La lettre ouverte de Macron aux Européens très critiquée dans la presse tchèque

Emmanuel Macron, photo: John Thys, Pool Photo via AP

Cette nouvelle revue de la presse tchèque de la semaine écoulée propose notamment quelques réactions à la récente lettre ouverte adressée par Emmanuel Macron aux Européens, dont celle, radicalement négative, de l’ancien président Václav Klaus. Autres sujets traités : les nouveaux défis à relever pour l’industrie automobile tchèque, qui est le principal moteur de la prospérité économique du pays, ou encore le regard de la société tchèque sur les personnes séropositives.

Photo: AP Photo/Francois Mori
La lettre ouverte dans laquelle le président français s’adresse aux citoyens européens et appelle à une renaissance de l’Europe, a reçu un accueil mitigé sur la scène politique tchèque. Elle a même été rejetée par le Premier ministre Andrej Babiš. Elle a aussi fait l’objet de nombreux commentaires dans les médias. « Le président Macron est un homme politique et un orateur de talent, il prêche là cependant les convaincus et écœure un peu plus encore ceux qui le sont déjà », estime, par exemple, le quotidien Lidové noviny :

« Emmanuel Macron lance son appel aux ‘citoyens de l’Europe’, mais personne ne sait très bien au nom de quel courant politique ou idéologique il s’exprime, car son mouvement En Marche n’est même pas représenté au Parlement européen. Macron met en garde contre le piège populiste en donnant l’exemple du Brexit et l’approche chaotique des élites britanniques. Pour ce qui est de l’aspect technique du pouvoir, il a certes raison, mais il néglige une des causes du Brexit, qui est qu’une majorité des Britanniques a rejeté l’orientation existante de l’UE... La liberté, la protection et le progès sont de grandes vertus. Mais comment convaincre tous ceux qui sont écœurés au point de vouloir voter pour les partis protestataires ? Voilà la question qui s’annonce la plus épineuse. »

« Emmanuel Macron défend les intérêts de la France dont il est le président tout en défendant les intérêts qui sont les nôtres. C’est un constat dont les Tchèques devraient tenir compte tant qu’il en est encore temps », peut-on lire dans un texte mis en ligne sur le site aktualne.cz. Son auteur affirme également :

Emmanuel Macron,  photo: John Thys,  Pool Photo via AP
« Beaucoup appréhendent les élections européennes avec inquiétude et craignent qu’une éventuelle victoire du nationalisme brise le projet européen. Il est évident que les nationalistes souhaitent remplacer celui-ci par des Etats nationaux, de manière à fragiliser le confort de la paix. Des doutes similaires ont déjà été exprimés dans un texte signé par plusieurs intellectuels, avec à leur tête le philosophe français Bernard-Henri Lévy. Concernant le texte pathétique du président Macron, il exprime une crainte reélle et cherche à faire basculer les Européens pour qu’ils ne choisissent pas leur auto-destruction. »

Le même auteur estime aussi qu’Emmanuel Macron a bien choisi son moment pour prendre les rênes de l’Europe, car le Royaume-Uni a devant lui des perspectives économiques peu favorables et la chancelière allemande Angela Merkel est sur le départ.... Le journal en ligne Deník Referendum écrit à propos de cette initiative :

« En France, Emmanuel Macron a voulu une révolution, tandis qu’en Europe, il souhaite une renaissance. Les uns lui reprochent son absence d’idées, les autres l’accusent d’en avoir beaucoup trop. Pourtant, finis les grands projets que le président français avait dessinés dans son discours prononcé en septembre à la Sorbonne, finis également les gestes ambitieux. Dans sa lettre aux ‘citoyens de l’Europe’, Macron demeure assez modéré, ce qui n’est pas évident au premier abord... Il s’agit d’une stratégie de marketing, une façon d’ouvrir intelligemment la campagne européenne. »

« En principe, Emmanuel Macron propose une fédéralisation de l’Europe, ce qui n’est pas réaliste en ce moment », estime pour sa part le site echo24.cz. D’après lui, on peut ne pas être d’accord avec tout ce que le président français prétend. « Toutefois, ses paroles selon lesquelles jamais l’Europe n’a été aussi nécessaire et autant en danger depuis la Seconde Guerre mondiale mériteraient d’être gravées dans la pierre », conclut-il.

Václav Klaus : le temps de quitter l’UE est venu

Václav Klaus,  photo: Jana Přinosilová,  ČRo
« Un pamphlet du ‘président du Soleil’ ». Telle est l’étiquette collée à la lettre d’Emmanuel Macron aux Européens par Václav Klaus, bien connu pour ses positions eurosceptiques voire europhobes. Dans un texte rédigé pour le quotidien Mladá fronta Dnes, l’ancien président tchèque formule la conviction que l’Europe n’a nullement besoin d’une aide du président français :

« Emmanuel Macron présente ses conseils autoritaires et arrogants à un moment où la France est confrontée à des problèmes économiques et sociaux sans précédent. Comment donc un président dont la cote de popularité dans son pays est aussi basse et qui cherche à dissimuler les échecs de sa politique nationale par un activisme européen, peut-il donner des leçons au reste de l’Union européenne ? Si la politique ‘macronienne’ boursouflée devait être imposée à l’UE et si la ‘renaissance européenne’ devait se réaliser, alors il nous faudrait la quitter promptement. La vision terrifiante qui est celle de Macron n’offre pas d’autre issue. »

Václav Klaus conclut son texte sur un appel : « Quittons l’UE du semi-monarchque français arrogant tant qu’il en est encore temps. »

La révolution automobile, un défi à relever pour la Tchéquie

Archiv de Škoda Auto
La Tchéquie saura-t-elle relever les défis liés à la prochaine transformation de l’industrie automobile ? Un sujet traité dans l’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny, qui rapporte :

« Envieux du niveau de vie élevé des Allemands de l’Ouest, c’est dans l’industrie automobile que, sous le régime communiste, Tchèques et Slovaques voyaient un important pillier du miracle économique allemand. Aujourd’hui, tant la Tchéquie que la Slovaquie dépassent l’Allemagne par l’importance prise par l’industrie automobile dans leur production économique. L’industrie automobile représente un quart de la production industrielle et des exportations, et emploie quelque 133 000 personnes. La tâche de maintenir ce moteur de la prospérité sur le terriroire tchèque représente alors, de concert avec l’énergétique, la sécurité, l’économie de l’eau, l’éducation, la culture, la santé et l’écologie, une de nos prirotiés. »

D’après l’économe Pavel Kysilka, la révolution de l’automobilité va très probablement changer la carte globale de l’industrie automobile. Un constat dont la Tchéquie doit tenir compte en adoptant, par exemple, des lois qui profiteront aux modèles d’économies partagées ou aux automobiles autonomes. Or, d’après ce que l’auteur du texte remarque, « la Tchéquie se trouve dans une situation où elle a besoin de bonnes stratégies gouvernementales qui lui permettront de conserver un grand secteur qui contribue considérablement au bien-être de l’ensemble de la société. »

Le sida et la Tchéquie

Photo illustrative: geralt / Pixabay,  CC0
La Tchéquie est en retard en ce qui concerne la prévention de la prolifération du VIH. La criminalisation des personnes séropositives et l’apoproche rigide des tribunaux en seraient principalement responsables. C’est du moins ce que pense l’auteur d’un texte publié dans Deník Referendum :

« Le combat contre le VIH n’est pas perdu. On le voit dans de nombreux pays, notamment en Europe occidentale, qui ont réussi à développer un système de prévention efficace qui a permis de stabiliser la situation. En Tchéquie, comme le veut la législation, un rapport sexuel non protégé d’une personne séropositive est considéré comme un acte criminel de prolifération des maladies contagieuses ou comme portant atteinte à la santé. Ce dernier point notamment est très grave et peut être sévèrement pénalisé. Assez fréquemment, la prononciation d’un verdict a pour conséquence de criminaliser la personne concernée, de la stigmatiser et de l’éloigner de la société. »

Les tribunaux tchèques traiteraient les séropositifs comme des éléments dangereux qu’il convient d’isoler du noyau sain, comme c’était la pratique avant la chute du régime communiste en 1989. Deník Referendum illustre cette situation à travers plusieurs cas concrets récents. Toutefois, comme il le remarque, le traitement et la prévention du VIH ont évolué au point que ce phénomène exige dorénavant une approche foncièrement différente.