidée à trouver du travail dans un entrepôt ».
Anna n’est pas seule dans cette situation. Selon les données publiées dimanche par le Bureau du travail (l’équivalent de Pôle Emploi en France), 70 % des travailleurs ukrainiens issus des rangs des réfugiés sont des femmes et beaucoup d’entre eux (elles) n’ont encore accès qu’à des positions nécessitant peu ou aucune qualification, dans des domaines comme la construction, la production, l’assemblage ou encore les transports.
Si la barrière de la langue reste un obstacle majeur à l’emploi dans des professions plus spécialisées, les autorités sont conscientes de cette nouvelle réalité sur un marché du travail tchèque dont deux des principales caractéristiques sur le long terme restent un faible taux de chômage et une importante pénurie de main-d’œuvre, plus encore qualifiée. Le Bureau de travail propose d’ailleurs des aides pour les candidats à des cours de tchèque.
L’exemple de Valeriia, employée comme médecin à l’hôpital Masaryk d’Ústí nad Labem, dans le nord de la Bohême, montre toutefois que pour ce qui est de la place des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail tchèque, la situation pourrait rapidement s’améliorer.
« La première semaine, quand les Russes sont arrivés, il y a eu beaucoup de missiles. Il y en avait tellement qu’il était impossible de dormir. Nous n’avions plus d’énergie, plus de chauffage, alors nous avons décidé de partir en République tchèque. »
Valeriia est arrivée en République tchèque en mars 2022, accompagnée d’une tante et de ses enfants. Après avoir d’abord pensé qu’il lui serait possible de rentrer dans son pays d’origine au bout de quelques mois, elle a finalement décidé de rester dans son pays d’accueil, la situation ne s’apaisant pas en Uktraine. Et un an après le début de l’invasion russe, sans couper les ponts avec ce qu’elle appelle toujours son « chez nous », elle envisage désormais son avenir en République tchèque :
« Quand la guerre sera finie, j’aimerais pouvoir rentrer chez nous tous les trois à quatre mois. Nous avons (l’application) Telegram (le service de messagerie le plus populaire en Ukraine) et les chats qui nous permettent de ne pas perdre le contact avec nos proches. Nous nous tenons informées tous les jours et quand un missile est tiré en direction de Kiev, nous voulons tous savoir où il va atterir. Et après, ma grand-mère appelle pour nous rassurer et nous dire que c’était à côté. »
Après sa fuite d’Ukraine, Valeriia a d’abord séjourné à Prague avant, donc, finalement, de s’installer à Ústí nad Labem, ville de 90 000 habitants située à quelques kilomètres de la frontière avec l’Allemagne.
À son arrivée dans la capitale tchèque, il lui a fallu un mois pour accomplir les démarches nécessaires à la reconnaissance de son niveau d’études et de sa qualification professionnelle en Ukraine. Quatre mois plus tard, l’hôpital d’Ústí, le premier dans le pays où elle a passé un entretien, l’embauchait. Et à entendre Valeriia, qui travaille dans le service de gynécologie et d’obstétrique, tout se passe pour le mieux jusqu’à présent :
« Ils (mes collègues tchèques) m’appellent par exemple quand ils ont une patiente d’Ukraine qui ne parle pas tchèque et me demandent alors de venir donner un coup de main. C’est une aide précieuse pour tout le monde. J’ai déjà assisté à l’accouchement d’au moins dix femmes ukrainiennes et à chaque fois, oui, elles étaient très heureuses que je sois de service. »
Selon Martin Klimeš, porte-parole de « Krajská zdravotní », l’autorité sanitaire de la région d’Ústí nad Labem, un peu plus de 150 employés ukrainiens travaillent actuellement dans sept hôpitaux de la région.
« La plupart ont déjà entamé le processus pour faire valoir la reconnaissance de leurs qualifications professionnelles. Entre le dépôt de la demande jusqu’à l’obtention du certificat d’accréditation, un certain temps est nécessaire. Il s’agit aussi bien de médecins que d’infirmières ou d’auxiliaires médicaux. Ils se trouvent dans la plupart de nos services, tous secteurs d’activité confondus. »
Depuis le début de l’invasion par la Russie de leur pays, ce sont près de 490 000 réfugiés ukrainiens qui ont obtenu un visa de protection temporaire en République tchèque. Si parmi eux beaucoup sont repartis, un peu plus de 350 000 sont restés et resteront quelque temps encore. En décembre, en effet, les députés ont approuvé un amendement permettant aux réfugiés de prolonger la validité de leur visa jusqu’à fin mars 2024, soit donc un an de plus.
Outre l’octroi d'un permis de séjour, ces visas permettent à leurs titulaires d’accéder au marché du travail et au logement, de bénéficier d’une assurance maladie et pour les enfants d’être scolarisés.